Folly
Shplumpf. C’est à peu près le bruit que fait mon corps visqueux en atterrissant dans cette nouvelle pièce. Là, je suis vraiment bêrkbêrk. C’est répugnant. Une glu verdâtre me recouvre presque entièrement. C’est à vomir.
Je regarde autour de moi. Mon vœu c’est réalisé. À moins que ce tuyau ait pour but de motiver les gens crades pour les forcer à aller à la douche. Je n’en sais rien, mais l’hypothèse est à creuser. Pour l’instant, je sais juste qu’il faut que je me lave.
La pièce est grande comme un vestiaire de collège. Sur les murs sont alignées des douches et des étagères remplies de bocaux de savon, de shampooing et de parfum. Sur chacun d’eux, il y a une étiquette avec marqué dessus des indications très étranges, telles que le nombre de bulles optimales produites au millilitre, la température à laquelle l’odeur atteint son climax et le bien-être qu’il nous procure sur une échelle de un à cinq.
Leur odeur en elle-même est étrange. Il y a pin, bubble-gum, barbapapa, mer, grand Nord, tapis, grenier, amitié, livre ouvert, amis en sortie, clim ou bien encore aventure. Je choisis un savon au grenier et un shampooing à la pluie, tous deux très odorants, mousseux et relaxants. J’aime ces odeurs.
Je fais chauffer l’eau, me déshabille et me glisse sous le jet, pas trop fort ni trop doux. Mes cheveux sont tellement gras que je ressemble à une frite bien huileuse… beurk… Je masse doucement, les yeux fermés, laissant chaque centimètre carré de mon cuir chevelu s’imprégner de cette sensation. L’odeur monte en moi, tellement réelle… Je me vois, en train de lire l’encyclopédie dans mon grenier tandis qu’il pleut… J’ai la chaire de poule. Un boule me noue la gorge. L’eau s’écoule à mes pieds, emportant la traces des horreurs que j’ai vécues. Si seulement j’avais compris plus tôt que le Château ne voulais le mal de personne, que ce sont les aventuriers les premiers qui sont rentrés dans ses entrailles pour le manger à petit feu, qu’il ne fait que se défendre, tout ça aurait été évité… Et si j’avais essayé de le faire comprendre à Sakura, elle serait avec moi en ce moment même… Une larme de tristesse roule. Ça me fait du bien de pleurer. Tous les sentiments s’enchaînent avec une rapidité déconcertante. Joie, colère, tristesse, haine, dégoût, dédain, faiblesse, mauvaise humeur…. Je ne sais plus où j’en suis… Enfin si, dans une pièce, mais bon… dans ma tête, où en suis-je réellement? À un stade de Folly avancée… Je glousse. Il faudrait créer une maladie mentale rien que pour moi… Un mélange amusant de ce qu’il y a de pire pour un cerveau…
J’augmente la température jusqu’à quarante huit degrés, jusqu’à ce que je sente ma peau se craqueler sous l’effet de la chaleur et que la douleur me donne la nausée, puis, brusquement, je redescends à huit. Soulagement. L’onde de froid se repend dans tout mon corps. Je remet à température normale et recommence à frotter les yeux fermés en augmentant la dose.
Huuuum… ça me déteeeeeeennnd, mais alors à un point inimaginable. Où en est Sakura? Les autres, je m’en fout. Robin est «immortel», Dae n’est qu’une enfant, qu’elle meure vaudrait mieux pour elle, mais Sakura? Si fragile et pourtant si forte… Avec cette volonté d’aller de l’avant, et ce mélange d’altruisme et d’égoïsme qui lui a permis de rester vivante jusque là… Où en est-elle?
J’ouvre les yeux.
C’est… c’est magnifique… La pièce entière est remplie de buée et de bulles multicolores. Mais le plus fantastique, c’est qu’une bruine tiède pleut dans la grande salle de bain. Le sol est recouvert de poussières et un timide soleil imaginaire darde quelques timides rayons sur les étagères. Je souris. Les bulles sont toutes différentes, que ce soit en taille ou en couleurs. S’en est trop pour mes yeux… Tant de beauté de la part du Château, c’est…
J’arrive Château…
J’attrape une serviette, me frotte énergiquement et cherche mes vêtements. Ils ont disparus. Oh non non non non non. Je sens venir les problèmes… Ah non, ils ont juste étés remplacés par de nouveaux habits. Un pantalon de cuir brun, une chemise pourpre, des bottes montantes et des gants noirs et une cape gris nocturne. Je les enfile vite, me parfume au livre neuf puis je sors de cette pièce par une porte en bois de hêtre massif.
J’arrive Château, ne bouge pas, j’arrive…
Autrice : Sakura en sucre, sous le pseudo « Sakura en sucre »