Syrreine as Syrreine
Je refermai la porte pour éviter de brûler mon beau manteau – pyromane, oui, mais ça n’empêchait pas de faire attention à ses affaires ! Mon manteau de fourrure avait beau être doublé de kevlar, il aurait eu nettement moins d’allure brûlé et râpé. Certains pourraient émettre un doute quant à l’adéquation de la fourrure et des talons hauts dans l’exploration d’un château, mais après tout, on est Esther Edelstein ou on ne l’est pas !
Quoi qu’il en soit, je me retrouvai dans une petite pièce carrée, peinte entièrement en gris et plate sur tous les murs, sans aucun meuble ni aucune fenêtre, avec seulement deux néons au plafond, projetant une lumière bien trop franche qui faisait cligner les huit petits yeux de chacune des cent quatre-vingt mille deux cent cinquante-trois araignées qui habitaient la pièce, c’est-à-dire un million quatre cent quarante deux mille sept yeux car deux d’entre elles était aveugles et une autre était borgne.
Elles grimpaient, glissaient, sautaient et sautillaient, agitaient leurs petites pattes agiles de toutes parts sur leurs fils et leurs toiles qui tapissaient les murs. Une joie de vivre dansante et légère animait cette petite pièce grise. Elles semblaient s’en donner à cœur joie sur un Rondo alla Turca inaudible. Ici c’était une valse et là un menuet, telle dansait le charleston et telle autre la polka. On tournait et on se saluait. Une soliste au bout d’un fil se contorsionnait avec grâce.
Et de dessous la porte qui partait à droite, une araignée microscopique entra, ajoutant huit yeux à cette collection surprenante. Le pas triste et lent, elle fut vite gagnée par une euphorie extatique à mesure qu’elle joignait les autres et bientôt on ne la vit plus dans cette grande foule dansant allègrement. Je traversai le coin de la salle en faisant bien attention à n’éborgner aucun des pensionnaires de cet asile arachnéen et j’ouvris la porte grise par-dessous laquelle était entrée la petite araignée.