L’Impératrice Chapeautée as L’Impératrice Chapeautée
Je descendis, sans hâte aucune, le petit escalier dérobé, éclairée par la clarté tremblotante des torches accrochées aux murs de pierre grossière. Le boyau dans lequel je progressais était étroit, humide, et si tortueux que je ne pouvais apercevoir à quel moment il aboutirait quelque part. J’étais épuisée par l’attention constante que je devais porter à mes souliers brodés de sequins glissant sur les marches exiguës. Un souffle de vent froid baignait ma nuque d’un voile glacial et malséant.
Soudain, au détour d’un tournant, je débouchai sur une petite caverne étincelante, dont les parois étaient entièrement couvertes de diamants rutilants qui, jetant un éclat dur sur ma peau, et nimbant la grotte d’une lueur diaphane et argentée, scintillaient avec faste. Aveuglée, éblouie, fascinée par les pierreries pâles incrustées dans la roche, je m’avançai au centre de la pièce. Je perçus à peine le suintement d’une grille se refermant derrière moi. L’escalier était condamné. Et aucune porte ne se découpait dans les murs, ni d’ouverture, ni de fenêtre, ni de passerelle, rien que cette antre froide et silencieuse qui brillait de mille feux. Le sol miroitait, et je me voyais arpentant cette cavité luxueuse, mes traits éreintés trahissant mon accablement. Rien ne venait troubler la sérénité du lieu, pas même une brise, un frottement. Même mes propres pas étaient silencieux, ce qui, compte tenu de mes façons martiales, était assez surprenant. Prise d’un doute soudain, qui s’insinua en moi tel un serpent perfide, j’articulai un mot. Aucun son ne sortit de ma gorge. Submergée de panique, je m’éclaircis la gorge, tentai un murmure, un soupir, mais aucune des manœuvres auditives que je tentai ne produisis le moindre bruit. Effrayée, je me tapis dans un coin, décidée à fermer les yeux, à oublier, à m’endormir, absolument désespérée et tétanisée par cette situation si surréaliste.
Des heures passèrent, de lentes et longues heures, durant lesquelles mes yeux, éblouis par la lumière des diamants, ne pouvaient se fermer et où aucun son ne me parvenait, où aucune vision ne venait me distraire. Les murs étaient tranchants, leurs arêtes vives, mon dos meurtri me faisait souffrir atrocement à cause des parois ciselées sur lesquelles je tentais de m’appuyer afin de m’endormir.
Le sang battait à mes tempes, la panique me saisissait, mes pupilles se rétractaient, se dilataient, et ma vue se brouillait. Et, juste avant de perdre connaissance, j’aperçus une minuscule porte qui venait de s’ouvrir dans le mur en face de moi, une ouverture basse et rectangulaire dont le battant sombre tranchait avec la blancheur translucide des pierres. Je rampai rapidement vers le pêne, à bout de souffle, de forces, d’espoirs, et me glissai par la porte, avant de sombrer dans une profonde obscurité.