Mes bottes de cuir effleurèrent la surface du sol rocailleux. Un vent violent me faisait plisser les yeux et menaçait d’emmener mon chapeau au loin à tout instant. Devant moi, se tenait un bâtiment comme je n’en n’avait jamais vu de toute mon existence. Le château des cent milles pièces. Ainsi il existait donc bel et bien. Je retins un sourire. Cet idiot de N’mahad n’avait pas menti. Qu’avait-il dit d’autre ? Que ce lieu était le refuge des aventuriers les plus courageux et les plus téméraires que l’univers ait jamais compté ? Balivernes. Si tel était le cas, j’en aurais entendu parler plus tôt. Et l’on aurait rajouté un nouveau surnom, celui du conquérant, à la liste impressionnantes que je possédais déjà. Yubi al-Deus, Az Eros l’Immortel, Babès le Grand. Toutefois, ma préférence allait à celui que m’avait donné un ange quelques secondes avant que je ne massacre son village : Altixor.
Au cours de mon existence, j’ai échangé avec Ulysse, guerroyer aux côtés du roi Sadinoel, festoyer à la table de Sioul et affronté sans sourciller une légion entière de Spartidons. Pas une seule fois je n’ai été mis en danger et nul ne peut prétendre avoir jamais vu la couleur de mon sang. Et l’on voudrait me faire croire que ce château sera mon cercueil ? J’écartais les bras et me tint fièrement face à ce nouvel adversaire. Un grondement sourd répondit à ma bravade et un éclair zébra le ciel, pourtant ensoleillé. Était-ce là sa manière de me répondre qu’il me mettait au défi d’entrer ou exprimait-il simplement sa peur ?
Je m’avançais de quelques pas tout en réajustant mon chapeau et m’arrêtais à quelques centimètres de l’entrée. La porte qui me faisait face était immense, haute de plusieurs dizaines de mètres. J’esquissais une grimace. Il me faudrait sans doute utiliser trois doigts pour l’ouvrir et l’idée d’en arriver là pour un simple morceau de bois me chagrinait.
Enfin, même si j’étais certain d’en sortir vainqueur, j’avais appris à ne jamais négliger un ennemi aussi-je vérifiais-je une dernière fois le tranchant de mes deux lames ainsi que la solidité de mon lasso. Satisfait, je décidais également que le temps était venu de me rassasier. Je n’avais pas mangé depuis 26 révolutions Ulienne et mon estomac commençait à crier famine. Me laissant emporter par la gourmandise, j’engloutis un petit pois, un air satisfait sur le visage.
Le moment était venu de rentrer. Comme prévu, la porte céda assez facilement sous ma force et le crissement qu’elle émit en s’ouvrant se répandit au-delà du gouffre des abysses. Une poignée de secondes plus tard, moi, Altixor, faisait mon entrée dans le château au cent mille pièces.
A quoi m’étais-je attendu ? Des gardiens surpuissants protégeant des milliers de portes dorées toutes plus attrayantes les unes que les autres ? Une pièce élégamment décoré, preuve du bon goût du château ? Une file gigantesque d’aventuriers armés jusqu’aux dents se demandant quel chemin emprunter ? Peut-être tout cela à la fois. Mais il n’en était rien.
Le Cathedrhall n’était qu’une salle obscure, dépourvue de toute lumière ce qui, soit dit en passant, était assez néfaste pour mon éclatante peau couleur magenta. Déçu sans être surpris, je jetais un regard circulaire autour de moi. Le sol sur lequel je marchais était constitué d’une multitude de peaux d’animaux parmi lequel je reconnu celles des licornes unijambistes, des chimères aveugles et des dragons sans ailes. Ces créatures étaient certes assez uniques en leur genre mais ce n’était pas suffisant pour m’impressionner. Après tout, j’avais moi-même anéanti l’espèce des chimères le jour où l’une d’elle m’avait regardé d’une drôle de façon. Et le fait qu’elles soient, ou plutôt étaient, aveugles n’excusait rien.
L’air semblait chargé d’électricité ce qui aurait fait se dresser mes poils si toutefois j’en avais eu et une odeur qui mettait inconnue diffusait son arôme dans toutes les directions. Au loin, il me semblait apercevoir un escalier double mais il m’était impossible d’en être certain. Dois-je vous rappeler que j’étais dans le noir quasi-total ?
Je décidais donc d’avancer en espérant tomber sur des pièges meurtriers qui m’aurait laissé à moitié mort sur le sol. Mais non. Enfin, il y eut bien une flèche sortie de nulle part qui filait dans ma direction à la vitesse de la lumière, que voulez-vous on ne pas tous être aussi rapide que moi, mais je la balayais d’un revers de la main sans même y porter attention.
Je poussais alors un soupir d’exaspération. L’action, le sang, le meurtre et les massacres semblaient se faire désirer. Je décidais donc de prendre les choses en main. Prenant mon élan, je parcourus à toute vitesse la distance qui me séparait du bout de la salle et des escaliers tout en lançant une bordée d’injures sur mon passage : « Château de bois ! Bâtiment sans fondations ! Édifice rongé par les rats ! » mais je n’obtins aucune réponse. Peut-être y étais-je allé trop fort ?
Toujours est-il que j’étais parvenu au sommet des escaliers. Et pour la première fois depuis mon entrée, le spectacle devant moi me ravit. 4 portes me faisaient face. La première, faite de glace et d’écrans d’ordinateurs, ces machines qu’utilisaient autrefois les humains, me laissa de marbre tout comme les suivantes respectivement recouvertes de racines d’Yggdrasil et de pizza fondue. Mais la dernière… Elle était…C’était…les mots m’en manquaient tant l’émotion me saisit. Des cadavres mutilés de toutes les espèces vivantes avaient été rassemblés et fixés tout autour à l’aide de lances immenses. Un flot rouge-noir tombait en continu de son sommet jusqu’au seuil formant un rideau de sang des plus exquis. Et la poignée ! Elle avait été formée dans les os d’une materre, cette créature légendaire réputée pour refermer ses crocs sur sa proie même une fois morte. Je m’en délectais d’avance !
Envoûté, je restais un instant à contempler cette merveille. Puis, décidant que le temps était venu, je posais ma main sur la poignée. Comme prévu, les mâchoires squelettiques se refermèrent sur moi avant de se briser au contact de ma peau. Mais que la sensation avait été douce. Je prolongeais mon plaisir et me désaltérant au pied de cette cascade de sang avant de finalement pénétrer dans la seconde d’une longue, très longue, série de pièce…
Auteur : Altixor, sous le pseudo « Altixor »