Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE VOLCANIQUE
LA PIÈCE VOLCANIQUE

LA PIÈCE VOLCANIQUE

[Etincelle]

La pièce suivante était très sombre. Le sol était pierre brute, un seul bloc, et semblait étrangement tiède. J’échangeai un regard inquiet avec Ourite, ma chère compagne d’aventure. Sans un mot, j’attrapai sa main et la serrai fort, tentant de partager ma joie d’être avec elle et ma peur de ce qui allait suivre. Le Château n’était pas bienveillant.
Le contact était chaud, sa paume un peu moite. Je me sentis moins seule.
Prudemment, nous avançâmes dans la pièce. Pendant un instant, il ne se passa rien, quand soudain un grondement très grave courut sous le sol, déployant toutes ses vibrations dans la pierre.
Nous nous figeâmes.
Il semblait venir des entrailles du château.
« Ce n’est pas normal. »
Je sentis qu’Ourite reculait. Au contraire, je me penchai en avant pour mieux distinguer ce qu’il se passait. Courage ou bêtise ? La question m’effleura mais je la repoussai avec détermination. Avec la connaissance du danger, je pourrais mieux le combattre.
Le grondement s’intensifiait. Animée par une subite poussée d’adrénaline, je fis un pas, quand soudain…
Au milieu de la pièce, le sol explosa.
Je fus propulsée vers Ourite, sans rien pouvoir faire, le sol se fissurait partout, je hurlai, tentai de m’accrocher à quelque chose…
« Etincelle ! »
Sa voix. C’était sa voix, c’était forcément sa voix. Je ne l’avais que difficilement perçue, tant le vacarme était énorme. La pierre sur laquelle je me tenais se détacha alors avec un craquement sinistre. Subitement, je réalisai que la pièce était tout illuminée, et j’en compris la raison.
Entre les morceaux de roches se trouvait de la pierre aussi, mais pas n’importe laquelle. De la pierre volcanique. En fusion.
De la lave.
Je me trouvai perchée sur un bloc de granit entouré d’une lave rouge étincelante. La peur me serra la gorge. Comment sortir de cette pièce abominable ? Comment m’en sortir tout court ? Et où était Ourite ?
Immédiatement, je n’eus plus que cette phrase en tête. À l’impératif.
« Retrouve Ourite. »
Je scrutai les pierres dérivant à mes côtés. Je savais qu’un pas de trop et… Non, je préférais ne pas y penser.
Malheureusement, un brouillard montait de la lave, à cause de la chaleur, et m’empêchait d’apercevoir clairement ce qu’il y avait autour de moi. Cependant, je distinguai bientôt une forme sombre qui semblait… Oui, qui sautait de pierre en pierre ! Je regardai, bouche bée, mon amie évoluer ainsi vers la paroi de la pièce. Elle se tourna vers moi et cria :
« Etincelle ! Fais comme moi ! S’il te plaît ! »
Elle n’avait pas besoin d’être aussi polie. Je comprenais soudain pourquoi elle agissait ainsi et entrepris de faire de même. Je tentai de procéder par méthode ; déjà, calmer les tremblements qui m’agitaient. Pourquoi étais-je si effrayée ?
Sauter de pierre en pierre n’était pas, en soi, si difficile. Même le fait qu’elles bougeaient n’était pas un gros problème ; je courrais vite et pouvais m’en accommoder sas mal.
En vérité, ce qui me posait problème était un barrage uniquement psychologique. J’avais peur de sauter parce que j’avais peur de rater et de tomber dans la lave. En somme, ce n’était qu’une peur à l’état brut, une panique incontrôlée. Je pouvais la vaincre, je pouvais l’oublier ou, mieux, la faire disparaître.
Inspirer sur quatre temps. Expirer sur cinq. Inspirer sur quatre temps. Expirer sur cinq.
Je me ramassai sur moi-même et, ne me laissant pas le temps de penser, je sautai sur la pierre, puis sur la suivante, puis encore une. Je gagnais en assurance, progressais de plus en plus vite. En un rien de temps, j’avais rejoint Ourite dont les cheveux blonds en bataille s’agitaient dans tous les sens, comme doués d’une vie propre. Accrochées à la paroi pleine d’aspérités, les pieds en équilibre sur des morceaux de roches toujours soudés à ces murs, nous nous sentions beaucoup plus en sécurité. Nous échangeâmes un regard. Je ne lus dans ses yeux aucun reproche sur mon intrépidité, mais une complicité certaine et un profond soulagement qui devait se refléter dans mes yeux. Je lui souris. Elle fit de même.
-Et maintenant ?, demandai-je.
Elle fixa quelques instants la lave étincelante, comme hypnotisée, avant de me répondre.
-Je pense que la sortie est en haut, prononça-t-elle lentement.
-C’est ce que je me disais moi aussi, approuvai-je.
Je ne voyais pas d’autres alternatives.
-Tu penses que ce serait possible d’escalader ?
-Etincelle, déclara-t-elle gravement, la véritable question est : avons-nous le choix ?
Ourite avait raison. Il fallait essayer. Nous ne pouvions rester indéfiniment ici.
-Non, je sais… J’aurais juste préféré ne pas avoir à escalader un volcan tapissé de lave, c’est tout !
Elle esquissa un sourire et, d’un seul mouvement, nous nous agrippâmes aux prises les plus proches et entamèrent l’ascension.
En réalité, ce n’était pas vraiment difficile de monter. Les aspérités étaient régulières et profondes, nous savions grimper. Mais je ne faisais pas confiance au Château, j’avais peur de ses mauvaises surprises. Le fait d’être accompagnée me procurait un réconfort certain mais je ne voulais pas perdre Ourite. De plus, le plafond était très haut et j’avais peur de l’épuisement qui ne guetterait.
Non, il ne fallait pas penser à cela, il ne fallait pas penser, il fallait juste continuer, avancer la main puis le pied, la main puis le pied, la main puis le pied…
Je ne savais plus depuis combien de temps je montais. J’étais dans un état d’apathie, mes mouvements étaient automatiques, toujours les mêmes, toujours pareil, et puis soudain…
La lumière.
À quelques mètres de nous se tenait, royal, un rectangle d’un blanc brillant. Je sentis mon esprit se réveiller, la brume s’effacer, j’étais plus lucide que jamais. Je croisais le regard d’Ourite où venait de s’allumer le même espoir, nous accélérâmes, et quelques minutes plus tard il était là. La lumière était si vive que nous ne distinguions pas ce qu’il y avait de l’autre côté, mais un vent frais balayait nos cheveux vers l’arrière.
Sans un mot, nous nous hissâmes à l’intérieur.

  Autrice : Etincelle de Feu sous le pseudo « Etincelle de Feu »

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