La Chatte qui Pêche as La Chatte qui Pêche
Vous vous souvenez, du moins je l’espère, qu’à la suite d’une fâcheuse incompréhension avec une araignée j’avais fui de l’ancienne église en me glissant dans les ruines d’une colonne.
Non? Vous avez oublié, effacé cet épisode de votre mémoire? Je ne vous en veux pas, soyez tranquilles. Je suis habituée à être ignorée. Ce qui est assez normal, tenu compte de ma stature, qui est d’exactement 9,6 cm. Au fait, mon nom est Poussière d’Étoile, mais appelez-moi Poussière tout court. Il faut dire que ce nom me va à merveille, ce qui…
Mais je divague, là! Les minutes passent, imperceptibles pour une créature comme moi mais si longues pour vous, les humains. Je vais donc sans tarder Cette histoire vous raconter.
Je marchai pour longtemps à l’intérieur de la faille entre les pierres. Parfois, elle se rétrécissait et m’obligeait à avancer en rampant, ce qui rendit ma progression encore plus lente. Je ne m’étais toujours pas rendue compte de la petite chose velue qui se cramponnait à ma manche. Enfin, je débouchai dans une nouvelle pièce. C’était… une pièce. Je ne peux pas la décrire autrement. Ou peut-être si. C’était une pièce… étrange.
Je sais que normalement, j’aurais pu donner d’autres détails sur cet endroit. Les murs, par exemple, le plancher ou le plafond. Mais c’était bien ça le problème. A chaque fois que je me regardais autour, la pièce changeait. Au début, j’étais convaincue que j’étais arrivée dans une salle ronde toute en pierre. Après deux minutes, elle avait l’aspect de l’intérieur d’un bungalow en bambou. Se succédèrent alors des dizaines de transformations: chalet en bois carré, compensé rectangulaire, même de l’herbe sous mes pieds.
« Maudit Château » pensai-je agacée.
Au bout d’un moment, je décidai de ne plus faire attention aux changements et inspectai ma tenue, qui avait été assez ravagée par le passage dans la faille en pierre. Sur les coudes et les genoux, l’étoffe s’était déchirée. Mes chaussures n’étaient pas mieux mises. Mais quand je tournai la tête pour contrôler mon sac à dos, je poussai un hurlement de frayeur et commençai à me secouer frénétiquement.
Sur mon épaule était perchée une minuscule araignée. Elle était probablement tombée sur moi lors de ma fuite du royaume des arachnides. La pauvre bête tomba par terre et se recroquevilla. J’allais l’écraser une fois pour toutes mais je m’arrêtai, le pied levé, frappée d’une pensée soudaine. Après tout, si une de ses parentes avait failli me tuer, ce n’était pas sa faute. Au contraire, c’était la mienne, parce que je lui avais volé un peu de fil. Je n’avais pas de raison de la tuer, et je m’abaissai jusqu’à terre pour regarder mieux l’animal. C’était le portrait craché de l’autre araignée, mais en plus petit. Elle avait de grosses pattes velues, comme le reste de son corps. Je pouvais voir ses minuscules mandibules et des brillants points noirs au milieu de son pelage, qui devaient être ses yeux. Heureusement, son espèce ne devait pas être venimeuse, sinon elle m’aurait déjà piquée le long du trajet. Une idée commença à germer dans mon crâne. Et si je l’emmenais avec moi? De toute façon, elle était manifestement trop jeune pour retrouver son chemin, et toute seule elle n’allait pas survivre. Et puis, elle saurait sans doute produire du fil, qui est une ressource indispensable aux créatures de ma taille. Et qui sait? Un jour, elle allait peut-être grandir et devenir une excellente monture.
J’avais pris ma décision. Je ramassai l’araignée et la remit sur mon épaule, ce dont elle sembla n’être pas mécontente. Puis je me regardai autour. En ce moment, la pièce avait pris l’apparence de la salle d’attente d’une gare. J’avisai une porte, et avant que la pièce ne puisse changer de forme je la poussai, heureuse de quitter cet étrange endroit- et d’avoir trouvé un compagnon.