Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE DU VILLAGE
LA PIÈCE DU VILLAGE

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LA PIÈCE DU VILLAGE

Miss Lovegood as Miss Lovegood

C’était une pièce très vaste : il s’agissait en fait d’un village entier, comprenant de nombreuses habitations délabrées, une poste vide, une marie décolorée, une placette avec une fontaine sans eau, des bans abîmés et quelques arbres morts, une école silencieuse, un clocher ainsi qu’une grosse horloge rouillée, une petite gare dont les panneaux n’affichaient aucun train, une bibliothèque poussiéreuse, une boucherie sans viande, une boulangerie sans pain, un magasin de couture vide ainsi qu’une épicerie, qui ne contenait plus aucun aliment. 
Ce village avait sans doute été joli et vivant dans son passé ; aujourd’hui, il n’en restait que des ruines, des débris, des lambeaux, des vestiges d’un autrefois. Nous traversâmes la place silencieusement. Aucun de nous ne prononça le moindre mot, par peur d’éveiller les fantômes du passé. Nous n’osâmes entrer dans la mairie, et nous dirigeâmes vers l’école, toujours en silence. 
Soudain, Caliorynthe trébucha et s’écroula sur le sol en lâchant un grand cri de stupeur. Elle renversa une poubelle jeune, plutôt en bon état contrairement au reste du village, et ses ordures s’éparpillèrent sur le sol. Alors l’immense horloge en haut du clocher sonna douze coups. 
Au premier coup, des milliers de lettres et d’enveloppes voltigèrent dans le ciel puis s’engouffrèrent ans la fente de la grosse boîte jaune de la poste. 
Au deuxième coup, la mairie retrouva ses couleurs éclatantes comme si elle avait été fraichement repeinte, et une brise légère fit voler le drapeau jaune et bleu. 
Au troisième coup, une immense vague recouvrit la fontaine, qui se remit en marche, les bancs abîmés furent réparés et les arbres retrouvèrent leurs feuilles vertes. 
Au quatrième coup, l’école ouvrit ses portes. 
Au cinquième coup, une locomotive à valeur entra en gare. 
Au sixième coup, les livres de la bibliothèques nettoyèrent leurs rayons puis se rangèrent à leur place attribuée. 
Au septième coup, des centaines de morceaux de viandes frais vinrent se glisser dans la vitrine de la boucherie. 
Au huitième coup, des baguettes et pains firent une joyeuses farandole dans la boulangerie, vite rejoints par des croissants, pains au chocolat et autres viennoiseries. 
Au neuvième coup, des fils tissèrent eux-mêmes des vêtements. 
Au dixième coup, une cargaison de légumes variés et de fruits délicieux entra dans l’épicerie. 
Au onzième coup, l’ensemble des habitations furent repeintes et réparées en un clin d’œil.
Enfin, au douzième et dernier coup, apparurent des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. Les uns échangeaient, les autres marchaient tranquillement ; certains semblaient pressés et en retard, certains faisaient la queue à l’épicerie, certains flânaient et regardaient le paysage. Le bruit incessant des conversations commença à parvenir à nos oreilles. 
Nous restâmes quelque instant immobiles, forts étonnés devant la métamorphose du village. À quoi cela était-ce dû ? Simplement au bruit qu’avait déclenché le trébuchement de Caliorynthe ? Ce village attirait donc notre curiosité. 
Je m’approchai d’un des passants et lui demandai :
-Excusez-moi, mais où sommes-nous exactement ? Et pourquoi avez-vous tous apparu lorsque mon amie a trébuché ? 
L’homme me dévisagea lentement, une lueur d’appréhension brillait dans son regard. 
-Je… je vais vous conduire à notre dirigeant si vous le voulez bien…
Caliorynthe me lança un regard étonné. Que se passait-il ? Pourquoi cet homme avait-il eu peur de nous ? Cette situation me fit beaucoup penser à celle de la pièce souterraine. 
Nous traversâmes un gigantesque jardin, puis entrâmes dans une petite demeure. Un monsieur était assis devant un bureau et étudiait des documents. 
-Bonjour, dit notre guide, ces quatre aventuriers ont déclenché le sortilège de visibilité, qui était dans la poubelle jaune. Ils nous ont donc vus. Dois-je appliquer une potion d’amnésie ? 
Effectivement, nous étions en train de vivre le même scénario que dans la pièce souterraine. Je tirai la veste de Caliorynthe, et lui chuchotai «on doit partir d’ici. Vite.» Elle hocha la tête discrètement, tout en gardant les yeux fixés sur les deux hommes qui discutaient à voix basse. J’eus l’impression qu’elle étudiait leur regard. Om était lui-aussi en train de les observer méticuleusement. Mes amis ne semblaient pas comprendre ce que j’essayai de leur dire. Aussitôt, je criai « courez ! » Nous nous enfuîmes immédiatement de cet endroit étrange, dévalâmes la colline et allâmes nous réfugier dans une habitation vide. 
-Qu’est-ce que vous observiez ? demandai-je, un peu plus et notre mémoire disparaissait à nouveau ! 
-Esprit, me répondit Caliorynthe, ces hommes conversaient par regard. 
-C’est pas possible, répliquai-je immédiatement
Om soupira. 
-Qu’est-ce que tu peux être têtu parfois… en tout cas, je suis certain que ces hommes ont un lien avec ceux que nous avions rencontrés dans la pièce souterraine. 
-Et, à votre avis, que fabriquent-ils dans le Château, à part ramasser des morceaux de charbons, effacer la mémoire de leurs visiteurs, préparer des potions d’amnésie, parler par regard et créer des villages invisibles ? 
-Je ne sais pas… en tout cas, ils ont l’air de vouloir se cacher… peut-être qu’ils évitent quelqu’un… répondit Om
-Le Château ? suggéra Caliorynthe
-Peut-être… il faudrait qu’on aille leur parler, pour comprendre leur mystérieuse association, dis-je
-Tu penses vraiment qu’ils vont nous répondre ? La seule chose qu’ils vont faire, c’est nous effacer la mémoire avec leurs stupides potions magiques. 
-Exactement ! s’écria Om, d’un ton joyeux, c’est ça, la clef ! Mais bien sur ! 
-De quoi ? demandai-je
-On n’a qu’à se procurer une potion d’invisibilité pour pouvoir écouter leurs conversations. 
-On en trouve où ?
-Ici même ! S’ils ont fait disparaître un village entier, ils doivent posséder des tonneaux entiers de potion ! 
-Mais ils ont plutôt modifier leur village, corrigea Caliorynthe
-Effectivement, dit Om, pensif
Nous commençâmes à échafauder un plan pour entrer dans leur réserve de potions. Nous nous reposâmes quelques heures, puis, lorsque le soleil fut couché, nous sortîmes discrètement de la demeure et nous gravîmes la colline. Caliorynthe était montée de l’autre côté et avait assommé le garde qui surveillait le bureau par derrière. Nous entrâmes donc dans le bureau, quand une alarme sonna. Paniqués, nous ne savions que faire. Il n’était pas question de reculer, mais, si nous n’arrêtions pas cette alarme d’ici quelques secondes, des habitants allaient certainement surgir et notre mémoire serait véritablement effacée. Caliorynthe prit le boiter dans ses mains, et le tourna dans tous les sens à la recherche d’un bouton. Aussitôt, Ara s’approcha et… avala l’objet. L’alarme retentit encore quelques instants, puis le silence revint. Nous regardâmes tous Ara, étonnés et surpris, quand des voix surgirent par l’arrière : «Je suis certain que ce sont les intrus de cet après-midi…» Nous nous cachâmes tous sous le bureau du chef. La lumière s’alluma. 
-Où êtes-vous ? demanda une voix
Aucun de nous ne répondîmes. 
-Regarde ! s’écria une deuxième voix, la porte de la réserve est ouverte ! Les voleurs sont entrés dans notre réserve ! Vite ! 
Les deux hommes passèrent devant nous mais ne prirent pas le temps de regarder sous le bureau et s’engouffrèrent dans leur pièce magique. Soudain, Caliorynthe me chuchota quelques mots :
-Esprit ! Om est entré dans la réserve ! Il a dû y aller lorsque les hommes sont entrés et a oublié de refermer la porte ! 
-Les gardes vont certainement le trouver ! Sa mémoire va être effacée ! 
Nous nous ruâmes à notre tour dans la réserve. La pièce était assez grande et remplie d’immenses étagères débordant de grimoires et de fioles contenant des liquides sans nul doute magiques. Nous nous faufilâmes discrètement et retrouvâmes nos deux gardes, qui avaient attaché Om grâce à des cordages. Au sol, je vis des flacons de verre brisés en mille morceaux, ainsi que du liquide rouge qui s’était répandu sur le parquet ancien.
-Je ne trouve plus de potions d’amnésie, Maître, notre visiteur nocturne les a toutes cassées. Mais, en revanche, voici une fiole contenant de la potion de mort. 
-A-t-elle un remède ?
-Oui. Nous n’avons pas le droit de posséder des potions de mort définitive. Le remède se trouve dans la palais de l’ogresse.
Le Maître soupira, visiblement mécontent, mais répondit tout de même : 
-Très bien. Faites-lui boire cette potion puis emmenez-le dans la fosse. Après cela, vous chercherez ses compagnons -ils étaient au moins quatre- puis vous leur administrerez le même poison. 
-Tout ça, monsieur ? Je ne pourrai pas m’occuper de ses amis demain matin ? demanda le serviteur dans un bâillement
-Mes ordres ne sont pas discutables. A demain. Bonne nuit. 
L’homme sortit de la pièce. A ce moment-là, je voulus me précipiter vers Om, mais Caliorynthe me retint. Le monsieur ouvrit sa fiole et glissa quelques gouttes de potion dans la bouche d’Om, inconscient. Celui-ci ne bougea pas, resta endormi. Je ne perçus aucune différence. La vie venait de s’échapper d’Om tout doucement. Je voulus courir vers lui, mais Caliorynthe me retenait fermement. Le serviteur regarda autour de lui, fit un petit mouvement de main, puis repartit, abandonnant Om ici. 
Je me précipitai alors vers mon ami, et le délivrai. Il s’affala sur le sol. 
-Non ! Om ! Om ! Tu ne peux pas partit maintenant ! Tu devais tuer le Château, délivrer tous ses prisonniers ! Tu as une mission à remplir ! Tu ne peux t’en aller ! Pas tout de suite ! 
-Chut, dit doucement Caliorynthe
-Quoi ? Tu t’en fiches, c’est ça ? Pourquoi m’as-tu retenu ? On aurait dû tuer cet homme, avant qu’il ne tue Om ! 
-Dis-moi Esprit, qu’a dit ce fameux monsieur avant de donner la potion ? 
Je haussai les épaules. Quel intérêt ? Om venait de mourir, je me fichais totalement de savoir ce qu’avait pu prononcer cet assassin. 
-Il a dit : «Le remède se trouve dans la palais de l’ogresse.» Cette potion n’est pas mortelle. Pas complètement. On va aller dans ce palais pour trouver ce philtre de guérison. 
-On ne sait même pas où il est. Comment veux-tu qu’on le trouve ? Ce Château est immense. 
-On va se débrouiller. Je suis persuadée qu’en farfouillant dans les papiers éparpillés sur le bureau, on trouvera un plan qui nous dira où est ce palais.
-Et le garde ? S’il revient ? 
-Oh, il ne faut pas se soucier de ça, il était fatigué et est parti se coucher, j’en suis certaine. Je prends quelques flacons avant de partir. Pendant que les deux hommes discutaient, j’ai trouvé plusieurs potions aux effets intéressants, ainsi qu’un grimoire qui contient de nombreux sortilèges, qu’on peut utiliser avec notre baguette magique. Ça pourra nous être utile. 
Caliorynthe rangea tout cela dans son petit sac, puis nous retournâmes dans la pièce où Ara avait avalé l’alarme. Nous fouillâmes donc dans le tas de feuilles à la recherche d’une carte. Après quelques minutes, je m’écriai :
-Ça y est ! J’ai trouvé un plan ! Regarde… on est là, dans le village fantôme. Ici, c’est la pièce souterraine. Et voici le palais ! Il est assez loin de nous tout de même… le temps qu’on l’atteigne, il sera trop tard pour sauver Om… 
-Ne sois pas si pessimiste ! Il n’y a pas de durée précise, répondit Caliorynthe. De toute façon, c’est notre seule chance. 
-Bon, on y va ? demandai-je
-Oui. Allons-y. Mais comment transporter Om ? Ara pourrait peut-être le prendre sur son dos, mais elle ne tiendra pas jusqu’au palais. 
-Dans le village, il y avait bien des véhicules, non ? On peut en prendre un discrètement et mettre Om dessus. 
Nous regagnâmes donc le bourg. Malheureusement, nous ne trouvâmes que des charrettes tirées par des chevaux, et aucun véhicule plus petit. 
-On prend des chevaux alors ? Ça va être marrant, et puis ça nous reposera, on n’aura pas besoin de marcher. 
-Il faut qu’on trouve de quoi les nourrir, par contre, répondit Caliorynthe
Nous allâmes donc dans la ferme et prîmes plusieurs bottes de foin. Nous les rangeâmes dans la charrette, puis montâmes dedans, après avoir confortablement installé Om. Caliorynthe réveilla les chevaux endormis, puis vint s’asseoir à côté de moi. Nous traversâmes le village éteint et sombre, sans dire le moindre mot. 
Nous trouvâmes enfin une porte. Je descendis de la calèche pour l’ouvrir, et nous nous engouffrâmes dans la pièce suivante. 

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