Ou la pièce où l’enfant de lumière a failli s’éteindre.
Je me trouvais dans une pièce plutôt sombre, totalement silencieuse. Une faible lueur éclairait à quelques mètres devant moi, provenant d’au-dessus de ma tête. Comment ça, mon récit a connu une longue pause ? Mais c’est que j’avais besoin de dormir, me remémorer mes deux premières pièces a été très éprouvant.
Comment ça, vous ne vous souvenez pas de ce qui s’était passé ? Hé bien, pour vous rafraichir la mémoire de façon rapide, j’avais pénétré dans ma première pièce, une pièce étrange, envahie de brume, où j’avais rencontré de magnifiques créatures dorées, les Dragons du Temps Perdus, une espèce disparue il y a longtemps, ainsi qu’une version du temps, un beau jeune homme, enfin, pas si jeune. Et j’avais assisté à leur destruction par des chevaucheurs d’Hippocampes Spatiaux. C’était une répétition de l’histoire, sans possibilité d’en changer le cours. Ce qui avait légèrement attaqué mon esprit par la détresse poignante qui s’en était dégagée. Quand j’avais réussi à me ressaisir un peu, j’avais pu ouvrir une porte et basculer dans une deuxième pièce. Qui ressemblait vaguement à une cuisine abandonnée. Avec un interrupteur que j’avais activé. Et l’ampoule avait mis au monde une sorte d’enfant de lumière, de la taille d’un bambin de quatre ans, endormi. Et puis, j’étais sortie.
Et en refermant la porte, j’avais remarqué, un peu trop tard, l’absence de l’enfant de lumière de la pièce que je venais de quitter. Et donc, je me trouvais dans une pièce plutôt sombre et totalement silencieuse, avec une lueur qui provenait d’au-dessus de ma tête.
Je levai la tête pour voir le petit être lumineux flotter à quelques centimètres de mon nez, toujours recroquevillé dans une position fœtal. Il était la source qui éclairait la pièce, la seule source d’ailleurs. Je fis quelques pas et le petit bonhomme se déplaça avec moi. Ce mouvement me fit découvrir des marches translucides et rectangulaires qui amorçaient un chemin descendant. En m’en approchant, je notais qu’elles semblaient flotter dans le vide noir. Comme aucun danger immédiat n’apparaissait, je m’assis quelques temps pour me reposer, puis je m’engageai dans l’escalier, toujours accompagnée du petit bonhomme enfanté par l’ampoule.
Les marches s’enfonçaient dans la nuit. Je marchais un long moment, passant de rectangle de cristal, car c’était du cristal, en rectangle de cristal. Je ne voyais la marche suivante que grâce à des légers reflets. J’avais la sensation de marcher dans le vide, voyant la même chose sous mes pieds que tout autour de moi. Une drôle de sensation, d’ailleurs. Je finis par atteindre une sorte de plateforme circulaire de laquelle partaient trois escaliers différents. J’optais pour celui semblant descendre dans une large spirale. Ce fut ainsi plusieurs fois : je me retrouvais sur une plaque de cristal plus grande que les précédentes sur laquelle plusieurs escaliers se rejoignaient. Et à chaque fois, je choisissais le chemin qui descendait. L’enfant de lumière restait toujours au-dessus de ma tête, toujours endormi, toujours lumineux. Au fil des escaliers, je pus cependant remarquer que sa lueur faiblissait par moment et qu’il semblait perdre de l’altitude.
Tant et si bien que je faillis me cogner violemment dans un grand rectangle de cristal posé au milieu d’une plateforme, tellement que la lumière qu’il émettait était devenue diffuse. J’étais en train de me demander ce qu’il se passerait, s’il tombait à cours d’énergie, car j’en avais déduit qu’il devait en manquer, vu son état. Est-ce qu’il s’éteindrait définitivement ? Ou est-ce qu’il pourrait se recharger ? Sous quelle forme serait-il en attendant ? Comment le recharger ? Et donc, perdue dans mes pensées et par manque d’éclairage, je manquai de rentrer dans ce rectangle vertical.
Un examen minutieux de celui-ci me permit de remarquer une poignée sur ce qui devait être une porte. Sauf que celle-ci était gravée dans quelques traits fins dans la matière même de la porte et je ne pouvais l’attraper, seulement effleurer et suivre du bout des doigts sa forme. Au niveau de mon épaule, l’être engendré par l’ampoule – qui a perdu de l’altitude, comme je vous l’ai dit précédemment – ne se distinguait presque plus. Inquiète, je fis parcourir toute la surface de la porte à mes mains, cherchant une solution. J’essayai de baisser la poignée en faisant un geste de haut en bas, mais si la gravure m’avait paru bouger de quelques millimètres, cela n’ouvrit par la porte.
Je me laissai tomber sur le sol et murmurai :
-Comment t’ouvres-tu, satanée porte ?
Notez bien que « satanée », pour une Ange, c’est tout de même un sacré juron.
-Avec un « s’il-vous plait ». Et un payement, me répondit la porte.
J’avalai ma salive de travers. Comme ça, un payement ? Question que je posai à haute voix, contenant mon agacement.
-Et bien, je ne m’ouvrirais qu’après avoir reçu un payement correct.
-Comment puis-je vous payer ? vous êtes une porte, je ne peux vous offrir ni richesse ni présent…
-Pour deux passages… commença la porte.
-Deux passages ?
-Vous et votre ami quasiment invisible. A moins que vous ne vouliez le laisser là.
-Non, non, je m’empressai de la détromper car se balader avec quelqu’un pendant des heures alors que vous venez d’être très fragilisé psychologiquement, ça créer un certain attachement. Alors, pour deux passages ?
-Deux souvenirs. Choisissez bien car ils doivent être suffisamment conséquents. Et ils seront effacés de votre mémoire.
Avais-je le choix ? Pas vraiment. Mon petit bonhomme, car je l’avais surnommé ainsi avant de trouver un nom plus sympa, semblait à bout. Je ne le voyais presque plus et il n’était plus qu’à la hauteur de ma taille. Je choisis deux souvenirs et posai mon front contre la porte. Lesquels ? Je l’ignore, ils ont disparu. Mais ils devaient appartenir à mon passé car je garde un souvenir assez clair de mon aventure dans le Château. Quelques minutes plus tard, la porte pivota, laissant apparaitre un rectangle de lumière. Pas une forte lumière, mais pour mes yeux qui venaient de passer un long moment dans le noir, ce fut une lumière éblouissante. Je choisis d’attendre quelques minutes histoire de me réhabituer, mais la porte ne me laissa pas appliquer ce choix
-Veuillez passer rapidement. Fermeture de la porte dans cinq… quatre…
Je retins une grimace devant son ton ironique et fit un pas en avant en vérifiant que mon petit bonhomme me suivait. Il me semblait que c’était le cas, mais je ne pouvais en être sûre, éblouie.
-… trois … deux…
Je passai la porte, plissant les paupières.
-… un… zéro.
La porte claqua derrière moi.
Autrice : Ailes d’Anges (Aile 1), sous le pseudo « Ailes d’Anges (Aile 1) »