Amayelle et Shvimwa
Nous sommes dans une pièce ronde. Dit comme ça, ce n’est pas très descriptif, mais je n’ai pas le cœur de penser à la pièce. Les révélations d’Immanuel tournent encore et encore en moi. Comment mon maître a t’il pu me mentir? Et si le prophète dit vrai, seul Ignis est mon frère? Je me retiens de fondre en larmes devant Shvimwa. Je ne veux pas qu’elle croie que je suis faible. Déjà qu’elle n’était pas très enthousiaste, à l’idée que nous fassions route ensemble, la moindre larme lui servirait de prétexte pour nous fausser compagnie.
La pièce est ronde. Un lustre éclaire faiblement la pièce. Quelques bougies mourantes dessinent des ombres changeantes sur les murs verts. Un arbre magnifique est au centre de la pièce. Il brille, à la lueur des bougies. Un éclat d’or attire mon attention. Immanuel souffle à mon oreille, tandis que Shvimwa tourne sur elle même pour évaluer les dangers de la pièce.
-Je ne crois pas ce cet arbre soit un vrai.
-Pourquoi?
-C’est une reproduction, un faux. C’est une sculpture.
Ce dernier mot m’est étranger, mais je fais mine d’avoir compris. Je m’adosse au mur, pour faire le vide dans ma tête. Aussitôt, je touche une matière douce. Je me redresse, surprise. Le prophète sourit.
-C’est de la mousse.
-C’est vivant, ça?
Il n’a pas le temps de me répondre. Le mouvement brusque de Shvimwa nous fait tourner la tête en même temps, par instinct. Je me tourne, pour faire face à l’inconnu, qui vient d’entrer dans la pièce.
Personne ne parle. Le silence est pesant. Je comprends le désir de Shvimwa de laisser l’homme se présenter, mais ma curiosité l’emporte.
-Qui… êtes vous?
Une vois rauque, d’homme nous répond. Dans la pénombre, il est difficile de distinguer ses traits. Il me semble qu’il est brun. Ses vêtements sont simples, mal entretenus, un barbe de plusieurs jours lui mange le visage. Ses yeux brillent d’intelligence, mais je n’arrive pas à voir leur couleur.
-Je m’appelle Rehane. Quel est votre camp?
-Résistants.
Shvimwa a raison. Autant mettre les bases tout de suite, et ne pas se faire passer pour celui qu’on n’est pas. Le silence revient de nouveau. Je le brise, tandis que le main d’Immanuel se glisse dans la mienne.
-Je m’appelle Amayelle.
-Je suis Immanuel.
-Shvimwa.
Il fait un pas. Moi aussi, mais Shvimwa me bloque. Elle murmure.
-Te fais pas tuer maintenant, petite…
Rehane fait un autre pas. La main de Shvimwa tremble sur sa garde.
-Je suis… résistant, également. Qu’est ce qui me prouve que je peux vous faire confiance?
-Qu’est ce qui nous prouve qu’on peut vous faire confiance?
C’est sorti, comme ça. Cet homme doit avoir au moins trente ans. Nous ne faisons pas le poids en corps à corps, mais je peux toujours utiliser ma magie.
Il rit d’un rire sans joie.
-Vous avez raison, jeunes gens. Qu’est ce que des enfants font ici?
Immanuel s’avance. Son apparence paisible, de non combattant, trouble Rehane.
-Je suis prophète. Mon rôle est de rendre pure l’âme du Château.
Il ricane.
-Bon courage… Personne ne peut vaincre le Château, ni le rendre meilleur. Sauf peut être… Non, c’est bien trop… Je ne peux pas vous faire confiance.
-Je sais que les Étoiles te parlent.
Rehane sursaute violemment, tout comme Shvimwa. Les deux hommes commencent à se tourner autour, lentement.
-Comment sais tu que…
-Je suis prophète. J’ai entendu ta détresse. Je sais que tu cherches les Élus. Et tu as de la chance… Une se trouve devant toi.
Il se tourne vers Shvimwa et moi, ne sachant laquelle de nous deux l’est. Shvimwa s’avance, arme à la main, prête à se défendre contre l’homme. Il s’exclame.
-Je ne peux pas te croire, Emmanuel… C’est un piège!
-Immanuel. Et ce n’en est pas un. Je n’ai qu’une parole.
Rehane se raidit, et porte les mains à sa tête, comme en proie à une intense douleur. Ses yeux se voilent, il tremble, puis, il redresse la tête, le visage en sueur, au bout de quelques minutes.
Shvimwa fait un pas de plus. Les deux combattants commencent à tourner en rond, lentement, tandis qu’Immanuel recule vers moi. Rehane baisse la tête, et je reconnais en lui l’attitude que j’avais avec mon maître quelques semaines plus tôt, pour lui témoigner mon respect. Je me mords la lèvre. Ne surtout pas penser à ça, surtout pas…
Il souffle, émerveillé, tandis qu’il la dévisage.
-La Prophétie… Les Étoiles…
-Qui es tu?
-Je suis Rehane.
Elle secoue la tête, agacée.
-Qui es tu? Quelle est ta vie?
-J’ai depuis bien longtemps été frère d’armes du Château. Puis, je l’ai renié, lorsque j’ai compris que ses intentions n’étaient pas justes. J’ai passé 15 ans de ma vie, dans les prisons des gobelins, parce qu’ils pensaient que j’étais contre eux. Et il y a peu, j’ai vaincu leur chef. Je suis enfin libre.
-C’est quoi cette histoire de prophétie?
Le ton est moins tendu. Dans la voix de Shvimwa, je décèle aussi du respect, probablement à cause du fait qu’il a combattu le Château 15 ans, alors qu’il pouvait se rallier à sa cause, pour ne plus souffrir. Je m’y connais plutôt bien, puisque les intonations de voix de mes frères et sœurs étaient différentes, lorsqu’ils s’adressaient à Abnar, car ils lui parlaient avec respect. Mais, est ce qu’il s’appelle vraiment Abnar?
Goût amer dans ma bouche. Ne pas y penser, ne pas y penser.
Il murmure.
-Je préfère t’en parler après, loin des oreilles indiscrètes.
-Pourquoi moi ?
-Parce que tu es l’Élue.
-Je m’en fous d’être l’élue ! Ce qui compte pour moi, c’est de retrouver ma sœur !
-Ca tombe bien, elle est sur ma route. Je dois retrouver les trois enfants de la Prophétie, soit toi, ta sœur, et ton frère.
-Bien. Je vais te suivre.
-Je te parlerai de tout ça lorsque nous serons seuls.
La confiance règne… Mais je comprends son désir de ne pas divulguer le… secret.
Je demande.
-Du coup, l’idée, c’est que vous fassiez route ensemble, et qu’Immanuel et moi, on continue de notre côté?
-Oui.
Shvimwa s’avance vers moi. Elle souffle à mon oreille, pour que je sois seule à l’entendre.
-On se reverra, gamine… Et bonne chance, avec ton mentor… Ne le laisses pas gagner…
-Merci…
Elle s’écarte, puis s’approche de Rehane. Avant que nous repartions dans une discussion trop compliquées, ils sortent tous deux par la porte, en nous jetant un dernier regard. Je me tourne vers Immanuel. Il m’embrasse, et murmure.
-On y va?
-On y va.
Oubliées les règles, comme quoi seul un Maître magicien peut faire un vortex, et encore moins que ça doit être un endroit connu. Je regarde une dernière fois l’arbre d’or. Je nous téléporte, loin d’ici, en priant pour que la pièce suivante ne soit pas dangereuse. Lourde erreur.
Autrice : Jécrivaine, sous le pseudo « Jécrivaine »
Ce texte s’apparente à une fanfiction. Certains de ses éléments sont relatifs à l’univers de la série Les Chevaliers d’Emeraude, écrite par Anne Robillard. |