La Chatte qui Pêche as La Chatte qui Pêche (ou Poussière d’Étoile)
La galerie de souris n’était pas très longue. Nous nous retrouvâmes bientôt dans une pièce qui me rappela tout à coup que je ne dormais plus depuis plusieurs jours, que j’étais affamée et que la crasse qui me recouvrait avait rendu ma peau de la même couleur de mes vêtements (gris foncé). Nous étions arrivées dans une confortable chambre d’hotel, avec des lits moelleux, de la moquette partout, un frigo dans un coin et une porte qui faisait apercevoir la salle de bains.
« C’est super! » je m’écriai, et avec un dernier sprint je me lançai sur le plus petit lit, juste à ma taille. Esprit s’affala sur un joli fauteuil rouge. Elle n’avait pas de corps solide, mais nos récentes péripéties devaient l’avoir fatiguée, elle aussi.
« Je n’arrive pas à y croire! » dit-elle « Le Château, nous offrir une pièce comme ça! »
Sa phrase me fit effectivement songer que c’était vraiment très étrange de la part de notre plus grand ennemi. Mais pour l’instant j’étais bien trop fatiguée pour y penser. Je regardai Ara se tisser une toile d’araignée dans un coin et je ne tardai pas à sombrer dans le sommeil.
Quelques heures plus tard, à mon réveil, Esprit m’annonça un peu contrariée qu’il n’y avait pas de porte pour sortir et que celle par où on était arrivées avait disparu. Cependant, je ne fus pas fâchée du repos forcé. Je pus enfin reprendre des forces. Je remplis mon sac à dos d’objets trouvés dans la chambre, comme des nouveaux vêtements, des boîtes de conserves, et autres choses. Ara tissa des cordes avec son fil. Avec Esprit, on utilisa quelques pages du cahier du Père Noël pour faire le récit de nos dernières aventures. Mon amie se débrouillait très bien pour dessiner des scènes comme notre rencontre avec les Limpimpims, ou la tempête de feuilles qui avait failli m’emporter.
Aucune de nous deux ne remarqua la petite ombre qui s’était tapie sous un lit et qui nous observait depuis le début.
Un matin, peut-être une semaine après notre arrivée dans la chambre, une porte apparut dans un mur. Elle donnait sur un couloir sombre, au bout duquel on apercevait de la lumière.
« Tiens, me dit Esprit, tu n’entends pas un bruit venir de là-bas ? »
Je tendis l’oreille.
« On dirait une foule qui acclame. Ils scandent des noms. »
Une foule. En regardant la chambre, je me rappelai ce qu’on m’avait raconté à propos des amphithéâtres des antiques Romains. Les gens qui étaient sacrifiés étaient traités comme des privilégiés, la veille des jeux. Un frisson me parcourut.
« Esprit, je pense qu’on ne devrait pas prendre cette porte. Il faut trouver un autre moyen de sortir. »
À peine ces mots prononcés, la pièce commença à rétrécir. Les murs se rapprochaient de nous à toute vitesse. On n’avait pas le choix. J’attrapai Ara et mon sac, et nous nous retrouvâmes dans le couloir. Je me rendis compte avec horreur des noms que la foule scandait : « Pous-sière ! Es-prit ! »
***
La petite ombre, masquée par l’obscurité du couloir, jura tout bas en voyant l’esprit et la fille s’avancer vers la lumière. Un instant, elle resta immobile, puis les suivit en secouant la tête.