Calliope as Calliope
Ma décision était prise ; j’aiderai cette Emérence. Il allait pour cela falloir que je trouve un moyen de descendre. Mais chaque chose en son temps.
Je décidais donc de commencer par sortir de la pièce où j’avais reçu son appel.
La nouvelle salle dans laquelle je pénétrais était atrocement sombre. Les rares carreaux étaient encrassés d’une sorte de suie noire qui ne laissait filtrer que peu de rayons de lumière. La seule véritable lueur, en vérité, provenait d’un feu de cheminée torride à l’autre bout de la pièce. Je m’en rapprochais, comme par réflexe, et tendis mes mains comme pour les réchauffer.
– Bonjour, Calliope.
Je pivotais brusquement. Une jeune femme au sourire absent se tenait devant moi. Je détaillais du regard sa silhouette un peu ronde, son visage doux et plein enfoui sous une masse coulante de mèches noires et ses grands yeux bruns piquetés de paillettes d’or.
Je ne posais même pas la question rituelle « Mais qui êtes-vous ? ». Au premier coup d’œil, j’avais reconnu cette femme que je croyais ne jamais revoir. Je soufflais, émue :
– Thalie…
Ma propre sœur.
– Qu’est-ce que tu fais là ? Demandais-je, suspicieuse.
– Et toi, alors ?
La question me surprit. Je répétais, interloquée :
– Ce que je fais là ?
– C’est bien ce que je te demande… Pourquoi es-tu partie ? N’étais-tu pas heureuse ?
– Bien sûr que si ! M’insurgeais-je. Je voulais juste…
Ma voix se brisa. Je chuchotais :
– Me prouver que j’en étais capable.
Le regard insidieux et glacial de Thalie me frappa au cœur. Je n’avais pas gardé, en venant dans ce Château, ce souvenir désagréable d’elle.
– Oh, pauvre Callie…
« Callie » ? C’était grotesque. Personne ne m’avait jamais appelé comme ça, et surtout pas elle. Si elle croyait m’attendrir par son ridicule surnom…
Minute.
– Tu n’es pas ma sœur !
La révélation m’était venue naturellement. Jamais la prudente Thalie ne serait venue jusqu’ici. Jamais l’affectueuse Thalie n’aurait été aussi froide avec moi. Et plus que tout… Jamais elle ne m’aurait surnommé « Callie » !
– Bien vu, petite exploratrice…
Je réprimais un hoquet de terreur. Thalie semblait soudain fondre. Oui, vous avez bien lu. Comme la cire d’une bougie allumée, ses traits ruisselaient le long de son corps, s’étalant à ses pieds comme une flaque d’eau couleur de chair. Sous cette gangue de « cire » fondue, apparut un visage qui n’avait plus rien à voir avec celui de ma sœur, ni même avec celui d’un humain.
– Je suis l’Illusionniste, aventurière, celui qui crée les mirages les plus convainquant pour ensuite vous plonger dans le désespoir !
Il sortit de sa ceinture un long coutelas. Sans réfléchir, je bondis vers la porte.