Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE DES ENSEIGNANTS (SURNOMMÉE ÉGALEMENT : SALLE DES PROFS.)
LA PIÈCE DES ENSEIGNANTS (SURNOMMÉE ÉGALEMENT : SALLE DES PROFS.)

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LA PIÈCE DES ENSEIGNANTS (SURNOMMÉE ÉGALEMENT : SALLE DES PROFS.)

Ondine as Ondine (alias Martoutou12 ou Colibri)

Quelque part dans le premier étage.

Lorsque je franchis le seuil de cette pièce, je devinai tout de suite que j’avais certainement commis une erreur fatale.
Mais aussi, comment aurais-je pu deviner ? Quelques jours auparavant, on m’avait persuadé que l’exploration du château des 100 000 pièces était un bénéfice et me permettrait d’aiguiser mon quotidien. De le rendre savoureux, excitant.
Lorsque je m’étais mise en route, je n’avais pas imaginé un seul instant que je m’étais jetée dans la gueule du loup. Et pourtant, j’étais là, dans l’estomac du canidé, sous ces dizaines de paires d’yeux qui me regardaient, étonnés.
Je distinguais leurs pupilles. Rouges…effrayantes…leurs yeux.
Les yeux des profs.
Ca avait beau être les vacances, je n’avais pas oublié leur regard. Lorsque celui ci se posait sur moi, je me sentais défaillir, incapable d’esquisser le moindre geste. Le froid me tétanisait…et cela depuis mon plus jeune âge. Depuis mon entrée au CP, en fait. La classe préparatoire…celle où l’on devait apprendre à lire et à écrire. L’assistante sociale avait insisté sur le fait que je sois scolarisée, et ce malgré mon passé. Aussi sombre soit-il.
Ma famille d’accueil n’a jamais accepté que je baisse les bras. J’ignore si je les remercierais plus tard. Peut-être. En attendant, je les hais.
Depuis le jour où j’ai franchis le seuil de la classe, une grande mécanique s’est mise en route.

Je lisais du dégoût dans les regards qui s’apitoyaient sur moi. Et ce un peu partout. Dans la rue, à l’école, en vacance, à la télé. Lorsque je marchais sur les trottoirs, les parents tenaient leurs enfants par les épaules et traversaient la route. Ils leur apprenaient à me détester. Je ne pouvais pas leur en vouloir.
Mais leurs yeux étaient normaux.
Verts, bleus, marron… pas rouge sang.
Je l’avais remarqué bien avant la mort de mes parents. Beaucoup d’instituteurs abritaient la folie meurtrière que j’étais capable de lire en eux.
J’avais ce don en moi, sans savoir vraiment ce qu’il signifiait.
Je savais juste que ce talent n’était pas à ignore. Je l’avais compris le jour de ce meurtre ignoble dont j’avais été accusée.
Beaucoup de cris émergent d’une tornade dévastatrice.
Je me suis cachée.
Un policier est arrivé.
J’ai cru que j’étais sauvée.
Mais j’ai lu dans ses yeux rouges que mon cauchemar n’était pas fini.

J’avais cinq ans, à l’époque.
Ce jour là, j’en avais dix de plus.
J’ai fais ce que je faisais d’habitude : je me suis caché les yeux en appuyant mes paumes de mains dessus, pour le plus les voir, eux et leurs pupilles qui luisaient dans la nuit. Je pratiquais souvent cet exercice, espérant en vain que je deviendrais aveugle. Mais tout cela ne servait à rien. J’avais des yeux de fer. Froids, métalliques. Des yeux de robots, impossibles à crever.
La vue ne me quittera jamais…
Pourtant, je suis bien humaine. Je suis née normalement, comme n’importe quel enfant, ou presque. Mais lorsque j’ai ouvert mes yeux pour la première fois, ils étaient ternes et sans vie, formés dans une matière inconnue.
Des fois, je vois des ombres glisser sur le sol, alors qu’il n’y a aucune présence humaine aux alentours.
Avant, j’aimais me confier aux gens. Jusqu’au jour où j’ai compris qu’ils ne croyaient pas. Qu’ils me prenaient pour une folle.
Depuis, je me tais. Je n’ai pas envie d’attirer des ennuis à mes proches.
Je possède d’autres dons en moi, plus insignifiants mais tout aussi existants. Sauf que je dois me concentrer pour les mettre en œuvre. Je peux les contrôler.
Ce qui est impossible pour mon talent principal.

Dans le noir, je devinais leurs regards perplexes. Ils devaient me regarder. Ils attendaient le moment. Cela faisait quinze ans que je savais. Si ils devaient me tuer, il faillait qu’ils le fassent maintenant.
Il y eut un mouvement.
Surprise, j’écartais mes mains.
Et je vis…
Ils avançaient vers moi.
Doucement, un sourire mesquin esquissé sur leur visage pâle.
Je tressaillis.
Mais que diable faisaient-ils là ? Mon regard parcourus la pièce. Quelques tables, rondes et blanches, se tenaient non loin de moi. Une cafetière sur chacune d’elles. Des sucres. Des gâteaux.
Cela ressemblait à une salle commune.
Leur QG ?
Probable, très probable.
Que mijotaient-ils ?
Feraient-ils de nouvelles victimes innocentes, comme il y a dix ans de cela ?
J’en avais la certitude.
Je ne voulais pas de cela.
Ils n’étaient plus qu’à quelques mètres de moi.
Ma bulle éclata. Je replongeais enfin dans le monde réel, conscient de mes actes et de mes pensées. Je sentais leur souffle haletant, putride, à l’odeur du sang. Ils allaient me tuer. À présent, cela sonnait comme une évidence. J’y avais déjà pensé précédemment, mais cela ne m’avait fait ni chaud ni froid.
Ils allaient me tuer et il n’y aurait plus personne pour contredit leurs plans ignobles.

En une fraction de seconde, je vis volte face. Ma longue cape noire vola majestueusement. Je maintins ma capuche avec ma main droite, me ruais vers la porte et sortis.
Un bruit métallique vibra derrière l’épaisse porte de bois.
Un bruit de couteau.

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