Pour cette pièce que nous avons rencontré
Le lendemain suivant, une fois nos sacs faits
La porte marquée de l’habituelle croix
Qui notre passage a marqué dans le bois,
Ma présentation il va falloir adapter
Car comme vous l’avez sûrement remarqué,
Là-bas les vers sont spontanément composés
Si vous le souhaitez, je vous laisse recompter,
Mais vous jure que le noble alexandrin
Emplit chaque phrase de son glorieux refrain.
Pour honorer ce vers si cher aux Anciens
Je dois le manier du début jusqu’à la fin,
Et pour que facilement vous puissiez me lire
Le modèle du théâtre en vers je vais suivre.
Mais il est temps, enfin, de lancer ce récit
Place ! Place à l’action et aux péripéties !
De haut en bas, cette pièce était d’or, ornée
Par de nombreuses Muses aux ailes déployées.
Encore, sans surprise, nous fûmes éblouis
Le temps de s’habituer à tous ces rubis,
Saphirs, émeraude, topaze et diamants
Et au peu de coût de ces nombreux ornements.
Nous restâmes un instant pétrifiés, bouche-bée
Et, vraiment, je ne pus m’empêcher de siffler.
(Moi:) Hé, j’aperçois là deux ou trois petits cailloux,
Qui dans ma poche ne pèserait pas beaucoup.
(Yann:) Lætitia ! Ta bassesse d’esprit ne voit-elle
Comme cette salle et ces sculptures sont belles !
Vraiment, tu es indigne de nous commenter
La splendeur d’un art que tu ne sais apprécier !
Nous nous dévisageâmes d’un air étonné,
Interloqué par notre nouveau phrasé.
(Ahna:) Pourrait-on m’expliquer ce que putain de c’est…
(Moi:) Que ce sort qui toutes nos phrases fait rimer !
(Yann:) Un, deux… trois, quatre…
(Moi:) Yann, qu’est ce que tu nous fait ?
(Yann:) Laisse-moi, je recompte le nombre de pieds…
(Livian:) Deux chacun, s’il n’y a que ça pour t’aider.
(Moi:) Ce jeu de mots est nul, voilà qui est certain.
(Yann:) Douze ! J’avais donc bien flairé l’alexandrin !
(Ahna:) Nous voilà prodigieusement avancés.
(Livian:) À moins que tu ne dises ça que pour rimer…
(Yann:) Jamais je ne mentirai sur un tel sujet !
(Moi:) Que de nobles valeurs tu as si bien placées !
(Yann:) Bien sûr, toi, Livian, Ahna et la poésie
C’est un ensemble par chaque Muse maudit !
(Moi:) Yann, l’art et toutes tes Muses ont beau me fixer
Je t’avouerai quand même que tu me fais chier.
(Livian:) Je confirme Lætitia : je suis contre toi.
(Moi:) Lâche, ne t’avise pas de suivre ma voie,
Sache que je ne partage pas mes avis.
(Ahna:) Je trouve ça plutôt joli, la poésie.
(Yann:) J’étais sûr que tu avais une âme de poète !
(Moi:) Que tu n’aimais pas seulement couper des têtes !
(Yann:) Pourquoi se contenter d’un simple cou tranché… ?
(Moi:) Quand en plus on peut composer une épopée !
(Livian:) Dont la malheureuse source d’inspiration…
(Moi:) Ne pourra jamais entendre le moindre son.
(Yann:) Arrêtez, arrêtez, il nous faut reconnaître…
(Ahna:) Que ce que je tranche ne peut plus se remettre,
Et s’il le fait, c’est avec des difficultés.
(Moi:) Ai-je rêvé ? As-t-elle vraiment plaisanté ?
(Yann:) Mon dieu, ce combat la dû vraiment l’affecter
Bien plus que je ne le pensais. Je crois qu’il faut…
(Moi:) Que Livian prenne exemple pour ses jeux de mots.
(Livian:) Ce n’était même pas un jeu de mots !
(Yann:) Oui mais,
J’approuve à mon tour Lætitia, tu es mauvais.
(Ahna:) Bien, vous avez fini ? Redevenez sérieux,
Cherchons plutôt la porte, puis quittons ces lieux.
Et d’un commun accord nous hochâmes la tête,
De la fameuse sortie nous nous mîmes en quête.
Nous fouillâmes la pièce, et je dois avouer
Que quelques pierres dans ma poche sont tombées,
Mais je tiens à le préciser pour ma défense
Ce n’est du vol : j’aurai eu mauvaise conscience
Et il ne me vint aucun sentiment coupable,
Titillant ma réputation très honorable.
Mais après un long moment nous nous retrouvâmes
Bredouille, et le dépit que nous en éprouvâmes,
Malgré notre gracieux langage versifié,
Nous fit jurer, maudire, et être fort grossier.
(Ahna:) Lætitia, avoue, tu as volé, je t’ai vu.
(Yann:) Un lieu si merveilleux, vraiment comment peux-tu ?
(Moi:) Je n’y peux rien je suis, gravement, kleptomane.
On ne dit rien à Yann, qui lui est… mélomane !
(Yann:) Les rimes en « mane » sont peut-être compliquées,
Mais ne justifient pas un humour si mauvais.
(Livian:) Arrêtons immédiatement avec l’humour !
Sortons plutôt, et avant la fin de nos jours !
(Moi:) Bien ! Nous te suivons, transperce donc la muraille,
A part ça, je ne vois aucune issue qui vaille.
(Yann:) Jamais ! Rôtis comme des dindes nous mourrons,
Et si ce n’est moins cuit, ce sera aussi cons.
(Ahna:) Avant d’en arriver là, nous pourrions peut-être,
D’un bon et classique coup de hache, démettre…
Avant que sa phrase elle ne puisse achever,
Nos Neuf Muses, que nous avions oubliées,
Se mirent à luire et, avec lenteur, s’animèrent.
Nous nous préparâmes à affronter ce mystère,
Reculâmes, en garde, et dégainâmes couteaux,
Forme démoniaque pour les plus rigolos,
Épée, hache et arbalète pour les classiques.
Les Muses approchèrent leurs visages esthétiques :
(Muse 1:) Nous, Muses, gardiennes des Arts et de ces lieux,
(Muse 2:) Ne vous laisserons saufs, que si un de vous peut,
(Muse 3:) Dans un des Arts démontrer un certain talent.
(Muse 4:) Nos différents domaines étant, évidemment :
(Muse 5:) L’éloquence, l’histoire, et la poésie,
(Muse 6:) La danse, la comédie, et l’astronomie
(Muse 7:) La musique, la tragédie, la rhétorique.
(Muse 8:) Sentez-vous venir une inspiration lyrique ?
(Moi:) Qu’arrive-t-il si nous venons à échouer ?
(Muse 9:) Sans scrupules ou pitié, vous serez tués.
Nous nous dévisageâmes, vaguement inquiets,
Cherchant comment nous pourrions donc bien briller.
(Livian:) Voyez que ce soit poésie, musique, ou danse
En Enfer chacun, éperdument, s’en balance.
(Yann:) Il n’y a qu’en dessin que je pourrais prouver,
Détenir une vraisemblable habileté
(Ahna:) Yann, tu es cependant notre meilleur espoir,
Ces catégories n’englobent pas mon savoir.
(Yann:) Si tu le dis, mais ça risque d’être tendu.
(Moi:) Peut-être, et peut-être, pas de malentendu,
Y a t-il une catégorie où je pourrai…
(Yann:) Quelle qu’elle soit, tu m’envoies là enchanté !
(Ahna:) Ça serait dans laquelle, de catégorie ?
(Moi:) J’ai bien un infime espoir en astronomie,
Même si mes connaissances sont dispersées,
Il y a des domaines où je peux m’en tirer.
(Muse 1:) Alors, aventuriers, avez-vous décidé
(Muse 2:) Le domaine où vos talents seront appréciés ?
(Yann:) Exactement, nous avons une volontaire !
(Moi:) Quel genre d’ami m’envoie, sans remord, me faire
Potentiellement tuer pour sauver sa peau ?
(Ahna:) Mais tu en es capable, tu es un héros.
(Moi:) N’essaies même pas Ahna, tu ne vaux pas mieux.
(Livian:) Je crois qu’on t’attend. Montre nous ton côté preux…
(Moi:) Mon unique consolation est de savoir
Que si j’échoue, les Muses feront leur devoir
Et que pendant que moi je ressusciterai,
Vous mourrez et je ne vous verrai plus jamais.
(Ahna:) Nous savons que tu n’en penses pas un seul mot !
(Muse 3:) Cessez ces palabres et hâtons nous, le plus tôt
(Muse 4:) Nous aurons commencé, le plus tôt votre sort
(Muse 5:) Sera réglé, dans la vie comme dans la mort.
Et avant que je ne puisse rien ajouter
Les neuf Muses et moi commençâmes à léviter,
Elles me firent voler si près du plafond
Que ma chute signerait ma… disparition.
Je sentis les doigts de l’angoisse se serrer,
Et ma gorge s’emplir d’une vague nausée.
Et les neuf Muses commencèrent à tournoyer
Emplissant la pièce d’une lueur dorée.
Nous plissâmes les yeux devant tant de brillance,
Leur vitesse infernale perturbait nos sens.
Yann tapa mon épaule, sans quitter des yeux,
L’incandescent ballet de ces Muses de feu.
(Yann:) Et bien Lætitia, tu nous avais donc caché
Toutes ces connaissances, j’en suis épaté.
(Moi:) Je n’étais, moi même, même pas au courant,
Mais c’est fou ce que la mort a de motivant.
(Livian:) J’ai arrêté de suivre à « physique quantique ».
(Ahna:) J’avais arrêté à « lunette astronomique ».
(Yann:) Évidemment, vous êtes de sombres ignorants.
(Moi:) Yann, tais-toi, où tu risques de perdre des dents.
Soudain, les lumineuses Muses disparurent,
Et dans le mur nous pûmes voir une ouverture.
Dès que nos yeux eurent cessé d’être ébloui,
Nous nous précipitâmes vers cette sortie,
Et d’une rapide croix elle fut marquée,
De crainte de voir d’autres dangers arriver.
Autrice : lolo, sous le pseudo « lolo »