Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE DU REPOS
LA PIÈCE DU REPOS

LA PIÈCE DU REPOS

Comme l’impression d’arriver au bout d’un tunnel sans fin… Je me réveille en haletant, et les sens immédiatement en alerte, je regarde autour de moi. Alors qu’une impression de danger envahit mon esprit, les informations données par mes cinq sens l’apaisent immédiatement. Je suis dans une chambre avec des murs en bois, entouré par des plantes et des fleurs de toutes sortes, et un bassin se remplit d’une eau claire et turquoise au fond de la pièce. Le bruit de l’eau est le seul qui titille mon ouïe, et mon odorat m’informe que des particules de lavande – ou de thym, je ne suis pas très doué en botanique – se sont immiscées dans mes sinus. Pour finir, un véritable petit-déjeuner est posé sur une table, juste à côté du bassin.

Je fais pivoter mes jambes pour me diriger vers ces mets d’apparence délicieux, et c’est en m’asseyant sur la chaise que je me rends compte – je n’ai eu aucun mal à me déplacer. A vrai dire, je ne ressens ni douleur ni fatigue. Les souvenirs des évènements des dernières semaines remontent à la surface de mon esprit, brutalement, mais ils ne m’affectent pas, comme si un voile avait été jeté sur ce qui s’était passé par mon inconscient, leur refusant de m’affecter.

« Tu es réveillé, tant mieux, dit une voix d’une douceur infinie.
— Qui êtes vous ? C’est vous qui m’avez amené ici ? je demande en me retournant vers la femme assise désormais sur le lit.
— Oui c’est moi qui t’ai amené ici. Tu étais très mal en point, et je t’ai guéri.
— Et bien, je vous remercie du fond du cœur. Pourtant, nul ne savait où j’étais, même moi je l’ignore toujours. Êtes-vous une exploratrice du château ? »

La femme sourit légèrement, puis se lève pour s’asseoir en face de moi. Non, elle ne se lève pas à vrai dire : je ne la vois pas marcher, juste glisser, et avant que je n’ai pu essayer d’examiner le mouvement que faisait ses jambes – si elle en avait derrière sa longue robe émeraude – elle a de nouveau repris la parole.

« Avant de partir, et que tu continues ton chemin, et que surtout tu essayes de rejoindre tes compagnons de route, c’est important… »
Mes compagnons de route ? Leur image s’impose  : Analayann, l’Ombre, même le nain… Qu’étaient-ils devenus ? Avaient-ils survécus ? Les souvenirs se bousculent contre le voile, sans parvenir à me transmettre des émotions – m’empêchant aussi d’avoir l’esprit parfaitement clair.
« … J’ai besoin de savoir si tu vas parfaitement bien. J’ai enlevé toutes tes cicatrices liés à ton enfermement… »
Je’entends le tonnerre gronder dans mon esprit et je sais que bientôt des flashs de souvenirs m’envahiront.
« … Mais il y a deux choses qu’il faut que je vérifie. D’abord, si tu es capable de refaire de la magie. J’ai enlevé la malédiction de l’homme de main du Château… »
Les grondements s’intensifient.
« … Mais elle était très puissante, et j’ai besoin de savoir si j’ai réussi. Lance un sort, s’il te plaît. »
J’acquiesce et me concentre. Le premier sort qui me vient à l’esprit est celui du contrôle temporel – bizarre, trop difficile pour une simple vérification – puis celui qui permet de se libérer d’une emprise physique – cordes, chaînes, etc. Je me dis alors que je vais faire apparaître une simple flamme au creux de ma main, ce qui est un sort assez simple à lancer.
« ʂiɣa ! »
La flamme n’apparaît pas immédiatement. Pourtant, pour un sort d’une telle simplicité, j’ai à peine besoin de me concentrer sur le processus magique d’habitude. J’ai l’impression de revenir à mes premiers cours avec le Maître…
« Le mot du langage des magiciens est essentiel, car il permet d’ouvrir une sorte de porte entre ton esprit et l’infinité de flux énergétiques présents dans cet univers. Une fois que cette porte est ouverte, c’est à ton esprit d’aller chercher le ou les flux qui te parviendront à faire que le mot prononcé ait une emprise tangible dans notre réalité. Regarde et suis mon exemple. »
Au prix d’un immense effort de concentration, je parviens à faire apparaître cette flamme. Il est loin le temps où je pouvais faire apparaître des objets d’un claquement de doigt et lancer des éclairs pour combattre mes ennemis tout aussi aisément…

« Tu retrouveras tes pouvoirs, ne t’en fais pas. Maintenant que je sais que j’ai pu enlever cette malédiction, il est temps que tu te souviennes. Le souhaites-tu ?
— Me souvenir ? Bien sûr que je le veux, et je n’ai pas de temps à… »
Un grondement assourdissant envahit mon esprit à ce moment là. Un souvenir s’est cogné violemment contre le voile, et pendant un très court moment, je ressens une pluie d’émotions très négative : colère, frustration, incompréhension pour commencer, puis tristesse, abattement et surtout un grand vide ensuite. Est-ce que je veux vraiment me souvenir des évènements qui m’ont fait ressentir ces choses ? Deux choses me viennent alors en tête : un prénom, Analayann, et une conversation que j’ai eu avec le maître  :
« C’est bizarre, mais je n’ai jamais entendu votre prénom. Ni votre nom. Pourquoi ?
— Et bien, tout le monde m’appelle Le Maître. Et puis, ma véritable identité n’est connue que dans la langue des magiciens, et là d’où je viens ça ne pose pas de problème mais ici…
— C’est quoi le problème de nommer quelqu’un en lange des magiciens ?
— Tu sais bien que cette langue est une sorte de porte entre notre esprit et tout ce qui nous entoure. Nommer quelqu’un dans cette langue c’est en quelque sorte mettre une cale dans l’entrebâillement de cette porte. C’est très lourd de sens et ça impacte la personne nommée mais aussi celle qui donne le prénom.
— Je ne vois pas où est le problème.
— Rappelle toi que tu es en formation express Jad. Souviens-toi d’une chose : un grand pouvoir implique de grande responsabilité, dit-il en souriant . Où en est ton apprentissage du sort de guérison simple ? »
Il fallait que je me souvienne. D’une manière ou d’une autre, j’avais lié mon destin à celui de cette fille, et il la retrouver était désormais ma priorité.
« Allonge toi sur le lit, ordonna la femme, l’ondine ou l’esprit qui m’avait soigné. Je vais t’endormir et tous tes souvenirs te reviendront dans une sorte de long rêve dont tu ne te réveilleras que lorsque tu te seras souvenu de tout. Je vais aussi te raccompagner dans le Cathedrall pendant ton sommeil, à moins que tu ne veuilles que je t’emmène dans une pièce spéciale…
— Pouvez-vous m’emmener dans une pièce où il y a une personne que je connais ?
— Je vais voir ce que je peux faire. Je sais à qui tu penses, mais le Château a une grande influence, et malgré l’accord que nous avons passé, lui et moi, il y a des décennies de cela…
— Comment ça ? Quel accord ? Pourquoi ne pouvez-vous pas m’emmener là où je le souhaite ?
— Dors maintenant, dit-elle en m’allongeant fermement sur le lit et en passant sa paume ouverte au-dessus de mon visage. »

Toutes les questions que je me pose s’évanouisse aussitôt et je plonge dans un profond sommeil.

Le long cauchemar pouvait commencer.

Auteur : Jad de Salicande, sous le pseudo « Jad de Salicande »

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