Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
L’ANTRE DE TORREFACTOR
L’ANTRE DE TORREFACTOR

L’ANTRE DE TORREFACTOR

La pièce dont je vais vous parler ici fait sans doute partie des endroits les plus sinistres du Château des Cent Mille Pièces. Car depuis des siècles, c’est l’antre d’un monstre,Torrefactor.

A vrai dire, je ne croyais pas vraiment à son existence. Mon Papi m’en avait beaucoup parlé, mais je pensais qu’il avait inventé le monstre pour me dissuader de partir explorer l’aile gauche du château… Jusqu’à ce que je le rencontre, ce monstre, en chair et en tentacules…

Mais pardon, j’ai manqué de politesse : je me présente, Marceau, le rat le plus téméraire du Château des Cent Mille Pièces ! Ma famille habite depuis des générations les caves de l’aile droite du château.

Laissez-moi maintenant vous raconter comment j’ai trouvé l’antre de Torrefactor… Un après-midi d’orage, fatigué de jouer avec mes cousins (ils adorent le tarot, pas moi), je me mets à suivre le vol d’une mouche. Imaginez une mouche qui, surexcitée par la tension de l’air, traverse les couloirs du château à une allure incroyable et moi qui m’amuse à la suivre de toute la force de mes petites pattes… Bref, nous nous amusons bien quand soudain, elle disparaît par une des hautes fenêtres, et je me retrouve seul. Le couloir me semble maintenant bien sombre et beaucoup plus haut de plafond que tout à l’heure… Devant moi, un petit trou dans le mur dont j’espère qu’il mène à des galeries : chouette, me dis-je, je vais pouvoir regagner l’aile droite du château.

Hélas, j’ai été trop optimiste : aucune galerie à l’horizon, mais une pièce, encore plus sombre que le couloir, et encore plus haute de plafond…
Dans un coin de la pièce, sous une alcôve, j’aperçois une forme blanche dont j’arrive peu à peu à distinguer les détails : à quelques mètres de moi se trouve un être monstrueux, affalé sur une sorte de trône tout noir. Pareil à une grosse lune blanche, son corps laiteux laisse sortir deux tentacules de chaque côté de sa tête.

Mon sang de petit rat se glace…c’est Torrefactor. Pas d’erreur possible, la description ressemble en tous points à celle que mon papi m’en a faite. J’entends soudain des pas à côté de moi : ah mais oui, c’est un des serviteurs dont m’a parlé mon papi !
A longueur de siècles, m’a-t-il dit, Torrefactor se fait servir du café.

Je vois le serviteur se diriger vers une grande table à l’opposé du trône de Torrefactor. On y devine des centaines de boîtes et de cafetières. En me faufilant près de la table, je vois deux piles de vaisselle, une pile avec des soucoupes noires, une autre avec des tasses noires décorées d’un coq rouge. Les coqs rouges semblent être la seule exception à l’amour du noir de Torrefactor…

Je sursaute. Pointant sur le serviteur une de ses tentacules, le monstre lui lance d’un ton aigre :
« Un Yrgacheffe long sans sucre avec une pointe de lait ! ». Puis une fois que le serviteur s’est mis à préparer le café, Torréfactor rectifie : « Ou plutôt… Un Maragogype bien serré avec deux sucres et demi ! ». Le pauvre serviteur, déjà affolé par le décor sinistre des lieux, a bien du mal à retenir la commande et se débat avec une myriade de boîtes étiquetées et illisibles, boîtes de café, de lait, de sucre… Et quand il a enfin réussi à trouver une cafetière propre et à fabriquer le breuvage, le monstre lui ordonne :
« Apporte-le moi ! Mais je te préviens, si tu en renverses ne serait-ce qu’une goutte, c’en est fini pour toi ! »
Glacé par la cruauté de Torrefactor, le serviteur empreinte le long tapis noir qui conduit au trône. Avec d’infinies précautions, il tient la soucoupe des deux mains et avance. Mais plus il essaie de s’approcher du monstre, plus le trône semble reculer et le tapis noir se rallonger. Les mains du serviteur se mettent à trembler, la soucoupe noire joue des castagnettes et le café s’agite dans la tasse au coq rouge. Comment, moi petit Marceau, aider le pauvre garçon ?

Une goutte de café finit immanquablement par tomber sur le sol. Aussitôt arrivée sur le tapis, elle s’agrandit et se transforme en un sinistre puits par où le serviteur disparaît, dans un grand fracas de porcelaine cassée…

Avant de m’enfuir par où j’étais arrivé, je vois Torrefactor se frotter les tentacules et ricaner :
« Bon débarras ! Je déteste le café… Allez, suivant ! »
Que je suis heureux d’aller jouer au tarot….

Auteur : Safier-Guizard sous le pseudo « Safier-Guizard »

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