Hé bien, le moins que l’on puisse dire c’était que cette pièce était… Comment dire ? Vide. Il n’y avait rien. Pas la moindre décoration sur le mur, aucun revêtement pour le sol et pas l’ombre d’un meuble en vue. Si l’on exceptait la lumière qui pendait du plafond et le tas d’ordure qui s’entassaient au fin fond, on aurait pu se croire dans l’une de ses prisons dont raffolent les Uliens. Et évidemment, la réputation de ses dernières n’était plus à faire. On raconte que la durée moyenne avant d’y perdre totalement l’esprit était de 5 révolutions. Mais comme personne n’était jamais revenu avec l’esprit sain il est difficile d’évaluer la justesse de ce chiffre.
Enfin, je disais que la salle était vide mais ce n’est pas tout à fait vrai. En son centre se tenait un vieillard qui n’avait plus que la peau sur les os et qui semblait pouvoir de tomber en poussière au moindre mouvement. Ses grands yeux bleus me fixaient d’un air accueillant depuis mon arrivée et son sourire se voulait rassurant. Toutefois, je n’oubliais pas ma mésaventure précédente. Hors de question de me laisser surprendre une nouvelle fois même si j’avais déjà guéri de mes blessures et que ma plaie était désormais complètement refermée.
Je passais une main dans mes cheveux tout en me rapprochant de ma prochaine victime et… Attendez un instant. Mes cheveux ? Comme pour m’assurer que je n’avais pas rêver, je répétais mon geste. C’était bien mes cheveux. Mais dans ce cas, où était passé mon chapeau ? Je ne l’avais quand même pas… Le souvenir de ma roulade me revint à ce moment précis. Dans le feu de l’action, je n’y ait pas prêté garde mais je suis certain de l’avoir perdu à ce moment-là. Je fis claquer ma langue de mécontentement. Ce chapeau était mon compagnon d’aventure depuis des années et l’abandonner dans un lieu si désolé m’accablait de chagrin.
Heureusement, j’allais pouvoir me défouler. Le vieux n’avait toujours pas bougé malgré ma proximité. Pensait-il que je n’étais pas une menace suffisamment dangereuse pour être pris au sérieux ou avait-il compris que sa dernière heure était venue et qu’accepter son sort était la meilleure chose à faire ?
-Sachez que vous avez été tué par celui que l’on nomme Yubi al Deus, Az Eros l’immortel, Babès le grand et bien entendu Altixor.
Les présentations terminées, je cherchais l’une de mes épées avec ma main. Cependant, je ne rencontrais que du vide. Allons donc ! Qu’est ce qui n’allait pas en ce moment ? D’abord mon chapeau puis mes épées. Quel était le prochain ? Ma beauté sans égal ?
Enfin, si cette disparition me peinait grandement, après tous les meilleurs forgerons de l’univers avait passé un mois ulnien entier pour fabriquer chacune des lames, il me restait toujours une autre arme de destruction : mon corps. Serrant les poings, je m’apprêtais donc à tabasser l’être sans défense qui me faisait face quand sa voix me stoppa dans mon élan.
-Je ne ferais pas ça si j’étais vous.
Je me fichais pas mal de ce qu’il ferait à ma place mais son ton avait une drôle d’intonation. De plus, maintenant que je le voyais de près, une étrange aura semblait émaner de l’individu. Peut-être valait-il mieux recueillir davantage d’informations sur ses capacités avant de l’exécuter.
-Vous m’en direz tant.
-Je vous ai vu chercher une arme. Savez-vous pourquoi elle a disparu ? Cette pièce n’accepte pas la violence. En y entrant, tous ce qui pourrait causer du mal a été banni.
-Je me tiens pourtant face à vous sans difficulté.
Le vieillard sourit.
-Et vous ne pourriez pas en dire autant si vous aviez poursuivi votre geste. Jetez plutôt un œil derrière moi.
Je haussai un sourcil me demandant ce qu’il voulait bien que j’observe dans cette pièce nue avant de comprendre qu’il parlait du tas d’ordure. Et je compris ce à quoi j’avais échappé. Car ce que j’avais de prime abord pris pour des déchets était en fait une montagne assez impressionnante de bras arrachés au niveau du coude. En connaisseur, j’appréciais la finesse de la découpe.
-Quelle arme avait vous utilisé ? Une hache ? Ou une épée affûtée à la perfection peut-être ?
-Rien de tout cela. La pièce l’a fait.
Difficile de faire moins clair comme explication pensais-je. J’étais toutefois un peu déçu. Un instant j’avais pensé que sous ses traites de vieillard, se cachait un guerrier redoutable.
-Qui êtes-vous ? demandais-je alors.
-Contrairement à vous, mon nom est unique. Je suis Vérité et j’ai pour mission d’aider l’aventurier qui se serait égaré dans sa quête.
-Merci mais non merci. Où se trouve la porte ?
-J’ai bien peur que vous ne deviez prendre le temps de discuter un temps avec moi avant qu’elle n’apparaisse.
J’esquissais une grimace. Je n’avais aucune envie de servir d’aide infirmier à un vieillard. La tentation de séparer la tête du reste de son corps était, quant à elle, encore grande mais il aurait été difficile de remplir l’objectif que je m’étais fixé avec un seul bras aussi optais-je pour la prudence
-Je pense que je vais plutôt m’allonger dans ce coin dis-je en désignant la montagne de bras. Faites-moi signe si la porte se manifeste.
Ainsi commença mon attente. Pendant ce qui me sembla une éternité je cherchais à me divertir. D’abord en comptant le nombre de membre présent à côté de moi. Cependant rendu à 1258, je perdis le fil et n’eut pas le courage de recommencer. Je m’endormis également un long moment et sortit requinqué de cette sieste impromptue. Mais la porte n’était toujours pas là. Agacé, je me décidais à demander des comptes au vieillard.
-Pourquoi est-ce si long ? Vous aviez dit qu’elle paraîtrait si j’attendais.
-Ce n’est pas ce que je dis. J’ai mentionné que vous deviez discuter avec moi.
Un instant, je me demandais pourquoi je ne l’avais pas encore trucidé quand le souvenir des bras arraché se rappela à moi. C’est fou ce que l’on pouvait oublier en quelques heures de sommeil. Cela n’empêcha pas mon poing de s’ouvrir et se fermer sans que je ne puisse l’arrêter. Ce qui sembla d’ailleurs attirer l’attention du vieillard.
-Pourquoi vouloir toujours régler vos problèmes par la violence ? N’est pas plus enrichissant de découvrir ce que l’autre a à nous apprendre ?
-Je n’ai rien à apprendre de personne. Et si quelqu’un ose prétendre le contraire, je l’invite à se présenter face à moi.
Du coin de l’œil, je vis le vieillard pousser un soupir d’exaspération ce qui n’était pas pour me déplaire. S’il pensait que j’allais rendre cette conversation forcée facile, il se trompait lourdement. Comprenant visiblement qu’il s’y était pris de la mauvaise manière avec moi, il changea de sujet.
-Pourquoi avoir décidé de rejoindre le château ? Aucune personne censée ne s’y risquerait de son plein gré sans une bonne raison
-Je voulais simplement prouver que j’étais le plus fort. Et quel meilleur moyen d’y parvenir que de vaincre un château dans lequel tant d’aventuriers ont pénétré sans jamais en ressortir ?
-Vous savez, il est inutile de me mentir. Mon nom n’est pas simplement le fruit d’une originalité démesurée chez mes parents. Il reflète aussi qui, ce que, je suis. Soyez honnête, quelle était la véritable raison ?
Une nouvelle fois, je cherchais le contact de mes épées mais la réalité me rattrapa bien vite. Découragé, je tenais de prendre Vérité à son propre jeu
-Je suis ici grâce aux conseils de N’mahad
Vérité me sourit
-Vous ne répondez pas à la question
-Hum vous croyez ? Ma compréhension de la question était peut-être mauvaise mais j’ai été honnête
Et toc. Prends ça monsieur je sais tout.
-Dans ce cas, je suppose que je vais devoir vous poussez dans vos retranchements. Avez déjà ressenti de l’amour ?
-Évidemment. J’appréciais beaucoup le chapeau et les deux épées qui m’ont été enlevé
-Pour un être vivant je voulais dire
A ces mots, ma vision se brouilla un bref instant et je fus soudain projeté loin, très loin dans mes souvenirs. Des rires d’enfants. Une demeure paisible au bord d’un lac. Et son visage qui apparut avant de s’effacer aussitôt. Le souffle court je fis de mon mieux pour cacher la tristesse qui s’était emparé de moi et la boule qui me tiraillait le ventre. Cependant Vérité attendait toujours une réponse
-Je… heu je…
-Comment s’appelait-elle ? demanda alors Vérité en me dévisageant.
J’eus l’impression que ses yeux pénétraient mon esprit tant leur attraction était grande et, sans même que ne n’émette le moindre son, je compris qu’il possédait déjà la réponse.
-Ça suffit ! On arrête ça ! On arrête tout ! Faites-moi sortir d’ici ou je vous jure que je vous tue.
-Vous êtes venu pour elle n’est-ce pas ?
C’en était trop. Ivre de rage et oubliant les éventuelles conséquences, je me jetais sur Vérité. Seulement, au moment où mes mains entraient en contact avec son cou, un éclair aveuglant m’éblouit. Etait-ce donc de cette manière que la pièce arrachait les bras des aventuriers trop colérique ?
Non. Cette sensation, je la connaissais. Après tout je l’avais déjà vécu trois fois dans la même journée. Tandis que j’étais aspiré vers une autre salle, j’entendis Vérité me crier de prendre garde aux Iviris. Mais je devais sans doute avoir mal entendu car je ne connaissais aucune race de ce nom. Cela n’avait toutefois plus d’importance. J’étais Yubi al Deus, Az Eros l’immortel, Babès le grand et il ne me restait plus que 999 996 pièces à explorer avant que l’on me surnomme Altixor le conquérant.
Auteur : Altixor, sous le pseudo « Altixor »