Rehane
Je suis encore sonné après le coup que m’ont donné mes geôliers. Cela fait quinze ans que je suis en leur pouvoir mais les Gobelins n’ont pas renoncé. Il y a quinze ans… j’étais alors prisonnier du Château, après la grande et glorieuse épopée de la « Rébellion Gobeline ». Et le Château m’a gracié ! Plus que ça, il m’a appelé « Frère » ! Depuis, les Gobelins pensent que je suis un traître ! Mais comment leur expliquer que le Château et moi avons été compagnons d’armes, il y a longtemps… Aujourd’hui, du haut de mes 30 ans, je me souviens de mes batailles aux côtés du Château. A l’époque, il se nommait « T’il laï Sl’ich » enfin… selon ses dires. J’avais 10 ans quand on s’est rencontré et lui aussi… enfin, toujours selon ses dires. Avec quelques autres gamins, on survivait dans les rues de la ville de Lackfàr et il est arrivé. Il nous a dit :
« Venez avec moi, vous méritez mieux que ça ! »
On l’a suivi, on n’avait rien à perdre. De batailles en batailles, il a amassé de nombreuses richesses mais nous nous ne gagnons rien. C’est alors qu’il nous a montré son côté maléfique et il nous a demandé de le rejoindre. Moi, j’ai refusé et il m’a chassé. Mais les autres… Voyez Goerges Goëthe, il est devenu Général ! Alors j’ai rencontré les Gobelins et je les ai aidés à organiser leur Rébellion… Quand je suis revenu, gracié par le Château, tout a continué comme avant, jusqu’à ce qu’un Gobelin me « dénonce » comme traître. C’était… Dans mon esprit, c’était hier mais ça fait si longtemps que je souffre ! J’ai tant fait pour eux ! Mais j’ai reçu un message : les enfants du Voyageur sont là ! Les enfants des Étoiles, fils et filles de la Prophétie, vont venir et libérer ce monde ! Peut-être le Voyageur sera-t-il avec eux ! Ah… le Voyageur. Mon ami. Mon seul ami humain. Moi qui n’étais pas désiré, j’ai toujours haï ceux de mon espèce mais lui… il m’a redonné confiance en l’humanité. Il ne le savait pas mais… Je suis le Dépositaire ! Le Gardien de la Mémoire m’a transmis ses souvenirs, les Prophétie et le Don. Quand j’ai rencontré Astroght, quand il m’a sauvé la vie, j’ai su que ses enfants seraient ceux qui ouvriront le règne des Étoiles. Alors, pour les aider dans leur combat, il faut que je me libère et que je regagne la confiance de mon peuple, le Peuple de la Terre, les Gobelins. D’un coup de couteau, celui avec qui je suis lié et qui vient quand je l’appelle, je me libère. Il n’y a pas de gardes dans ma hutte, seulement dehors. J’empoigne mon garde attitré par derrière et lui prend sa massue en chêne et sa hache noire en Onyx. Je sors dehors, hurlant dans le Cors en corne, emprunté ( !) au garde, ma provocation :
« Frën, Chef vénéré -et vénérable- du Peuple de la Terre, je te défie ! Je te défie ! Je te défie et que ton Nom et ton Sang soient calomniés si tu me trompe ! Que les Étoiles te foudroient et que la Boue te dévore ! JE TE DÉFIE ! »
Je connais les pratiques des Gobelins, un Chef ne peut se désister, c’est pour ça qu’ils avaient pris la précaution de me bâillonner. De plus Frën est un Gobelin d’honneur, il m’écoutera. Il est le seul qui a pris mon parti durant mon Jugement, contre la volonté des Anciens…
« Rehane le Sans-Nom, Traître à ton Peuple, Frën relève ton Défi »
Et voilà ! Je vous l’avais dit, non ?
On se retrouve tous les deux sur le cercle de terre battue entourée de foin rouge, il a son sabre noir, une hache rouge de sang et deux poignards ouvragés. Quant à moi, j’ai mon couteau enchanté, une massue de chêne et la hache en Onyx du garde.
Nous sommes face à face. Flash de lumière. Adrénaline. Tout mon corps est secoué d’une vague de colère. Pour qui se prend-t-il, ce nain ? Il ne sait donc pas qu’il a affaire au Colosse d’Améthyste ? Puis soudain, un coup de hache porté à ma tempe me réveille… Je pare de ma massue puis l’abat sur Frën qui esquive et se porte sur mon flanc gauche, d’où il me porte un formidable coup de sabre. Bien sûr qu’il sait qui je suis ! Il n’a pas oublié la petite faiblesse de ma garde sur mon côté gauche ! Je recule donc, sentant ma peau me brûler, il a arraché de la chaire avec les mailles ! Frën profite de mon déséquilibre pour porter un coup de poignard dans mon ventre, heureusement j’esquive. Je feinte alors, portant un coup d’estoc sur sa droite, enchainant par un mouvement de ma massue pour me protéger, m’étant découvert. Après quelques parades et ripostes, je le cloue contre la cloison de bois, mon couteau sur sa gorge.
« Frën… Frën se rend ! »
Je le libère.
« Frën, mon Frère ! Je ne suis pas un traître ! Je veux me battre avec vous car je ne suis pas et je n’ai jamais été contre vous !
– Bien sûr, Chef !
– Qu’est-ce que tu racontes ? Il n’y a pas de Chef qui tienne ! C’est toi qui mérite ce titre !
– Frën a été vaincu, il ne mérite plus d’être Chef !
– Frën… toi seul est capable d’assumer cette lourde tâche ! Je… je sais que selon les lois du Peuple, je suis le Chef mais… je voulais juste retrouver la liberté ! C’est toi le Chef !
– Non ! Frën a perdu, tu n’y peux rien. Sous le regard des Anciens, avec l’approbation de son Peuple, Frën fait de Rehane le nouveau chef de son Peuple !
Autrice : Shvimwa, sous le pseudo « Shvimwa »