La Chatte qui Pêche as Poussière d’Étoile
A peine entrée dans cette pièce, j’eus un sursaut de frayeur. Devant nous se dressaient une dizaine d’humains, habillés de la même façon en noir et blanc, qui nous regardaient fixement. J’étais indécise s’il s’agissait de gardes du corps ou de pingouins incognito, lorsque l’un d’eux s’inclina très bas et nous annonça avec un sourire « Bienvenue au Café Castelli! Installez-vous! » En moins de temps qu’il ne faut pour dire « hé! » nous nous retrouvâmes assis à une table, un menu entre les mains et une nuée de garçons de café s’activant autour de nous.
« Que préférez-vous? Une tasse de thé? Un verre de limonade? Quelques pâtisseries, peut-être? » claironnait celui qui nous avait accueilli et qui était manifestement le patron du coin.
Il nous présenta plusieurs mets et boissons qui n’avaient rien d’appétissant. Certains semblaient pourris depuis des siècles, d’autres étaient recouverts d’une épaisse couche de poussière. En fait, le café entier donnait l’impression d’appartenir à une autre époque. Les petites tables dispersées de partout devaient avoir été chic autrefois, mais à présent elles étaient vermoulues et tombaient en pièces. Un lustre luxueux pendait du plafond, recouvert de toiles d’araignées. Tout était poussiéreux, mité, jusqu’aux costumes des employés. D’ailleurs, ne se rendaient-ils pas compte de cette décadence?
« Alors, messieurs dames? » s’impatientait le patron. Nous nous regardâmes en grimaçant. Finalement, ce fut Om qui se sacrifia.
« Nous vous remercions mais…hum… nous n’avons pas le temps de nous restaurer. Nous devons poursuivre notre chemin. » dit-il en se levant.
« Oh non, monsieur! répondit le patron en le repoussant fermement sur sa chaise. Nous ne vous laisserons pas repartir tant que vous ne serez pas satisfaits. Le client doit être satisfait! »
« Le client doit être satisfait! » répétèrent en chœur les autres.
Je commençai à me préoccuper. Sortir de là allait être plus difficile que prévu. Du coin de l’œil, j’avisai deux portes au fond du café. Je parvins à attirer l’attention d’Esprit, qui comprit et sortit discrètement le miroir d’Amélie. Quelques secondes plus tard, elle nous indiqua l’issue de gauche. A présent, il s’agissait de ruser.
« En réalité, il y a quelque chose que nous aimerions beaucoup déguster », je commençai.
Immédiatement, toutes les têtes des employés se penchèrent vers moi pour entendre mon souhait.
« C’est…c’est… » hésitai-je.
Esprit vint à la rescousse.
« Une potion énergétique. Il faut mélanger du chocolat, des œufs frais, du jus d’orange et heu… »
« Du rutabaga, des pétales de rose et des fraises de saison » compléta Om.
J’avais grand mal à garder mon sérieux, même si ces pauvres humains faisaient un peu pitié tellement ils étaient concentrés sur les mots de mes compagnons. Le patron nota tout scrupuleusement, puis nous fit une courbette.
« Votre commande vous sera servie dès que possible. »
Et il rejoignit ses employés, occupés à rechercher tous les ingrédients derrière le comptoir. Sans aucun doute, cela leur prendrait un bon moment. Nous nous dirigeâmes sur la pointe des pieds vers la porte. J’espérai que la prochaine pièce allait être plus agréable qu’un vieux café rempli d’humains à moitié fous, qui marmonnaient inlassablement « Le client doit être satisfait » tandis qu’ils s’affairaient à trouver du rutabaga et des fraises de saison.