Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE DE L’HÔTEL CINQ ÉTOILES
LA PIÈCE DE L’HÔTEL CINQ ÉTOILES

LA PIÈCE DE L’HÔTEL CINQ ÉTOILES

Le miroir, d’apparence petit et insignifiant, débouche en fait sur un long couloir bordé de glaces toutes plus abracadabrantes les unes que les autres. Le passage se referme juste derrière nous et il nous est désormais impossible de savoir par où nous sommes entrés.
-On est où à votre avis là ? Demande Yashim.
Nous avançons dans le couloir. Nos pas qui résonnent semblent se répéter à l’infini, rebondir sur les murs, le plafond, les miroirs, révélant notre présence à des kilomètres. Je ne peux retenir un frisson. J’ai l’impression d’être observée par des milliers d’yeux, d’êtres invisibles nous épiant derrière notre reflet. Sans m’en rentre compte, j’accélère la cadence.
Les miroirs nous renvoient une image bien ironique de notre petite troupe. Nous sommes sales, traînons des pieds, nos visages son ternes et épuisés par les épreuves que nous avons traversées ; nous ne sommes pas vraiment à notre place dans le déluge de luxe dans lequel évoluons. La boue qui colle à nos chaussures laisse des traces sur le tapis.
Nous arrivons enfin devant une grande porte lourdement chargée qui s’ouvre à notre passage. Le spectacle qui se tient devant nous est impressionnant, plus impressionnant que ce que nous avons pu voir jusqu’à présent. Le salon qui suit fait au moins la taille de deux terrains de football. Le plafond est haut, soutenu par des rangées de colonnes. Les murs, le sol, tout brille dans une harmonie parfaite, même le grand escalier de marbre avec sa rampe en or massif. Comme Harry sur le Chemin de Traverse, je ne sais pas où poser mon regard, tant il y a à voir. Des fauteuils rouge vif, d’où s’empilent des coussins, tous plus confortables les uns que les autres m’attirent irrésistiblement.
Au centre de la salle, une fontaine géante laisse couler un filet d’eau changeant de couleur toutes les minutes et une douce musique fait office de fond sonore.
Marine laisse échapper un sifflement admiratif :
-Et ben dis donc !
Je me laisse tomber dans un fauteuil et ferme les yeux.
-Aaah ça fait du bien… Je sais pas vous mais moi je suis morte !
Je suis rapidement imitée par mes compagnons. Chacun se repose quelques instants. Les questions, les décisions viendront plus tard. Pour l’instant, nous reprenons des forces.
Soudain, Astrid ne tient plus en place. Elle se lève et commence à arpenter la pièce de long en large, à regarder sous les meubles, dans les coins…
-Dis, tu veux pas te poser genre deux secondes ? On visitera après, promis.
Elle me répond distraitement, continuant son inspection :
-Tu te trouves pas ça bizarre que l’on ait croisé personne depuis notre arrivée ? Cet endroit est gigantesque, on est forcément pas seuls…
-Tu sais, c’est une caractéristique propre au Château de vouloir semer le doute. Honnêtement, je pense qu’il n’y a rien à craindre ici, je t’assure.
Je ne lui parle pas de l’impression étrange que j’ai eue en arrivant. A force, nous sommes sûrement devenus paranos. Cet endroit est sans danger.
-Et l’absence de fenêtres tu en fais quoi ? Dans un hôtel ! Ça te semble normal ?
J’avoue que je n’ai rien remarqué. Mais maintenant qu’elle le dit, impossible de ne pas y faire attention. Les murs nous enferment de part et d’autre, sans ouverture.
-Vous avez pas soif ? Lance brusquement Marine. Je crois que j’ai trouvé quelque chose.
Elle est accoudée à un grand comptoir en verre, comme ceux que l’on trouve dans les restaurants . Comme il n’y a personne, je passe derrière le bar.
-Puis-je vous servir quelque chose mademoiselle ? Dis-je en riant.
-Oui, servez moi le cocktail de la maison s’il vous plaît, répond-elle, se prenant au jeu.
Je fouille dans les placards et en sort un grand verre en cristal. Je reste interloquée par la présentation du service. Le long du comptoir, se trouvent des dizaines de petits robinets de bronze, tous alignés. Je déchiffre quelques inscriptions : eau plate, sirop de pamplemousse, caramel… Avec une joie presque enfantine, je m’amuse à confectionner les boissons les plus étranges, les plus originales, encouragée par la soif sans fin de mes amis.
Seule Astrid reste à l’écart et peine à sourire.
-Je le sens pas cet hôtel. Si l’on pouvait s’en aller…
Yashim rétorque en plaisantant :
-T’es toujours stressée Astrid… Profites un peu ! Y a vraiment pas de quoi avoir peur.
-Je te rappelle qu’on est au Château hein, mais bon puisque personne ne veut m’écouter…
Elle s’en va en traînant des pieds. Je ne cherche pas à la retenir, elle finira bien par se calmer.

L’hôtel est vraiment gigantesque. Ce salon n’en est qu’une infime partie. Il s’étend sur des kilomètres carrés et si cela ne faisait pas un certain temps que j’étais dans le Château, j’aurais pensé cela tout bonnement impossible. Mais ici, le mot « impossible » n’existe pas.
Nous tachons de ne pas nous perdre dans ce labyrinthe de couloirs, de boudoirs, d’escaliers et de portes cachées. J’ai du mal à croire que tout ce que nous voyons est rien que pour nous.
« Il n’est pas à nous, il est au Château. Et ce que le Château donne, il le reprend toujours » rétorque ma petite voix.
Nous arrivons bientôt devant une grande porte vitrée teintée de bleu. De derrière, semble nous parvenir le son d’un filet d’eau. Il faut nous y mettre à trois pour arriver à l’ouvrir. Nous nous trouvons enfin dans une grande salle d’eau, pleine de bassins de différentes tailles, formes, couleur et température de l’eau. Au fond de la salle, un immense toboggan nous appelle, avec ses tourbillons dans tous les sens.
-Dommage que je n’ai pas pris mon maillot de bain… soupirais-je
A peine ais-je fini ma phrase qu’un placard s’ouvre pour nous présenter ses tenues de bain et ses serviettes de coton.
-Magique ! S’exclame Yashim. Vos vœux sont exaucés Mademoiselle !
-Sauf le mien, bougonne Astrid. Partir.
L’ignorant délibérément, Marine va se choisir un maillot une pièce orange, l’enfile et se jette à l’eau.
-Astrid… pourquoi partir ? On est tellement bien ici…
-Je vous l’ai déjà dit : Je n’aime pas cet endroit.
Yashim soupire et me chuchote à l’oreille :
-Je la sens un peu tendue. Tu m’aides ?
Nous l’attrapons par les mains et les pieds et courons vers le bassin le plus proche. Astrid se débat, proteste mais nous faisons semblant de ne pas l’entendre.
-Mais lâchez-moi bon sang ! Ce que vous êtes stupides quand vous vous y mettez, vous êtes vraiment des…
PLOUF !
Nous ne saurons jamais ce que nous étions. Dans un éclat de rire, je file me changer et vais la rejoindre. Elle ne nous adresse plus la parole pendant un petit moment, puis gagnée par la joie générale, elle finit par se détendre et rire avec nous. Comme des enfants, nous essayons chaque bassin, chaque position dans le toboggan. Nos voix résonnent dans toute la pièce. Si l’on voulait être discrets, c’est raté.
Une heure après, la fatigue commence à se faire ressentir. Je somnole dans le jacuzzi, me laissant bercer par le clapotis de l’eau et la lointaine musique. Astrid nage vers moi et s’installe à côté. Elle a la mine triste.
-Il te manque Romain, c’est ça ?
Elle baisse les yeux.
-Ouais. Il était un peu mon repère dans le Château, si tu vois ce que je veux dire. Je l’ai rencontré dès le début et maintenant qu’il n’est plus là, ça me fait vraiment bizarre.
-Pareil. Je ne l’ai pas connu autant que je l’aurais voulu mais ça se voyait que c’était quelqu’un de bien.
-Il t’aimait bien en tout cas. Il te trouvait gentille.
Je souris faiblement pour éviter de me mettre à pleurer.
-Je me demande où il peut bien être maintenant…
-En train de nous chercher, y a intérêt.
-J’espère juste qu’il n’a pas disparu à cause de… ça.
Prononcer à voix haute le fait que Romain est le fils du Château est difficile. Encore plus depuis qu’il n’est plus là. Le visage d’Astrid se ferme. Je décide de changer de sujet.
-Et sinon avec Yashim, ça se passe comment ?
Elle rougit.
-Comment ça ?
-Tu vois très bien de quoi je veux parler !
Elle hausse les épaules.
-Je sais pas trop… Y a des moments où je l’aime à la folie et des moments où c’est plutôt l’inverse. Je suppose que j’en ai marre de courir après une cause perdue.
-Tu veux que je l’interroge à ton sujet ? Dis-je en riant
-Surtout pas !! Non sérieusement Orianne, tu fais ça je te tue. De toute façon ce n’est pas le moment. On a d’autres soucis à régler.
Je soupire.
-Si tu changes d’avis, je suis toujours dispo…
-Dans tes rêves !

Je commence à avoir froid. D’un accord unanime, nous tachons de trouver un coin où dormir. Ce qui n’est pas très évident ne connaissant pas les lieux. Nous finissons par tomber presque par hasard sur une grande chambre qui contient pile le nombre de couchage pour nous quatre.
Je m’installe dans un lit suspendu, dans le fond de la pièce. Je n’aime pas dormir à côté de la porte. Confortablement installée au milieu des coussins, je m’endors presque aussitôt.

Je me réveille en plein milieu de la nuit, haletante et en sueur. Je regarde autour de moi sans parvenir à trouver l’origine de ma panique. Mes amis dorment tranquillement. Rien ne semble les perturber. Pour me calmer, je sors boire un verre d’eau. Le couloir est plongé dans l’obscurité mais quelques veilleuses installées par-ci par-là projettent une lumière pâle et me permettent de voir vaguement où je vais. Sauf que je ne sais pas où je vais justement. Le salon où nous avons pu nous reposer ce matin est si loin et je n’ai pas vraiment le sens de l’orientation. Encore moins dans le noir.
Soudain, j’entends un bruit derrière moi. Je me retourne vivement, le cœur battant. Rien. Encore un effet de mon imagination… Pas très rassurée, je continue mon chemin. Je passe devant des pièces dont la porte est entrouverte et donne sur les ténèbres. J’accélère le rythme. L’envie de faire demi-tour, de retourner dans la chambre, sous la couette est si forte ! Mais par fierté, je résiste et continue mon chemin. C’est étrange tellement une pièce peut avoir l’air différente lorsqu’on la voit de jour et de nuit…
Brusquement, le bruit revient. Des pas… On dirait des pas qui me suivent juste derrière moi. Je me retourne à nouveau, la main sur mon couteau, prête à me défendre. Mais toujours personne. Je commence à croire que je deviens folle.
Dans un grésillement, toutes les veilleuses s’éteignent et je me retrouve plongée dans le noir complet. Impossible de voir où je vais, d’où je suis venue. Les mains tremblantes, je sors mon couteau de ma poche et le tiens tendu devant moi. Un pas après l’autre, je me rapproche de la source du bruit. Tout à coup, toutes les portes du couloir se ferment en claquant, comme poussées par le vent. Je me retourne, tourne sur moi même, ne sachant pas comment me placer. J’ai le souffle saccadé et mon front dégouline de sueur. Je me sens si vulnérable, seule, dans le noir, à la merci de n’importe qui.
Soudain, une main s’abat sur ma bouche avec violence et je ne peux que lâcher un cri étouffé. Je me débat avec énergie, je hurle, je mors mais l’inconnu ne lâche pas prise. J’essaie de me tourner, de lui marcher sur le pied mais il est beaucoup plus grand et beaucoup plus fort que moi. Dans un geste désespéré, je lui plante le couteau dans le bras de toutes mes forces. Je sens la lame s’enfoncer dans sa chair et ses muscles se détendre. Pris par surprise, il me lâche. Je le pousse sur le côté et je cours le plus vite possible dans la direction opposée.
« A l’aide ! Astrid ! Yashim ! Aidez-moi ! »
Je suis à bout de souffle et je l’entends me poursuivre, à quelques mètres. Je me dis que tout est fini lorsqu’une porte s’ouvre à ma gauche et que je vois Yashim me tirer avec force à l’intérieur de la chambre.
Je me laisse tomber par terre en sanglotant, les épaules secouées de frissons incontrôlables. Marine referme la porte et la bloque avec une table. Mon poursuiveur continue de tambouriner contre la porte avant d’abandonner. Yashim et Astrid s’accroupissent et me regardent d’un air grave. Je prend le temps de reprendre mes esprits puis je lève les yeux vers Astrid et balbutie :
-Tu… tu avais raison… je suis désolée, on… on aurait du quitter cet hôtel au plus vite, comme tu l’avais dit… je suis vraiment désolée… tout est de ma faute…
-Tu ne pouvais pas savoir, Orianne, tu n’y es pour rien. On s’est tous fait avoir.
-Mais pas toi ! On aurait du t’écouter… au lieu de passer du bon temps ici, à ne voir que ce que l’on voulait voir…
-Qu’est ce qui s’est passé exactement ?
Je leur raconte tout, le couloir, les pas, les veilleuses, le couteau… Tout.
A la fin de mon récit, un silence de marbre nous enveloppe. Marine finit par lâcher d’une petite voix :
-Mais qui cela pouvait-il bien être ?
Je hausse les épaules.
-Je n’en sais rien… Un fantôme, un psychopathe, un autre aventurier… Peu importe, le seul truc à savoir c’est qu’il faut quitter cette pièce dès le matin.

Après ce qui s’est passé, le sommeil est difficile pour tout le monde. Nous organisons des tours de garde pour les quelques heures de nuit qu’il reste. Celles-ci passent à une lenteur effroyable.
Enfin, le jour finit par se lever. C’est la boule au ventre que nous remballons nos affaires. Vient le moment d’ouvrir la porte.
Yashim, un vase à la main, Astrid une batte de base-ball, Marine un oreiller et moi mon inséparable couteau, nous nous préparons à sortir. Nous ouvrons la porte d’un coup et c’est groupés que nous avançons dans le couloir. Une chambre ouverte attire mon attention. J’y jette un coup d’œil et décampe aussitôt. Le sol, les draps, et les murs sont maculés de sang. Je garde ma macabre découverte pour moi. Inutile de préciser que cela aurait été notre destin si nous ne nous étions pas enfermés cette nuit.
Nous progressons prudemment, sursautant au moindre bruit, regardant derrière chaque rideau, chaque coin de porte. Sans avoir aucune idée de ce que nous cherchons. J’ai le souffle court, je me sens oppressée, étouffée. Qu’est ce que je donnerais pour sentir de l’air frais sur mon visage, ou seulement voir le ciel par une fenêtre ! Mais rien. Juste une enfilade de pièces imposantes, illuminées mais à l’atmosphère si pensante ! Des murs épais, sans ouverture, des miroirs, des rideaux de velours, des tapisseries aux graphismes lourds…
Je commence à comprendre le malaise d’Astrid face à cet hôtel. Tout est fait pour nous attirer, nous mettre en confiance mais à y regarder de plus près, chaque détail est excessif. Les murs sont trop brillants, les plafonds trop décorés, les meubles trop parfaitement ajustés… La musique trop entêtante me bourdonne dans les oreilles et me donne mal au crâne. Je crois que je ne survivrai pas à une nouvelle nuit ici.

Cela fait bientôt deux heures que nous marchons et j’ai l’impression de tourner en rond. Marine à beau marquer d’une croix rouge chaque mur à côté du quel nous marchons, nous semblons toujours revenir à notre point de départ.
-Mais enfin ce n’est pas possible ! S’écrie Yashim alors que nous passons pour la troisième fois dans la galerie des glaces. Le Château nous joue des tours, nous n’arriverons jamais à sortir de ce maudit hôtel, nous ne retrouverons jamais Romain, nous ne reverrons jamais notre famille !
Il se laisse tomber au sol et se prend la tête entre les mains.
-Allons, il ne faut pas perdre espoir, nous finirons bien par sortir, assure Astrid.
Mais mes nerfs finissent eux aussi par lâcher. D’un mouvement rageur, j’attrape la batte de base-ball récupérée par Astrid et je frappe de toutes mes forces sur les murs, sur les miroirs, sur les lustres et les verres en cristal. Je casse tout ce que j’ai sous la main, je renverse, je brise, jusqu’à finir hors d’haleine. Je m’essuie le front du revers de la main et reprend mon souffle. Je me sens déjà mieux.
Mes compagnons me regardent les yeux écarquillés. Je n’avais pas remarqué que j’avais fait autant de bruit.
-Wow, lâche Marine.
Je marche sur un bout de verre brisé qui crisse sous mon pied. Le sol en est jonché.
-Joli travail.
Yashim semble sortir de sa torpeur. Il se lève et arpente la pièce en fronçant les sourcils. Soudain, il s’arrête.
-Ce mur n’était pas comme avant, vous ne trouvez pas ?
-Normal, Orianne est passée par là, ricane Astrid.
-Non sérieusement, venez voir.
Nous nous approchons. En effet, la pellicule dorée qui le recouvrait il y a quelques minutes se décolle, révélant un dessous en brique empilées les unes sur les autres qui ne semble pas bien tenir. D’un geste prudent, il en retire une. Une source de lumière semble jaillir du trou. Comme rien d’inquiétant ne semble se produire, il en retire une seconde, puis une troisième. Astrid vient l’aider.
Ils finissent par dégager un espace assez grand pour qu’on puisse voir ce qui se tient derrière. Je laisse échapper un cri de stupeur. Une fenêtre ! La seule que nous ayons vue dans tout l’hôtel, emmurée pour pas que nous la trouvions. Et à travers, le ciel.
-Vous pensez que c’est…
-C’est évident.
-C’est peut être un piège.
-Ou peut être pas.
-Je m’en fiche, si je dois mourir, je veux que ce soit hors d’ici.
-Quel optimisme !
-Oh c’est sûr que j’ai de bonnes raisons de me réjouir !
-Tu pourrais au moins faire un effort…
-Bon alors on fait quoi ?
-On se taille par là.
-Ça convient à tout le monde ? Bon, Orianne on a besoin de toi.
Je défonce la fenêtre à coup de batte. Le verre se brise et l’air frais nous saute au visage.
-Bon maintenant que tu t’es bien amusée, je peux reprendre mon jouet ?
Je rend la batte à Astrid en riant. Yashim jette un coup d’œil à l’extérieur.
-Il n’y a rien en dessous. A part du vide.
-Super.
-Écoutez, c’est notre seule chance alors la question ne se pose même pas.
-Bon, soit. Qui saute en premier ?
Astrid s’approche d’un air résigné.
-Je veux bien y aller. Enfin, on a pas le choix, quoi.
Elle s’assoit sur le rebord de la fenêtre et pâlit. Ses pieds se balancent dans le vide et elle paraît si petite tout à coup.
-Si… si jamais on ne se revoit plus…, dit-elle d’une voix tremblante, je voulais que vous sachiez que je vous aime. Vous m’exaspérez parfois, surtout toi Marine, mais je ne sais pas ce que j’aurais fait sans vous. Alors merci…
Elle a les yeux brillants de larmes.
-Calme-toi princesse, je suis sûr qu’on se reverra très vite, sourit Yashim.
Elle rougit, s’essuie les yeux et inspire un grand coup. Puis elle saute. Sans un bruit, sans un cri, rien. Je ne la quitte pas des yeux durant sa chute, elle tombe lentement, légèrement, si légèrement qu’elle semble presque voler. Enfin, elle disparaît.
Puis vient le tour de Marine, puis de Yashim, puis le mien. Je regarde une dernière fois derrière moi, ce qui m’ôte l’envie de rester. Même si l’inconnu me fait peur, il ne peut pas être pire que cet endroit. Avec le vent, un rideau se met à claquer et me rappelle que je ne suis pas seule ici. Je ne veux pas laisser une chance à l’autre de me retrouver. Jamais.
Alors je ferme les yeux et je saute.

Autrice : la p’tite moustache, sous le pseudo « la p’tite moustache »

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