–Je ne le répéterais pas une seconde fois. Ecartez-vous. Et vous aurez la vie sauve.
Face à moi, une tribu d’Hulusus testait dangereusement les limites de ma patience. Et, avec ce qui s’était passé dans la pièce précédente, ces dernières avaient considérablement diminué. Je jetais alors mon dévolu sur un gamin à la chevelure impressionnante et, tout en pointant Mecelsen vers lui, le mit en garde.
–Je vais comptez jusqu’à trois. Si, avant cela, tu n’as pas réussi à faire entendre raison à cette bande de fous, aucun de vous ne survivra.
Une expression neutre sur le visage, le gamin me regardait comme si je venais de lui parler de la pluie et du beau temps.
–Un…
Toujours pas le moindre geste.
–Deux…
Une détermination sans faille brillant au fond de ses pupilles, le vieillard qui me faisait face, sans doute le chef incontesté de la tribu, resserra son emprise sur la canne de bois qui lui permettait de rester debout.
–Trois…
Où avais-je donc encore atterrit ? La pièce, immense et lumineuse, abritait en son sein de nombreuses chaumières dont les cheminées diffusaient un nuage gris en direction du plafond, loin, très loin au-dessus de ma tête. Partout où se posait mon regard, des Hulusus, ce peuple résidant sur la planète la plus éloignée de Ecmok, le centre de toutes choses, s’affairaient à des tâches diverses et variées. Tandis que certains se démenaient pour allumer un feu, d’autres s’occupaient du linge et du nettoyage. On pouvait aussi apercevoir une multitude d’enfants qui, sous le regard bienveillant d’un homme à l’âge oublié, tressaient des feuilles géantes d’un quelconque arbre afin d’améliorer l’étanchéité de leur cabane.
Je restais bouche bée devant ce spectacle. Ainsi donc, les récits rapportant que ce peuple se serait tenu en retrait de toute évolution, qu’elle soit scientifique, technologique ou médicale, étaient véridiques. Silencieux, je les observais un instant sans rien faire avant que de douloureux souvenirs ne se rappellent à moi. En voyant un jeune couple se tenir par la main et se chuchoter de tendres paroles au creux de l’oreille, l’image de Elemana se forma dans mon esprit. Et une rage indescriptible s’empara de moi.
Il fallait qu’elle sorte. Que je passe mes nerfs sur quelque chose afin de retrouver un semblant de calme, condition indispensable si je voulais affronter les prochaines épreuves sans commettre d’erreurs susceptibles de me mettre en danger. Je m’avançais en répandant une aura de haine et de meurtre autour de moi. Le vieil enseignant, remarquant le premier ma présence, abandonna ses élèves pour marcher vers moi. L’inconscient. Mecelsen fendit l’air autour de moi et trancha net dans la cabane près de moi, fragilisant la structure du bâtiment. Celui-ci conserva sa forme initiale un moment avant de pencher d’un côté et de s’effondrer. Le ton était donné. Même un cul-de-jatte aurait senti des jambes invisibles lui donner la force de s’éloigner le plus rapidement possible de moi. Et pourtant le vieux s’avançait toujours.
Pensait-il faire preuve de courage ? Voulait-il montrer l’exemple au reste de sa tribu ? Où peut-être pensait-il que son sacrifice suffirait à apaiser ma soif de sang ? Quelles que soient ses raisons, elles le conduisirent à sa perte.
Tandis qu’il levait une main implorante vers moi, un sourire stupide fixé aux lèvres, je fis tournoyer Mecelsen et lui tranchais la tête. Le sang gicla en un flot ininterrompu pendant quelques secondes avant que le tronc, privé de son principal commandant, ne s’effondre.
Cette décapitation sans la moindre sommation aurait dû avertir les autres villageois. Leur faire comprendre que leur seul espoir était de prendre les armes et de m’attaquer tous ensemble. Mais ils n’en firent rien. Ils se contentèrent de me regarder avec des grands yeux et de suivre un homme encore plus vieux que celui que je venais d’abattre au centre du village.
Cela ne fît que m’énerver davantage. Je voulais un combat. Me battre pour oublier tous les démons qui harcelaient sans répit mon esprit. Plissant les sourcils, j’assouplis mes épaules et suivit ces bons à rien vers leur destination finale.
Mais ce que je découvris alors me laissa perplexe. Au centre d’un cercle faits de pierre hautes de plusieurs mètres, se trouvait une porte gigantesque à l’aspect bleutée. Des nombreuses spirales, s’emmêlant et se démêlant dans des motifs complexes, en ornaient la devanture tandis que des pierres précieuses, bleues elles aussi, réfléchissaient les rayons de la lumière et donnait un aspect presque divin à cette vulgaire porte.
Tous les habitants étaient réunis autour de cette celle-ci, formant une barrière Hulususienne de protection. Mais pourquoi protéger la seule chose capable de débarrasser ces moutons qui me faisaient face du loup que j’étais ?
–Vous ne franchirez pas cette porte, étranger répondit le vieillard à ma question silencieuse. Dussions-nous y laisser la vie.
–Ça tombe bien parce que c’est exactement ce qui va se passer.
Seulement, alors que je m’apprêtais à abattre de nouveau l’un des leurs, personne ne bougea. Rien. Nada. Même le type dont j’effleurais la tête avec Mecelsen se contentait d’attendre paisiblement le coup de grâce. Cette passivité me laissa songeur et, l’espace d’un instant, j’acceptais de mettre ma colère de côté.
–Pourquoi ? Pourquoi vous ne vous défendez pas ? Pourquoi protéger cette porte ?
–Car c’est l’œuvre du diable. Derrière se trouve les pires maux de l’humanités : des démons qui sèmeraient la mort et la destruction dans leur sillage. Notre mission sacrée est de les empêcher d’en franchir le seuil. Et de les combattre si le pire devait arriver.
–Ridicule ! Vous seriez incapable d’arrêter un moustique sans une aide extérieure.
–Nous savons nous battre.
–Alors prouvez le. Affrontez-moi. Tous en même temps.
–Nous n’avons aucune raison de faire cela.
–La mort de l’un des vôtres n’est pas suffisante ? Dois-je de nouveau vous prouver ce dont je suis capable ?
–Nous vous pardonnons votre erreur. Mais comprenez que nous ne pouvons pas vous faire du mal. Seuls les démons doivent être chassés.
–Ne voyez-vous donc pas que je suis le démon que vous devez craindre !
Le vieillard eut un faible sourire à ces paroles
–Vous n’êtes rien de plus qu’un homme dont le cœur a subi mille tourments. Vous êtes simplement perdu. Mais un jour, vous finirez par retrouver votre chemin, j’en suis certain.
–Vous ne savez rien de moi.
–Vos yeux en disent bien plus que ce que vous pensez.
–Ça suffit j’en ai assez.
Je fis un pas en avant et dévisageais toutes les personnes présentes. Des enfants. Des femmes au visage baigné par l’innocence. Je poussais un soupir de découragement. Avec le temps, j’avais l’impression d’être de plus en plus clément.
–Je ne le répéterais pas une seconde fois. Ecartez-vous. Et vous aurez la vie sauve.
–Trois…
Tant pis. J’avais essayé de me montrer conciliant et le résultat avait été celui auquel je m’attendais. Alors je tins parole. J’exterminai le clan en entier tandis que Mecelsen effectuait des mouvements de va et viens ininterrompu. Pas un geste ne fût esquissé du côté des victimes. Pas un son ne sortit de leur gorge. Pas une larme ne fût versée.
Mon œuvre terminée, je jetais un dernier regard aux dizaines de cadavres qui s’entassaient à mes pieds. Comment pouvait-on atteindre un tel degré de stupidité ? Se croire investit d’une mission divine ? Protéger ce monde des démons ? Sans blague. Il y avait longtemps que ces derniers avaient pénétré notre univers. Et jusqu’à preuve du contraire, c’étaient les plus puissants d’entre eux qu’on appelait des Dieux. Secouant la tête, je m’avançais entre les restes des Hulusus et ouvrit la porte.
J’étais toujours Yubi al-Deus, Az Eros l’immortel, Babès le Grand. Et aujourd’hui, je venais de décimer un clan entier sans le moindre effort. Le château commençait à me connaitre. A me craindre. Et il avait raison. Car dans 999 991 pièces, son tour viendrait. Et le nom de Altixor le conquérant sera alors connu par-delà les univers.
Auteur : Altixor sous le pseudo « Didou (ancien Altixor) »