arnet de Devhinn.
Pièce perdue n°3.
Et je tombe. Encore et encore. D’un étage inférieur au 86ème, à un étage bien plus bas. Inexorablement je tombe, mais lentement aussi.
La flèche tombe moins vite que moi. J’aurais pu tuer le Château. Je connais sa faiblesse d’immortel, c’est la même que la mienne. Mais je ne l’ai pas fait. Je ne sais pas pourquoi, quelque chose m’en a empêché. Des souvenirs peut-être.
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(Deux ans plus tôt, première vie)
Je suis à l’entrée du Château. A l’entrée de ce « chiche », que j’ai fait avec Maxime, mon ami, juste à côté de moi. Armés de sacs à dos bourrés de barres céréales et de notre naïveté sans égale, nous sommes tout près de faire la plus grosse bêtise de notre vie.
– Trop cool ce Château ! On dirait celui de Dracula, mais en beaucoup plus stylé !, s’exclame Maxime.
– T’as raison, dis-je. Bon alors qu’est-ce qu’on attend ?
Maxime me sourit, et je frappe à la porte en riant. Grosse erreur. La porte s’ouvre devant nos visages interloqués, et nous sommes happés à l’intérieur.
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(Quelques heures plus tard)
Le type avec un fouet n’est franchement pas un bon gars. Je regarde Maxime, le ventre tailladé, un œil au beurre noir. Il me questionne des yeux, horrifié, ayant renoncé à crier. Et je ne sais pas plus que lui pourquoi nous sommes ligotés à des chaises, avec un bourreau qui nous poses sans cesse une question : « Qui est le Château ? » « Qui est le Château ? ».
Au bout de la vingtième fois, ou peut-être plus, un homme arrive. Il a un manteau noir, des chaussures noires, des cheveux noirs. J’apprendrais plus tard qu’il s’agit du Château lui-même.
Il s’adresse au bourreau :
– Cessez. Il est clair qu’ils ne connaissent pas mon identité.
Il s’approche à égale distance de nous deux, paraissant s’amuser de la situation.
– Alors, les enfants, on s’est aventuré trop loin de la maison ? Et maintenant on ne comprend plus rien de ce qui nous arrive ?
Il retire nos baillons.
– Il se trouve, continue-t-il, que j’ai le moyen de vous délivrer…
Maxime et moi nous regardons sans comprendre. Puis le Château sort un couteau de sa poche. Nous écarquillons les yeux.
– Eh bien, qu’attendez-vous ? Vous voulez défaire vos liens ?
La suite s’enchaîna à toute vitesse. Maxime pivota sur sa chaise, s’apprêta à demander de l’aide au Château, et reçu le couteau en plein milieu du dos. Il hurle, je crie, il meurt. Je pleure. Le Château retire la lame ensanglantée, et part en sens inverse.
– Leçon numéro un, savoir déceler le mensonge de la vérité. Emmenez celui qui reste.
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(Présent)
J’atterris en douceur en bas de cette sorte de tuyau sombre, et ramasse la flèche. Un tunnel assez court se dirige vers une porte de garage. Je m’y rends. Avant de l’ouvrir, je pose mon sac et en défait la fermeture éclair. Dedans, entre le carnet du grand petit nain et un demi-croissant, je sors une barre céréale. Périmée il y a un an et demi. Je la mangerais quand-même.
Autrice : un gars…, sous le pseudo « un gars… »