Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA GRANDE PIÈCE BLANCHE, OU ON ASSISTE À UN AUTRE COMBAT
LA GRANDE PIÈCE BLANCHE, OU ON ASSISTE À UN AUTRE COMBAT

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LA GRANDE PIÈCE BLANCHE, OU ON ASSISTE À UN AUTRE COMBAT

Ailes d’Ange (Aile 2) as Ailes d’Ange (Aile 2)

C’était sympa de rire. Ça faisait oublier un peu les chevaux d’avant… Je frissonnai. Hyppophobique. Bien. Pourquoi ne me rappelais-je que de mes phobies ? Je revoyais encore leurs yeux rouges… Seule l’image du pégase ne manquait pas de me faire vomir. Pourquoi ? Il me manquait encore des éléments…
Sauf que nous nous arrêtâmes tout de suite de rire. Le lieu où nous nous trouvions ressemblait à un hôpital blanc et aseptisé. Enfin, un peu moins depuis que nous nous étions écrasés par terre, étalant paille et sueur sur les carreaux immaculés.
Nous ne pouvions distinguer aucun relief, tout était écrasé par la blancheur et le manque de mobilier. Il me sembla que la pièce était vide, mais je n’arrivais pas à en distinguer les limites. Si ça se trouvait, nous nous trouvions dans un espace de deux mètres carré… ou alors au milieu d’une pièce sans fin. Encore.
Jad se releva et fit quelques pas, éliminant la théorie du placard à balais. Je me relevai à mon tour. Je sentis la présence de l’Ombre, contre moi, qui m’empêchait de vaciller.
Le magicien se tourna et annonça ce que je redoutais.
« Il va falloir marcher. »
Il me sembla que mes jambes se coupèrent, et je me laissai tomber par terre. Des murmures me parvenaient de je-ne-sais-où, m’incitant à abandonner. Je déclarai, d’une voix butée :
« Je ne ferais pas un pas de plus. »
L’Ombre et Jad se regardèrent, embararssés. Jad fit :
« bon, je vais voir si je peux faire quelque chose… Peut-être un animal… un cheval..
-Ah non ! pas un cheval. Je veux pas d’un cheval. »
L’Ombre bloqua ma tête entre ses mains, et, vrillant ses yeux dans les miens, dit :
« On n’a pas le choix. Tu veux pas avancer, tu vas pas non plus refuser ce que l’on te propose. Tu monteras un cheval. Point. »
Son ton me fit l’effet d’une douche froide, et les voix dans ma tête diminuèrent.
« d’a.. d’accord… mais, s’il vous plait… pas un cheval… un pégase… »
Ils se regardèrent, et crurent que j’avais perdu la tête. C’était peut-être bien le cas, mais l’idée de monter un pégase me révulsait moins qu’un cheval. Jad ânonna quelques mots, et un équidé apparut. Blanc, comme la pièce, avec deux grandes ailes. Il rua, avant de s’arrêter devant moi. Il se pencha, plaçant sa tête en face de la mienne. Je l’attrapa, et plissa les yeux.
« tu fais quoi ?
-Je veux voir à quoi je ressemble. »
L’Ombre leva les yeux au ciel.
« Ce n’est pas le moment. Tu fais peur à voir, tu as une tête de déterrée. On ferait mieux de se mettre en route. »
Et avant que je puisse protester, Jad me souleva et me posa sur la croupe du pégase. Je serrai les dents et m’accrochait fermement à sa crinière.
Puis il se mit au pas, au même rythme que mes coéquipiers.
Et un grand silence s’installa. Du moins en apparence. Car dans ma tête, les voix avaient repris, chuchotant des phrases sans sens pour moi. Ma blessure pulsait doucement. Je la sentais sur ma joue, mais elle ne me faisait pratiquement plus mal.
Le temps semblait s’étirer à nouveau. Il me sembla que le château avait décidé de nous faire mourir de faim ou d’épuisement. Ma main glissa dans ma poche et saisit le seul objet qui s’y trouvait : la pièce d’Emmanuel. Je la sortis et l’examina. Puis je la fis tourner entre mes doigts, regardant la lumière s’y refléter.
Soudain, au bout d’une heure, ou deux, voire plus, je n’en savais rien, la lumière vacilla. Elle grésilla, variant d’intensité, avant de redevenir normale. Je fronçai les sourcils.
Nous nous regardâmes, intrigués, vaguement inquiets.
Mais il ne servait à rien d’attendre, et nous reprîmes notre avancée.
Lorsque l’incident se répéta, le pégase s’arrête, et mes compagnons aussi. Avant que l’un d’entre nous ne puisse prononcer un mot, la lumière changea à nouveau. Elle oscilla, et quand elle redevint égale, le blanc devant nous n’était plus uniforme. Il était brouillé par endroit, comme une télé qui ne capte rien.
Puis les formes se stabilisèrent un peu, et nous pûmes discerner ce qu’il se passait.
Il me sembla que l’on voyait ce qu’il se passait ailleurs, car devant nous, des silhouettes étaient assises dans différents fauteuils.
Elles étaient une douzaine, autour d’une autre, plus grande. Plus effrayante. Lorsque celle-ci parla, un frisson d’effroi me parcouru, et les voix s’amplifièrent.
C’était le château, incarné sous forme humaine. Qui combattait d’autres explorateurs.
« Les décennies passent, et pourtant il se trouve toujours des explorateurs pour s’aventurer entre mes murs. Toujours les mêmes imbéciles arrogants qui sont convaincus qu’ils parviendront à s’en tirer. Pitoyables. Qu’ils explorent une, dix ou vingt pièces n’a pas d’importance. Tous finissent par mourir ou par perdre la raison. Aucun aventurier ne m’avait jamais échappé. »
Une vision s’imposa dans mon esprit : celle du couloir, avec les aventuriers morts, ou presque.
L’image eut des ratés, et nous ne distinguâmes plus rien, juste une sorte de brouillard devant nous.
Lorsqu’elle redevint visionnable, les aventuriers étaient en train de combattre des harpies. Soudain tout bougea.
Et nous nous retrouvâmes au milieu de l’action. Nous étions au centre de l’action, tous évoluaient autour de nous, dans une grande pièce qui se superposa à la notre.
Heureusement, Jad nous fit rapidement comprendre, par des gestes car un boucan infernal nous empêchait de parler, que nous ne pouvions pas être touchés, nous voyions seulement. Et nous n’étions pas vus.
Je m’en aperçus quand un jeune homme à l’épée dorée se jeta sur moi, et me traversa sans le moindre mal, pour transpercer un gobelin derrière le pégase.
Nous n’étions que spectateurs invisibles et intouchables.
Et impuissants.
Je ne savais pas ce qu’il se passait, mais aucune action ne nous était possible. Nous ne pouvions nous déplacer, ni parler.
Juste attendre.
Je me laissai happer par ce que je voyais.
Au début, les aventuriers étaient débordés, affaiblis. Mais rapidement, ils trouvèrent une parade à chaque attaque, un ordre dans la tactique de l’ennemi.
Et quand le château reprit sa forme humaine, mon regard s’y trouva aimanté. J’étais incapable de me détacher de cet être.
Chaque fois qu’il regardait dans ma direction, même si ce n’était pas moi qu’il voyait, les voix me transperçaient un peu plus.
Puis, tous les aventuriers attaquèrent en même temps.
Pour moi, l’instant dura une éternité.
Je vis le château tourner sur lui-même, pour faire face au nain, que j’avais remarqué par son efficacité face aux monstres. Une voix retentit dans ma tête. Sa voix.
« Toi, le nain, je n’en ai pas fini avec toi. Je t’envoie quelqu’un que tu ne pourras pas vaincre. »
Ce ne m’était pas adressé, mais je l’avais quand même entendu.
Un flash se produisit devant mes yeux, m’éblouissant un instant de la vision d’un guerrier noir, sans armure ni arme, mais si menaçant.
Ça ne dura qu’une seconde, mais cela suffit à me glacer le sang.
Et alors qu’il disparaissait, le jeune homme à l’épée d’or lança son arme, qui s’effaça en même temps que le Château.
« tu rêves »
Cette phrase ne m’était à nouveau pas destinée. Pourquoi l’entendais-je ?
L’espace devant moi se brouilla.
Un éclat doré attira mon regard.
En face de moi, à quelques mètres, l’épée venait de se matérialisée.
Je ne réagis pas, paralysée.
Jad hurla quelques paroles. Sûrement une formule.
Le pégase se cabra, m’éjectant, et recevant la lame en pleine poitrine. Il disparut, le sortilège était rompu. L’épée tomba par terre avec un bruit métallique.
« Elle… elle a faillit te tuer ! »
Je ne répondis pas. Je me relevai, et avança vers l’épée.
Je la soulevai, et la regardai, la faisant tourner entre mes mains. Sur le côté, quelques inscriptions étaient gravées.
« Il va falloir la ramener à son propriétaire… »
Jad et l’Ombre me regardèrent avec des yeux ronds.
« Il faut aussi prévenir le nain de son prochain adversaire… »
Je vis une fine poussière s’envoler de la lame.
« et j’ai comme l’impression que le château va nous laisser en paix quelques temps… »
Un sourire au coin des lèvres, je glissai l’épée à ma ceinture, et me mis en route, sous les regards abasourdis de mes compagnons.
Et avant qu’ils ne puissent me demander ce qui clochait, je tendis le bras, touchant un mur. Ou plutôt, une porte. Je l’ouvris.
Dans ma tête, les voix s’étaient tues.

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