Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE SURNOMMÉE PAR SES UTILISATEURS : « EDEN UTOPICO-PARADISIAQUE DE LA BONNE CHAIR », ou LA PIÈCE OÙ BOUFFER SANS GROSSIR NI CALER PRÉMATURÉMENT EST POSSIBLE
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LA PIÈCE SURNOMMÉE PAR SES UTILISATEURS : « EDEN UTOPICO-PARADISIAQUE DE LA BONNE CHAIR », ou LA PIÈCE OÙ BOUFFER SANS GROSSIR NI CALER PRÉMATURÉMENT EST POSSIBLE

Bernadette as Bernadette

Echevelée, rompue de fatigue par toute cette tension accumulée au cours de cette brève course poursuite sans merci contre les Erynies, mes pauvres haillons ruisselants de maquillage fluorescent déchiquetés jusqu’à la trame, je m’effondrai sur le seuil d’une nouvelle salle, où une dizaine de visages aux joues roses et aux yeux pétillants détournèrent la tête en direction des pauvres débris qui me constituaient.

« Bon… Jour… articulai-je, empruntant un timbre de voix semblable à celui d’un malfaisant personnage de cinéma SF révélant ses liens de parenté avec son ennemi sur son lit de mort, à travers un casque à l’esthétique controversée (Jeu-concours : tu as reconnu quel était ce personnage ? Alors rends-toi dans le post de discussion réservé à ce Jeu de Mot pour tenter de gagner… Heu, rien, car c’est une grosse arnaque ! Jeu concours sans obligation d’achat réservé aux habitants de JBland métropolitains et DOM-TOM de moins de 598 ans.)

-Bonjour ! me répondirent les occupants de la salle, et je remarquai qu’ils avaient, tous, sans exception, des moustaches de nourriture aux commissures des lèvres. »

La pièce était vaste et ses murs peints d’un orange chaud supportaient de délicates peintures représentants d’alléchants mets et des étagères garnies de livres culinaires. De petites tables rondes chargées de nourriture sur leur nappe à carreaux vichy parsemaient les épais tapis persans qui recouvraient le sol. Affalés sur des coussins, mes interlocuteurs prenaient leur repas.

« Oh, excusez moi, dis-je, je vous dérange à l’heure du dîner ! Pardonnez ce manque de tact… Je ne fais que passer.

-Ah, non, tu ne nous déranges pas le moins du monde ! rétorqua un homme brun d’une trentaine d’année. Ici, nous accueillons tous le monde, sans aucune exception !

-Vous êtes généreux, souris-je »

C’était la première pièce véritablement accueillante que je découvrais.

« Qu’est-ce que tu as fais pour te retrouver dans un était pareil ? m’interrogea une fille plus âgée que moi, une flamboyante rousse vêtue d’un sari chatoyant.

-Dans la pièce d’avant… Il y avait des furies. Elles se sont vexées contre moi parce que… Parce que mon compagnon, Onyx, les a, disons, les a légèrement tâché. »

Onyx pointa une éclaboussure de derrière mon dos où il se cachait, pour sautiller jusqu’à la fille.

« You trop choupignou trognon hiiii, articula-t-elle.

-Fais gaffe, ton sari est superbe.

-Merci, et, heu, c’est pas pour dire, hein… Mais tes vêtements… Je crois que, même lors d’un festival de punk hardcore, ce serait craignos… Sans vouloir te vexer.

-Je m’en étais rendue compte… Et, je ne sais pas si je vais t’apprendre quelque chose, mais la robe de soirée fait partie des choses auxquelles on ne pense jamais avant de partir en exploration. »

Elle éclata d’un grand rire sonore.

« Excellent, excellent ! Mais, sans aller jusque là, je peux en emprunter dans la salle d’à côté. Avec le temps, j’ai amadoué les Erynies, en leur donnant de la nourriture. Dans le fond, elles ne sont pas méchantes… Elles poursuivent les criminels dans le simple but de rendre justice. Bon, si tu veux t’aventurer dans le château, m’est avis qu’il te faudrait une tenue solide… On va devoir faire l’impasse sur la petite robe Chanel, ajouta t-elle avec le regard mélancolique du basset hound à qui on confisque l’os. »

Elle disparut puis ressortit dans la même seconde.

« Tu as oublié quelque chose ? la questionnai-je.
-Non, rit-elle, en fait, les pièces du château ne sont pas axées sur la même dimension temporelle, plus simplement, le temps ne s’écoule pas de la même façon entre les différentes salles… Mais c’est imperceptible seul, nous ne l’avons remarqué qu’à l’occasion de nos incursions dans la pièce spécial girlz fashionistas fans de mode top fashion swâââgg. Voilà, je t’ai dégotté ceci. »

Elle souleva une paire de leggins noirs, un débardeur immaculé où était inscrite l’expression « No Future », une épaisse veste de cuir et une jupe aux imprimés tartans.

« Ca, par contre, ce serait tendance à un concert de rock, lançai-je.

-Possible, en effet. »

Ravie de mes nouvelles acquisitions, je me changeai sur le champ, l’éprouvante vie que je menai depuis peu ayant quelque peu modifié mes pudiques habitudes. Les vêtements semblaient conçus sur mesure, ils épousaient parfaitement mes proportions et je pouvais me mouvoir sans difficulté aucune. En outre, le textile, enchanté comme me l’apprit la rouquine, pouvait résister aux morsures de dragon et aux lames d’acier, et était ignifugé.

Elle déversa un philtre ensorcelé sur mon crâne afin d’en débarrasser la crasse et le fond de teint qu’y s’y était incrusté, puis me les coiffa en une couronne de tresses pratique et solide. Ceci fait, mon estomac se mit à grogner et trépigner.

« Il est temps que cette salle serve, dit-elle en dévoilant un large sourire. »

Elle m’expliqua que la pièce où nous nous trouvions générait de la nourriture, et de la façon de la plus simple qu’il soit : il suffisait de dire à voix haute ce que l’on souhaitait ingurgiter et le repas apparaissait sur la table. Manger içi n’entraînait pas l’installation de graisse dans l’organisme ou à fortiori de surcharge pondérale mais ne provoquait pas non plus de carence. On ne calait jamais et on avait toujours faim, ce qui permettait de manger sans s’en dégoûter, mais cette faim cessait dès que l’on quittait la pièce.

Elle m’appris également, et cela m’intrigua au plus haut point, que des passages secrets menant à cet Eden de la gastronomie (ou de la malbouffe, c’est selon) étaient disposés dans certaines pièces du château, sous la forme, par exemple, de miroirs réfléchissant les images à l’endroit (un vieil homme nommé Julien avait, le premier, trouvé la pièce de cette façon), d’arbres creux mais pourtant chargés de fruits, de puits aux effluves de chocolat…

J’y restai pendant une période inconnue à ma mémoire ; je n’avais plus aucun repère temporel, car nous n’étions jamais fatigués, nous n’avions jamais besoin de nous laver, de changer nos vêtements, ou tout simplement de déféquer. Mais nous avions faim, en permanence. Je me souviens comme il était merveilleux de pouvoir se gaver à loisir de volailles, rôtis, salades, gratins, pâtes, spécialités asiatiques, hamburgers, frites, charcuteries… Et j’en oublie. Mais, un jour, un moment, ma conscience s’éveilla d’une longue léthargie pour me souffler de poursuivre ma quête, ce à quoi j’étais destinée : explorer le Château.

Après avoir chaudement remercié chacun, le vieux Julien, la belle Natacha, le savant Bilal, le gourmand (mais qui ne l’était pas içi ?) James, je me glissai prestement par la porte de sortie. Mais avant de refermer le lourd battant, je demandai à la rousse à la cotonnade moirée :

« Au fait, je ne sais pas ton nom ?

-Ariane, me répondit-elle. Et lui, ajouta t-elle en désignant le trentenaire brun, c’est mon copain, Dionysos. Mais on l’appelle Dio. »

Je pris congé et laissai retomber le panneau de sapin. Une idée absconse se frayait lentement un chemin entre mes neurones.

Les Erynies.

Le garde manger illimité, telle une corne d’abondance.

Ariane et Dionysos.

Ce château était visiblement plus ancien qu’il ne voulait paraître.

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