Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LE SALON ENLIERRÉ
LE SALON ENLIERRÉ

LE SALON ENLIERRÉ

La pièce dans laquelle j’entrai ensuite me mena directement à ce que je cherchais. J’eus du mal à le voir dans un premier temps. La pièce croulait sous un lierre épais, qui s’étalait sur le sol, grimpait le long des murs et des meubles vermoulus. Je faillis trébucher dessus: un corps gisant au milieu de la pièce, face contre terre. À la lumière tamisée des lustres vacillants (qui avait allumé ces bougies? pourquoi brûlaient-elles encore?), ses cheveux blonds clairsemés étincelaient.
Mon estomac fit un soubresaut et je grimaçai. Bon, ok. Peut-être avais-je négligé de préciser un certain point. Certes, l’idée de la mort me dérangeait guère. Mais la mort en elle-même ? Son odeur, son apparence, sa… texture ? Bien plus.

Je travaillai rapidement : en quelques minutes, j’avais vidé les poches et le sac de l’explorateur, et j’avais trié ses affaires selon leur importance. Parmi une multitude d’objets sans valeur — des bibelots et des portes-bonheur, quelques mètres de corde élimée, des vêtements rapiécés et une poignée de pièces d’une monnaie inconnue — se dissimulaient quelques articles dont je pensais pouvoir tirer de l’argent. Je sortis un sac en toile de l’une des poches de ma veste et j’y glissai soigneusement une petite dague en émail, une paire de lunettes en plastique rouge, un rouleau de scotch et un vieil appareil photo. Un objet étrange attira mon attention : plat et rectangulaire, noir et complètement lisse — excepté pour une encoche circulaire au bas de l’une de ses faces, il ne ressemblait à rien de ce que j’avais pu voir auparavant. Machinalement, je le rangeai aussi dans mon sac, avant de me lever avec un grognement étouffé. Mes genoux me faisaient atrocement souffrir. L’humidité permanente du Château rongeait mes articulations — ou peut-être commençai-je à me faire vieux. Chancelant sous le poids de mes poches remplies, je me dirigeai vers la porte en allumant l’énième cigarette de la matinée.

Je la refermai derrière moi avec un coup de pied, et n’oubliai pas de marquer le bois fissuré d’une croix, au moyen d’une bombe de peinture rouge que je gardai toujours sur moi. Grâce à cette croix, en quelques minutes, le corps aurait disparu.

Auteur : Épervier sous le pseudo « Épervier »

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