OuiNonBof as OuiNonBof
[Flashback en mode kitsch, noir et blanc, musique tragique, images au ralenti :
Je cours, poursuivie par une meute de loups roux à la bave écumante, affamés, les yeux étincelants à la lumière de la pleine lune. Les loups avaient débarqué comme ça, pouf !, alors que je marchais, perdue et désespérée, sous un crépuscule inquiétant et glacé. Ils me poursuivent depuis lors, infatigables, je dois être la seule personne qui ait osé s’aventurer ici depuis fort longtemps… Mes pieds sont en sang, j’ai depuis longtemps déchiré mes magnifiques Converse dans les ronces, les crevasses et autres trucs dégueu et qui font peur, si si, vous voyez très bien.
Il faut que je leur échappe. J’arrête ma course, stoppée malgré moi. Des remparts… Comment vais-je passer de l’autre côté ? Il faut que je trouve une solution, et vite… Mes yeux fous sautent d’un endroit à l’autre, cherchant une faille, une porte, quelque chose ! Les pas des loups se rapprochent derrière moi, j’entends leurs grognement et… Ah, non, j’ai rien dit, je ne les entends pas. Cool.
… Hein ?! Je ne les entends plus ? Mais qu’est-ce que… Je me retourne furtivement et je vois des formes sombres s’enfuir, la queue basse. Des paroles murmurées me reviennent en mémoire : « Vous arriverez alors au Deuxième Plus Haut Point Du Monde, là où naissent les nuages. Vous ne vous laisserez pas impressionner par les remparts antédiluviens destinés à repousser les attaques de créatures sauvages aujourd’hui minéralisées. » Hé, ho, Emmanuel, ces créatures n’ont pas été très minéralisées, à ce que je vois ? A moins que toute cette poursuite n’ait été que le fruit de mon imagination ? Hein ? Hein ? C’est ça ? Bon. J’escalade les remparts, je prends mon temps, j’arrive devant les ruines, tiens ! Un château. Wa, il a l’air grand, peut-être qu’il y a une gentille marquise dedans, j’ouvre la porte et me retrouve dans un hall, immense, poussiéreux, glauque, musique au violon un peu angoissante-stressante, notes aigues, ti ri ti !
Fin du flashback]
Je suis OuiNonBof, aventurière aventureuse et exploratrice (comme Dora, ha, bonne blague pourrie) explorée.
J’ai pénétré dans le Château aux cent mille pièces.
Dans le hall, tout est silencieux, comme prisonnier d’un passé révolu. Un piano à queue, dans un coin de la pièce, a perdu plusieurs touches, son vernis est écaillé. Le tapis rouge, qui devait autrefois être splendide et éclatant, est troué, mité et décoloré, tristounet (oui, bon, il me fallait une rime en « é », sinon ça aurait gâché le truc). Le lustre, au plafond, brille de mille feux, les bougies sont allumées… Étrange… On penserait que personne n’est passé ici depuis longtemps. Personne ? Mais je suis une énorme tourte ! Des traces de pas sont bien visibles, nombreuses, sur le sol, se dirigeant vers les portes, basses ou hautes, trapues ou majestueuses, qui encadrent l’entrée. Des petites traces, des traces moyennes, des grandes traces, des traces énormes. Tellement énormes qu’au bout de quelques pas, les gigantesques traces s’estompent au niveau d’un trou dans le sol. Je m’approche du trou et une forme sombre me hèle : « Hé, vous pourriez m’aider ? J’ai, hum, comment dire, crevé le parquet… Je dois être trop lourd. Vous pourriez me sortir de là ? » Bon. J’ignore la forme sombre, parce que moi, aventurière aventureuse, exploratrice (comme Do… Non rien) explorée, ce n’est pas mon boulot de sauver les gens trop gros. Je découvre des traces de pieds plutôt grandes, assez aplaties. J’ai assez d’expérience en matière d’Anneau et de créatures pour me rendre compte qu’il s’agit d’un Hobbit. Ah ! Sam Gamegie serait-il passé par là ? Je suis les traces jusqu’à une grande porte en verre opaque, à l’intérieur de laquelle semblent évoluer des volutes de fumée. La porte est marquée d’un grand R. Rognons ? Rouspète ? Redescendre ? Bon. Qu’importe. La porte est entrouverte, je pénètre dans la pièce. La porte se referme derrière moi avec un cliquetis métallique.
La salle est… Gigantesque ! Énorme ! Elle doit faire, heu, voyons, environ 1 000 000 000 000 fois la taille… D’un chat ! Hum, je n’ai jamais été très douée pour les distances.
Elle est en forme de… Hm, voyons. En forme d’icosaèdre.
…
Meuh non, je plaisante ! Je ne sais même pas ce que c’est, un icosaèdre. Attendez, je cherche sur mon moteur de recherche original dont la première lettre est G et il y a deux O à l’intérieur. Icosaèdre, c’est un polyèdre avec vingt faces en forme de triangle. Ah, de toute façon, des faces en forme de triangle, ça aurait pas marché pour suspendre les tableaux. Les tableaux ? Mais oui, bien sûr, les tableaux ! Vous êtes attardés ou quoi ? Il n’y a que des tableaux, ici !
Ah, excusez-moi, en fait je ne l’avais pas dit.
En effet, ici, il n’y a que des tableaux. De millions de tableaux. Je m’approche du plus près de moi. Un Hobbit un peu gras, avec une pipe, y est dessiné. Sur le cadre doré est inscrit en grandes lettres de peinture rouge : SAM GAMEGIE. Je pouffe de rire. Ah, ce cher Sam ! Mais… Qui l’a peint ? La peinture est encore fraîche, la preuve est que j’en ai plein les doigts après avoir touché la tête peinturlurée de Sam. Où est-il, d’ailleurs ? J’ai bien vu ses empreintes arriver jusque dans cette pièce…
Bon. Je vais voir le tableau suivant, et après je cherche Sam.
La gravure représente un joli manga avec un bonnet de Papa Noël. La peinture n’est plus fraîche, mais les couleurs sont vives ; le tableau est récent.
Sur le cadre a été écrit à la peinture rouge : DIABLO91.
Mais bien sûr ! Diablo91… C’est une JBnaute. J’en suis sûre.
Bizarre…
Sam Gamegie attendra, je vais voir le tableau suivant.
Intriguée, je m’approche de la gravure, mes pas résonnent sur le parquet vu que j’ai mis des talons aiguilles (oui, bon, à la base je suis pieds nus, mais ça n’aurait pas résonné si j’étais pieds nus, et ça rend mieux quand ça résonne, petite impression de vide, de grandeur, vous voyez ce que je veux dire). C’est un petit monstre vert, avec des membres fins et une bouche rouge : LEÏLA#♥.
Encore une JBnaute…
Je poursuis mon exploration, et les JBnautes défilent : « … », Un gars…, Ewen, Leeko, Nuée bleue, LaMasquée…
Qu’ont-ils en commun ?
Ce sont tous des JBnautes (bonne déduction).
Ils sont tous entrés au Château.
Mais bien sûr ! Eurêka ! (voix de Tintin, il dit toujours ça, si on ajoutait « Mon vieux Milou », ça serait parfait.)
Cette pièce est un répertoire. Tous ceux qui sont entrés dans le château y sont consignés. Je m’avance toujours plus loin, et les tableaux défilent, de plus en plus vieux.
Je m’arrête devant l’un d’eux, il m’interpelle. C’est… Christian Dior. Qu’est-ce qu’il est venu faire par ici, celui-là ? Bon, heu, ce n’est pas parce que c’est Christian Dior dessiné que ça m’a interpellé… La vraie raison est simple : le visage de Christian est barré d’une croix rouge, et on lit, en dessous de son nom : LIQUIDÉ (encore comme dans Tintin, le carnet des méchants Syldaves, vous n’avez pas lu Tintin ? Enfin !).
Tous les tableaux plus anciens sont marqués ainsi. En fait, c’est moi qui suis débile, parce que hormis les JBnautes, Sam Gamegie et quelques autres gens assez… Récents, tous les tableaux devant lesquels je suis passée sont raturés de rouge. LIQUIDÉ. LIQUIDÉE.
Ok.
Ça devient glauque.
J’en ai presque oublié Sam Gamegie. Mais bon, il se ramène tout seul à mon bon souvenir, ce cher petit. « Salut, OuiNonBof ! C’est flippant, par ici, hein ? », Déclare-t-il, enjoué.
Quel benêt. Je lui prends la main et je cours, sans rien lui expliquer. Je sais que la personne qui a peint désire nous exterminer. Tous. Tous ceux qui ont osé s’aventurer dans le château (oui, moi je ferais sûrement pareil si les gens squattaient chez moi sans payer de loyer. Tout de même, un peu de bon sens).
Je dois sortir de là. Sortir du château. Sam ne comprend pas, il demande si je suis folle, puis, après avoir épuisé son stock de paroles interloquées, il court avec moi.
J’aperçois la porte de verre. Avant de la passer, je remarque un nouveau détail.
Un tableau a été ajouté à la liste.
Une petite tortue souriante, qui dit Hello !, est dessinée dessus, et on lit, en lettres rouges : OUINONBOF.
[Voix off : OuiNonBof et Sam vont-ils réussir à s’échapper du château ? Sam va-t-il continuer à croire que OuiNonBof est folle ? OuiNonBof va-t-elle piquer une crise d’hystérie envers Sam Gamegie ? Marie-Élizabeth est-t-elle réellement la sœur de Marc-Jean-Eudes, le vampire fou qui tue les gens gentils ? La voix off va-t-elle cesser de poser des questions sans aucun sens ?
La réponse, au prochain épisode.]
OuiNonBof.