Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE OÙ J’AI PRÊTÉ SERMENT
LA PIÈCE OÙ J’AI PRÊTÉ SERMENT

LA PIÈCE OÙ J’AI PRÊTÉ SERMENT

Aifé

Sans le moindre effort, le Château me projette au centre de la pièce. Je tourne sur moi même, émerveillée. Un sol noir. D’obsidienne, sûrement, parcouru de veinures d’argent, fines, élégantes. Un peu comme si la pièce étaient une immense feuille. Le plafond, lui est un ciel étoilé. Des étoiles, par milliers, parcourent cet étendue de bleu nuit. Quelques étoiles filantes, une lune pleine. C’est magnifique. Les murs? Presque une œuvre d’art. Des colonnes fines, de marbre noir, les soutiennent. Elles y sont collées. Les murs, eux, sont bien plus simples. Moins riches. Moins clinquants. Une pluie, dessinée. Des gouttelettes peintes, dont la descente ruisselante semble à jamais figée.
Je me retourne, ayant fini ma contemplation. Le Château n’est plus dans mon ombre. Il est assit sur un trône d’argent, sur une estrade. Derrière lui, quelques visages inconnus.
D’un geste las, il murmure, d’une voix presque inaudible.

-Saisissez la.

Deux hommes surgissent de l’ombre, derrière moi. Ne bougeant pas du coin sombre où ils se trouvaient, je ne leur avais pas prêté attention. Comme je regrette à présent!
Tous deux m’empoignent, guettant ma réaction. Je ne bouge pas, les scrute, tentant de déterminer leur niveau d’agressivité.
L’un semble avoir trente ans. Yeux verts, cheveux bruns. Visage passe partout, sans traits particuliers. Ses yeux semblent vides, éteints. Il obéit. C’est tout.
L’autre me fait plus peur. Il est plus jeune, un ado, comme moi. Yeux gris. Cheveux châtains. Il m’observe lui aussi, du coin de l’œil. Ses yeux laissent transparaître de la curiosité, peut être même de la cruauté. Il joue avec moi. Ça ne me plaît pas.
Brusquement, je tente de me dégager, de leur échapper. Erreur.
L’un d’eux me force à m’agenouiller, tandis que le plus jeune relève ma tête, sa main se baladant sur ma nuque, comme pour m’ordonner de ne pas m’enfuir. Je frissonne.

-Bien. Où en étions nous? Aifé? Tu prêtera serment. Tu seras spadassine.

Sa voix tonne à présent comme le tonnerre. Je murmure, ne doutant pas que ma voix lui parviendra. Tout résonne ici.

-Et si je ne le veux pas?

-Allons… Tu es mienne… Prête serment, et ce sera officiel…

Je baisse la tête, fulminante.

-Je n’appartiens à personne!

-Vraiment? Pourtant, vois tu, je suis ton futur Maître, mon enfant…

-Je ne suis pas votre « enfant »!

-Bien sur que si, mon enfant…

Je change brusquement de sujet. Je ne me laisserai pas faire tant que je n’aurai pas la réponse à mes questions.

-Où est Lià?

Il fait un geste de la main, dédaigneux.

-Elle est sauve. Si c’est ce qui compte pour toi…

-Merci… Mais je ne vois pas ce qui ferait de moi une bonne spadassine.

Le Château murmure, menaçant, d’une fausse hésitation.

-Hum… Tes talents? Tu te bats assez bien, et… Une reptilienne… C’est intéressant. Traqueur Saanp de surcroît, tu ne peux que m’être utile…

Je bondis. Et me retrouve plaquée au sol. Le jeune homme semble également avoir des réflexes. Dommage.

-Tu tenterais de me résister? Allons… Soumet toi…

-Non!

Mon cri fuse, emplissant la pièce. Je m’écarte du type qui me retient, et me relève. Je croise les bras, mon regard brûlant de défiance.
Lui, ça l’amuse. Son rire cruel résonne dans la pièce. Je frissonne, mais ne baisse pas la tête pour autant.

-Allons… Tu vas enfin réaliser ton rêve, et tu veux tout gâcher, par orgueil? Prête serment.

C’est un ordre sans appel. Et au fond de moi, je sais qu’il a raison.
Je murmure.

-Excusez moi…

-Tu es ici pour me prêter allégeance, à Moi, ton Seigneur et Maître!

Je pose un genoux à terre, et débite sans hésiter ce « serment ». Curieusement, les paroles s’affichent d’elles même dans mon esprit. Nul besoin de chercher mes mots.

-Je jure d’obéir à jamais aux ordres de mon Seigneur,

Je jure de Le servir toujours fidèlement,

Je jure d’être prête à me sacrifier pour Sa vie,

Je jure de toujours Lui être loyale,

Je jure sur le sang des peuples et le soleil de vie de ne jamais renier mon serment,

Je me prosterne devant mon Maître et l’adore pour toujours et à jamais…

Par la bataille, pour le Château !

-Désormais, tu es Spadassine du Cercle de Vermeil. Dvango sera ton général référent.

Je me relève, et soudain, une douleur intense me saisit. Elle emplit chaque partie de mon être, mon cœur bat de plus en plus vite. Je hurle de peur, secouée de spasmes. Qu’est ce qui m’arrive ? Est ce le Château qui me torture ainsi ? La douleur est telle que chacun de mes membres tremble, secoué par la douleur. La peur s’ajoute, ne diminuant pas le problème. Je tremble, violemment, secouée de spasmes, haletante.

Je m’enflamme, pour me régénérer. Réflexes.
Je relève la tête, une fois la douleur disparue, les flammes éteintes. Le Maître n’est plus en face de moi.
Une voix susurre à mon oreille, douce, mais cruelle à la fois. Je sursaute.

-Un don bien utile, n’est ce pas?

Je me retourne, rien. Un soupir. Le Seigneur est absent. Je commence à me demander si je n’ai pas fait une erreur. Terrifiée je m’enfonce dans le sol.

Bien. Le bilan de la situation.
J’ai prêté serment. Je suis spadassine. J’ai un nouveau Maître.

Je suis dans la merde.

Autrice : Jécrivaine, sous le pseudo « Jécrivaine »

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