Mission 1
Explorateur : Alix Levillain, Recruteur du Château.
« Bonjour. Je m’appelle Alix Levillain et je suis recruteur. »
Je sors du Téléporteur. Salle vaste et éclairée, tapissée de coins sombres et obscurs. Quelques stands de tirs ici et là, et partout, partout, sur les murs le plafond le sol les étagères les chaises les meubles, partout, des armes. Arbalètes et arc, carrés lames de poignard manche de shuriken, épée double ou à double-tranchant, sabre et lance.
Ombre mouvante.
Je bondis.
« Je suis ici pour une seule et unique raison. »
Les mots sortent de mes lèvres automatiquement. Bruits et sons qui s’entrechoquent, vacarme dans ma tête. Je les ai répétés tellement de fois au cours des années qu’elles ont fini par en perdre leur sens. Rituel imprégné de cris et de hurlements. Aujourd’hui, pourtant, c’est le silence. L’action s’est déroulé en quelques secondes à peine, le combat gagné grâce a un effet de surprise efficace et à une volonté froide. Malgré ses talents, elle ne fait pas le poids.
« Je suis en mission. »
Écho. Pause.
Je regarde la jeune fille en face de moi. Grande, svelte, indubitablement elfe. Cheveux vénitiens, mèches étincelantes dans la pénombre, queue de cheval parsemée de minuscules tresses. Yeux en épi, bridés, noirs avec des reflets d’améthyste. Une lueur qui s’allume et s’éteint, qui clignote qui s’excite. Une dernière lueur d’intelligence y combat le sommeil qui peu à peu l’envahit. Bouche en cœur, entrouverte dans un cri de surprise et d’étonnement. Déni.
« Je suis venue te recruter. Je t’ai donné le choix. »
Ma voix n’est plus la mienne.
De hautes bottes en cuivre, lacées avec des cordelettes brunes. Une robe-tunique lui descend jusqu’au bas des cuisses, s’arrêtant au niveau des genoux en des jupes à volants mauve, pourpre et or. Relié à la taille par des rubans mêlant satin avec maille de fer. Un fourreau tissé et usagé, vide. Un sachet de lavande, une clé et son trousseau. Une épaule dénudée, l’autre recouverte d’une épaulette en métal. Une cape rosâtre, gisant à ses pieds, cordon dénoué, enveloppe une épée rouillée. La manche droite serre le membre de la jeune fille, suivant son bras jusqu’au bout de sa main, où elle se glisse entre deux doigts.
« Tu as choisi. »
Spectacle macabre.
Phalanges brisées, plaies béantes sur les bras, cicatrices en travers du visage. Nez cassé, pommette violette-bleutée. Jambes pliées dans une position fœtale, degré de douleur inconnu. Omoplates et côtes fêlées. Cœur qui bat à cent à l’heure, puis à quatre-vingt, soixante. Sang qui coule et qui s’écoule, dans ses veines et hors de ses veines. Blessures ouvertes, d’autres invisibles. Corps en lambeau.
« Oubli ton passé. Oubli tes rêves, tes peurs, tes souffrances. Tu as vendu ton âme au Maître du Château pour l’éternité. » Souffle murmuré à l’oreille, promesse ou constat ? Conseil ou ordre ?
« Ferme les yeux. Dors. » Ses paupières s’abaissent. Les fenêtres se closent. Affaissement.
Je prends la Maître d’armes dans mes bras. Ainsi, elle est légère comme une plume.
Je m’avance vers le Téléporteur. Un pas, puis l’autre.
Un petit saut et je suis arrivé. Me revoilà au Bureau, prêt à recevoir les ordres du Château, tel le Recruteur-Subterfuge que je suis.
Yeux fixes, regard au loin. Expression impassible.
Tel est mon sort, telle est ma vie.
Autrice : Enfant des Mers, sous le pseudo « Enfant des Mers »