Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE AUX LUCIOLES
LA PIÈCE AUX LUCIOLES

LA PIÈCE AUX LUCIOLES

Aifé Glaciem

Pourquoi est ce que j’ai peur ?

Ces mots résonnent en moi. Pourquoi est ce que j’ai peur du Château ? Pourtant je devrais être heureuse ! Il a accédé à ma demande, il m’a intégrée dans ses rangs ! J’ai enfin obtenu ce que je désirais après tant de sacrifices…

Peut être qu’il y a eu trop de sacrifices, justement. J’ai perdu Lia, tout comme je me suis perdue moi même. J’ai été manipulée par le Maître, tout comme il manipule tout le monde. J’ai trahis mon mentor, tout comme j’ai trahis Tamaïs.
Pourquoi est ce que pour servir le Château il ne faut avoir qu’un seul maître ? Après avoir enfin réussi ma quête, je ne ressens aucune joie, juste un goût amer dans ma bouche, un goût de tristesse, de colère, de solitude, un goût de sang, de peur, de sacrifice, de douleur, un goût de lassitude.

Est ce le lot de tous les explorateurs de se sentir seul, poignardé par la détresse, tiraillé par les émotions, tué par la fatigue, broyé par la douleur ?

Si Tamaïs était là, il me dirait que je réfléchis trop. Après tout, dans la traque, seuls les instincts comptent. Le temps de réflexion que l’on s’accorde est un temps dédié à la mort.
Mais mon aîné de 10 ans n’est plus là, et son absence se fait cruellement sentir. Peut être n’aurais je jamais du passer la porte de ce foutu château ?

Je souris avec amertume, songeant que tous les aventuriers ont du traiter de ce nom cet édifice ainsi. Peut être que je ne suis pas différente d’eux, hormis que j’ai prêté serment à l’énergie sombre de ce lieu ?

Si Lià était là, elle me tournerait autour, en me demandant ce qui ne va pas. Mais la gamine de 7 ans n’est pas ici, et je l’ai certainement perdue à tout jamais.
Me pardonnera t’elle un jour de ne pas avoir su la protéger ? J’en doute, mais je dois à tout prix la retrouver. Après tout, la mission du Château tombera à merveille. En traquant ces aventuriers, je finirai bien par trouver quelqu’un ayant vu l’enfant, non ?

J’aimerai tellement m’en convaincre…

« Tu te tortures trop… »

Sa voix… La voix de ce maître démonique qui résonne dans ma tête. Je me redresse, lentement, prostrée au sol, incapable de me relever, assaillie par mes pensées.
Je murmure, avec lassitude.

-Laissez moi tranquille…
Il n’en fait rien. Au contraire, il s’amuse de ma tristesse, et éclate d’un rire cristallin. Je ne vois rien autour de moi, les larmes brûlants mes yeux. Pourtant, je suis sûre d’être seule dans la pièce, qu’il n’est pas vraiment là.
Je me demande s’il peut communiquer ainsi, par télépathie à chacun. S’il en est capable, personne ne pourra résister à cet être maléfique empli de magie, qui peut contrôler ses armées à distance.

« Regarde autour de toi. Je ne veux pas que tu meures parce que tu n’as pas affronté le danger. »

Je fixe mes mains sans répondre. Qu’est ce que ça peut lui faire que je meure ?

« Tu as des talents guerriers. Te perdre n’a rien d’avantageux pour ma cause. »

Il lit mes pensées. Je frissonne.

-Vous… Vous n’allez pas me parler comme ça tout les jours, n’est ce pas ?

« Pourquoi pas ? »

Il éclate de rire de nouveau. Je serre les dents, irritée contre lui, dévoilant des crocs rentrés presque aussitôt. Il reprend le fil de la discussion, et je me surprend à penser que s’il avait été en face de moi, il aurait essuyé des larmes de joie.

« Il est amusant de te faire peur… Et cela me permettra d’entendre ton rapport régulièrement. »

-S’il vous plaît…

Il ne répond pas, et j’en conclus que notre échange est terminé. Je frissonne de peur. Ce salaud peut lire mes pensées, et parler avec moi par télépathie. Nom de Dieu !

Je relève la tête, toujours assise au sol.

Peut être qu’il a raison ? Peut être que je ne dois pas me laisser mourir ? J’ai deux options. Soit je meurs pour expier mes fautes, soit je vis, et je tente de retrouver Lia et de la sauver. La deuxième option me tente beaucoup plus. Le suicide lors d’un échec était encouragé dans ma confrérie, mais Tamaïs disait toujours que la mort est la solution du lâche. Et je ne veux pas mourir par lâcheté.

Je me relève, avec difficulté, et examine la pièce. Un champ. Un champ, comme abandonné, empli de fleurs des champs, quelques épis de blés par ci par là, des papillons de nuit voletant. Car il fait nuit.

Les murs semblent inexistants. En même, temps, l’obscurité est presque totale, et je vois à peine où mettre les pieds. Quelques étoiles brillent dans le ciel, tandis que la lune est en croissant. C’est beau, ici.

Je fais quelques pas hésitants, marchant sans but précis, juste pour avancer.

Aussitôt, s’ensuit un spectacle incroyable. Magique.

Des lucioles volent de toutes parts, emplissant la pièce. Je pourrais dire sans exagérer qu’il y en a des milliers ici. Tout plein de petites lumières vives, qui bougent, au gré d’un vent presque inexistant.

Je fais un nouveau pas. Le nombre de lucioles croit encore, et m’entourent totalement. Je suis au cœur d’une nuée de lumières. C’est… C’est… wahou.

J’éclate de rire, soudain, sans raison. Mes poumons s’emplissent de cet air chargé de paillettes dorées, et je goûte à cet air sucré, au goût de miel.

Pourquoi est ce que je me sens heureuse ? Je ne sais pas vraiment. Peut être, pour rien ? Je détresse lentement mes cheveux. L’élastique qui les retenait ne tenait à dire vrai plus à rien, et je le passe autour de mon poignet. Mes cheveux bougent lentement, tandis qu’une onde de fraîcheur joue avec eux.

Je marche, encore et encore, et à chaque pas, de nouvelles étincelles s’ajoutent à ce feu de merveilles. C’est… C’est tellement beau…

Je me sens petit à petit reprendre confiance en moi, dans cette pièce pourtant tout à fait normale. C’est vrai. Ici, aucun danger, aucun problème, aucune magie, rien. C’est apaisant, calme, tranquille, féerique.

Alors… Pourquoi le Château voulait il que j’ouvre les yeux ?

Un soupçon de doute passe en moi. M’aurait il forcée à me relever pour que je profite de ce magnifique spectacle ? Voulait il me voir heureuse ? Ou voulait il simplement que je continue de le servir ? Je ne sais pas vraiment…

J’ai la sensation d’avoir été manipulée. Mais curieusement, ça ne me gêne pas.

C’est armée d’un nouveau courage que je décide de quitter cette pièce. Je retrouverai Lià. Je combattrai Néo. Et tout ira bien. Le reste, je m’en moque.

Je m’enfonce dans le sol, après avoir regardé une dernière fois cette nuée d’étoiles, étincelant dans le ciel, telles des diamants… Un goût sucré envahit une dernière fois ma bouche. Je ferme les yeux, tandis que je ne fais qu’une avec la matière, tandis que je m’enfonce dans ce sol de terre meuble, par la seule magie reptilienne.

« Merci… »

Sa voix… Sa voix à Lui me répond. Il est comme… Amusé…

« De rien. »

Autrice : Jécrivaine, sous le pseudo « Jécrivaine »

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