Calliope as Calliope
Je m’assis sur le sol, dos contre le mur.
– Evite d’y penser… Me morigénais-je.
Cette histoire de brume m’obsédait. Condamnée, Calliope…
– Aventuriers, aventurières !
– Qui parle ?
Je m’étais relevé sous la force de la voix, tout abattement oublié.
– Répondez-moi ! Il y a quelqu’un ?
Toujours le silence. Oppressant. Et soudain la voix reprit son monologue.
– Je suis de ces magiciennes qui connaissent le monde des rêves. Je suis de ces femmes qui combattent. Je suis comme vous. On dit souvent qu’il faut être solidaire, et je viens pour cela. Je suis Emerence, ex-dame du Château.
Du Château ?! A l’entente de ce nom maudit, je crispais violemment les poings.
– Comment pouvez-vous vous prétendre « comme nous » alors que vous êtes la femme de notre ennemi juré ?
Sans tenir compte de ma question, Emerence continua :
– Oui, du Château. Si vous étiez vivants, vous me foudroyez sur place. Mais vous êtes dans le monde des rêves, et c’est moi qui vous ai amenée ici. Vous êtes des aventuriers aguerris, combattants, sans faiblesses, vous combattez tous les jours notre monstre commun. Le Château. Oui, je dis le nôtre, car je suis avec vous. Le Château n’est pas qu’un ennemi. C’est la personne qui m’a pris mes fils, qui m’a fait mourir le cœur. Le Château n’est pour moi que haine, une haine brûlante. Si je le pouvais, je l’entrainerais avec moi dans ma mort, j’irai le combattre seule. Mais je ne peux. Je sais que parmi vous se cachent des magiciens, maitre d’armes, de magie noire, d’animaux fantastiques. Je suis coincée dans cette tourelle au 83ème étage, la porte auburn, tout au nord. Vous entendrez sans doute mes cris. Pourquoi vous appelle-je ? Parce que je veux combattre notre terreur, cette suprématie, ce monstre, cet homme redoutable, qui n’a causé que tort. J’ai besoin de vous, de votre cœur, de vos vies, de votre passion, de votre combat. Alors, venez, pour la pièce 1000, me rejoindre, je vous en supplie. Et que les lâches, s’ils ne viennent pas, regrettent amèrement leur refus.
Je me réveillais en sursaut. Passant négligemment une main décharnée dans ma chevelure emmêlée, je murmurais :
– Un rêve… Tout cela n’était qu’un rêve… Un rêve, certes, mais des plus réalistes.
« Je suis de ces magiciennes qui connaissent le monde des rêves », avait-elle dit. Et si tout cela était vrai ? De tout mon cœur je le souhaitais. Se venger du Château…
Une autre phrase, lancée par une entité de brume, me revint en mémoire : « Je fus moi-même un explorateur, Calliope, berné par le Château en croyant gagner le courage. Prends ta revanche en trouvant un remède, jeune fille, et venge-nous tous. »
Venge-nous tous, Calliope.
Venge-toi, Calliope.
De quel droit aurais-je pu refuser ?