Loan
J’ouvre les yeux en sursaut. Les étoiles ont disparu. L’homme aussi. J’ai oublié son nom. Ce n’était pas tout à fait un homme non plus… Je secoue la tête et regarde autour de moi. Il y a … des livres. Des dizaines, centaines, milliers, voire plus de livres. Les bibliothèques qui les supportent s’étendent et s’élèvent vers les hauteurs, si loin que je n’en vois pas le bout. Elles forment un octogone au centre duquel je suis. Il n’y a pas de porte. Seulement une sorte de colonne au milieu qui monte également.
Je m’en rapproche. On dirait une vis géante. Et on dirait… de la musique. Un son de piano qui vient d’en haut et se rapproche. Je lève la tête et mets la main en visière pour tenter de voir de quoi il s’agit. Une masse sombre se dessine. Quand elle est suffisamment nette je distingue qu’il s’agit bel et bien d’un piano. Je m’écarte pour le laisser toucher le sol. La musique s’est tue. J’ai alors tout le loisir de détailler le dispositif.
De part et d’autre de la vis partent deux branches d’un mobile, comme les bras d’une balance. D’un côté, un magnifique piano à queue. De l’autre une plateforme avec des coussins. Au bout des deux branches, deux sphères remplies de liquide bleu. Et de partout, de piles de livres en équilibre.
L’envie de grimper dessus est irrésistible. Quelle place prendre ? J’ai dans ma mémoire des bribes de partitions apprises il y a longtemps. Je prends donc place devant l’imposant clavier. Dans un glougloutement, la quantité de liquide change entre les deux bulles. Je pose mes mains sur les touches. Plaque un accord. Délie quelques notes. Enchaine. Au rythme de mes noires et de mes blanches, l’improbable machine commence doucement à tourner autour de la vis et à s’élever.
C’est… grisant.
Je me laisse emporter par les notes, déviant bien vite des souvenirs de solfège lointain. Je réalise que la mélodie que je joue est la même que chantait l’enfant. Je sursaute quand il me semble entendre chanter loin au-dessus de moi. Le mécanisme grince à ma fausse note. Je me concentre. Je dois atteindre le sommet.
Déception.
Je suis arrivé en haut. Il n’y a rien. Il n’y a personne. Juste une porte entre deux étagères d’une des bibliothèques. L’élan de mon étrange ascenseur m’emmène en face. D’un saut je suis sur le rebord. D’un pas je la franchis.