Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE DU COULOIR D’AVANT LE DÉBUT DU MONDE
LA PIÈCE DU COULOIR D’AVANT LE DÉBUT DU MONDE

LA PIÈCE DU COULOIR D’AVANT LE DÉBUT DU MONDE

Une main se tend et je m’en saisis sans prendre le temps de compter ses doigts. Voilà ma paranoïa qui disparaît au mauvais moment.
Lorsque je m’extirpe du placard à balais avec difficulté,la lumière me paraît si vive après une demi-heure de noir complet que je me couvre les yeux avec ma main libre en poussant un petit cri. Pourtant, la pièce dans laquelle je me trouve est plongée dans la pénombre. C’est en fait un couloir, mais nous y reviendrons plus tard. Pour l’instant intéressons-nous à la main qui me tient. Au bout de ladite main, il a il y a un bras, et encore plus au bout il y a un corps humanoïde.
Me voilà rassurée.
Un peu.
Je le déTaille quelques secondes et je me rends compte que c’est un elfe. Il a les cheveux qui semblent faits de flocons de neige, la peau aussi lisse et brillante que l’ivoire, les yeux en amande, émeraude et de longues oreilles pointus trouées de piercings. Ce type est un mélange de hippie et de gothique. Il a le pantalon noir, déchiré, un T-shirt « dead of sea » et bandeau rouge sang noué au poignet.
Mignon mais vraiment pas mon genre.
-Euh… Tu t’appelle comment? me demande-t-il, perplexe.
-Sakura.
-Et, comment se fait-il que tu te sois retrouvée dans un placard à balais du couloir de avant le début du monde fermé de l’extérieur?
Je me gratte l’arrière de la tête en réfléchissant à toute vitesse.
-Bah en fait, j’en sais que dalle. J’étais tranquille avec ma sœur, un éclair et puis, pouf!, plus rien! Je me suis réveillée en enfermée dans un placard à balais!
L’elfe se met à marmonner.
-Maudit Château, tu les kidnappe, maintenant, tes pions, ça ne te suffisait pas les fous qui se lançaient dans tes entrailles sans espoir de retour? Il faut maintenant que tu t’en prennes à des innocents?
Une ombre sort de l’ombre et je sursaute violemment. C’est une jeune fille blonde avec une couette sur le côté. Elle a de grands yeux noisette. Elle me dit gentiment:
-Ne t’inquiète pas, il est toujours comme ça. Lui c’est Robin Desbois. Il est voleur professionnel. Moi, c’est Lucy, chasseuse de monstre, magicienne et pom-pom girl à mes heures perdues.
-C’est ça, et moi je m’appelle Viviane Lafée et je suis tueuse à gage. Quand je ne fais pas la mère Noël.
-Ne rigole pas avec ça, l’ordonne-t-elle.
Un frisson de terreur la traverse et elle continue.
-Il y a trois pièces, nous avons croisé un tueur à gage, un vrai sadique. Il a commencé à m’agresser avec un couteau à poulet! Heureusement que Robin l’a poussé dans la pièce du vide ordure. Il a fini sa vie dans celle de l’incinérateur.
Je m’époussette en silence, abasourdie par la révélation qu’elle vient de me faire, puis je demande:
-Comment vous êtes arrivés ici?
Robin m’explique:
-Ce filou de Renard a voulu me tendre un piège car je le concurrençai dans le vol professionnel. Il a commencé à diffuser la rumeur selon laquelle il partait cambrioler le Château, si riche -disait Renard- qu’il fallait plusieurs années pour en prendre toutes les richesses. Alors, comme un imbécile, je m’y suis rendu pour y être avant lui. Et me voilà maintenant.
-Donc, toi non plus tu n’étais pas volontaire.
-J’y suis entré de mon plein gré. C’est tout comme.
Il hoche la tête avec consternation et je me demande depuis combien de pièces, car c’est ainsi qu’il comptent le temps, il peut bien être là.
-Et toi, Lucy?
-Un jour, j’ai lu une annonce qui payait soixante millions de pièce d’or à celui qui viendrait à bout du Château. J’ai foncé tête baissée en pensant à toute les fringues que je pourrais m’acheter, sans me demander pourquoi c’était payé si cher, et maintenant, me voilà. Maintenant, j’ai compris pourquoi c’était aussi cher, c’est parce que ceux qui on passé cette annonce étaient sur de ne pas nous payer.
Elle a un rire amer qui sonne comme une poussée de haine envers elle-même.
-En fait, c’est comme un jeu, lâché-je.
-Un jeu mortel.
-OOOOOKKKKKK… Donc c’est quoi les règles?
-Le Château est le maître du jeu. Nous, ses pions, avons un peu d’autonomie,par exemple, pour faire des choix, mais au fond, nous dépendons de lui: nourriture, sûreté… C’est pour ça qu’il faut le combattre, parce qu’il s’amuse de nous voir mourir, combattre ses sbires, tomber dans ses pièges… Nous sommes énormément, là dedans, mais comme le Château est énorme, on ne s’en rend pas compte tout de suite. Il y a des centaines d’illusions qu’il faut percer, des pièges à éviter… Bref, si t’as peur, t’es morte. Le but du jeu est de découvrir toutes les pièces, de le mettre à nu, le problème, c’est qu’il est aussi maître de l’écoulement du temps, aussi, depuis le début de cette conversation, il peut s’être écoulé un siècle comme une seconde en temps réel. Tu piges?
– Grosso modo.
-En tout cas, reprend Lucy qui est décidément très bavarde, tu peux être contente que Poussière t’aie trouvée, sinon tu y serais encore.
-Poussière?
-C’est un fantôme.
-Tout à coup, je comprends tout. C’est la chose qui m’a traversée tout à l’heure. Mais, où est-elle, d’ailleurs? Alors, je l’apperçois, collée au plafond. Je lui adresse un sourire en la détaillant. Elle est très vieille même si tout en elle évoque un enfant.
-Bon, interromp Robin, maintenant que les présentations sont terminées, il reste le plus dur à accomplir: traverser la pièce.

Nous nous mettons en marche. Le couloir doit faire cent mètres de long, et il y a une multitude de portes fermées à clef. Il semble vieux, très vieux. Du lierre recouvre entièrement les murs, en collocation avec les araignées. La couche de poussière est si épaisse que le bruit de nos pas sont presque silencieux. Lorsque je touche un meuble, il tombe en poussière. Rien que d’y penser, je me sens me ratatiner et vieillir prématurément.
Robin presse le pas. Apparement, il ne tient pas à s’éterniser ici. À mon regard interrogateur:
-Il y a un sort de vieillissement, dans cette pièce. À vue d’œil, on a déjà pris deux ans. Tu tiens vraiment à finir comme Poussière?
Non, personne ne voudrait. Alors j’allonge le pas, et sans plus réfléchir, j’ouvre la prochaine porte.

Autrice : Sakura en sucre, sous le pseudo « Sakura en sucre »

Partager...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *