La Panthère Qui Ronronnait as La Panthère Qui Ronronnait (Chocolatiiine!)
-Bastien! Hé, Bastien, réveille-toi!
Je secouai mon ami, mais doucement. Depuis la pièce où il y avait eu un… monstre, un je-ne-sais-quoi à écailles (mais bizarrement, mes souvenirs restaient flous là-dessus), son état s’était aggravé. La blessure couvrait à présent tout son avant-bras. Comment avait-elle pu augmenter autant de taille en si peu de temps? À croire que mon coéquipier s’était retrouvé dans une autre dimension!
D’ailleurs, cette hypothèse ne me semblait pas si farfelue que ça: Bastien avait apparut soudainement à côté de moi quelques instants plus tôt, profondément endormi. Pourtant, nous nous étions précipités vers la porte en même temps, mais je m’étais retrouvée seule de l’autre côté! Bon, avec Minouchka, bien sûr.
Puis, après quelques minutes, il était tout d’un coup allongé sur le sol, tout droit sorti du néant. Depuis, j’essayais de le réveiller.
Au bout d’un moment, je renonçais: il semblait épuisé et dormait beaucoup trop profondément. Il ne restais plus qu’à attendre.
J’en profitai pour faire un petit tour dans la pièce. À vrai dire, on n’avait pas l’impression que c’était une pièce.
C’était un gigantesque hall, avec des murs et un toit en verre, et pourtant, ils étaient opaques. Des milliers de gens y circulaient, mais sans nous voir. Cela m’étonna, car une fillette de neuf ans rousse, les cheveux en bataille, un garçon de quatorze ans affalé sur un banc, en train de dormir et une chatte noire courant autour du banc en question, poursuivie par des pigeons, ne passaient pas inaperçu!
Il y avait aussi des rails. Trois rangées plus précisément. Plusieurs rails, mais aucun train. Pour l’instant.
Une petite boutique vendait des croissants, des pains au chocolats et du chocolat chaud. Je n’en pris pas, attendant que Bastien se réveille. De toute façon, je n’avais pas d’argent.
Après environ cent mètres, je m’arrêtai, pour garder le banc en vue.
À ce moment-là, un homme grand, maigre et qui semblait pressé me percuta. Je tournoyai, repris mon équilibre et me tournai vers l’homme, furieuse.
Celui-ci n’avait même pas bronché. Il avait simplement continué sa route, comme si de rien n’était.
Je lui courus après, furieuse, mais surtout pressée de le questionner sur ce qui se passait. Pourtant, après quelques mètres seulement, il avait disparu.
Il ne s’était pas simplement fondu dans la foule, il avait vraiment disparu ! Il s’était volatilisé !
Je cherchai du regard la salle immense, mais rien. Il n’était plus là.
Découragée, je décidai de rebrousser chemin pour retrouver Bastien et Minouchka.
Là aussi, une surprise m’attendait : je ne retrouvai pas le banc ! Commet était-ce possible ? Je le voyais encore quelques instants auparavant ! Avant que je percute le grand homme maigre…
Épuisée, je me laissai tomber sur le banc le plus proche. Il ressemblait point pour point au nôtre, mais mes compagnons n’y étaient pas.
Je réfléchis. En quoi la rencontre avec l’homme était-elle liée avec la disparition de mes amis ? Bon, il avaient disparu, l’inconnu aussi, mais pour moi, la ressemblance s’arrêtait là.
Finalement, je pris la décision de chercher dans la gare. J’étais peut-être un peu déboussolée, puisque j’avais encore la tête qui tournait un peu après avoir percuté l’autre, non ?
J’avais fouillé la gare entière, à ce qu’il me semblait. Pourtant, toujours aucune trace d’eux.
Je laissai ma rage éclater. C’était impossible, je ne pouvais tout simplement pas l’admettre ! Se perdre de vue dès la septième pièce, c’était trop pour moi ! Je ne pouvais pas continuer toute seule jusqu’au cachot, non ?
Ou peut-être si ? Peut-être qu’ils étaient déjà en route, me laissant seule ici ?
Je tapais de toute mes forces contre une boîte de conserve. Celle-ci alla voler jusqu’aux rails et roula plusieurs fois sur elle-même avant de s’arrêter.
Tout à coups, un train passa rapidement, comme sorti du mur, et disparut de l’autre côté. Évidemment, personne ne l’avait remarqué.
L’engin disparut de l’autre côté, paraissant se fondre dans le mur. Je regardait l’endroit où il était parti, hébétée. Comment était-ce possible ? C’était peut-être une hallucination ? Je n’avais pas beaucoup mangé depuis la pièce où nous avions pu reprendre des forces…
Mais la boîte de conserve écrasée et aplatie était bien réelle. Il fallait que je me rende à l’évidence : le train était bel et bien passé par le mur.
Je décidai donc de me tourner vers un autre problème plus difficile à résoudre : la faim. J’avais les poches vides, donc impossible d’aller chercher quelque chose à la boutique.
Pourtant, je tentais quand même le coup : le vendeur avait l’air sympa et se laisserai peut-être apitoyer…
Je m’en approchai donc. Il ne semblait pas s’apercevoir de ma présence, et je toussotai quelques fois pour attirer son attention. Rien. Je demandai : « Monsieur ? », mais il ne répondit pas. « Allez, pourquoi pas ? », pensai-je, et je pris un pain au chocolat posé sur le rebord de la vitrine.
Le vendeur ne réagit pas.
Je m’enfuis alors, la viennoiserie sous le bras, et m’arrêtai au banc le plus éloigné. Même si le vendeur semblait « zombifié », comme les autres personnes ici, je me sentais un peu mal à l’aise. Je venais quand même de voler quelque chose, non ?
Je chassai ces pensées rapidement. Je ne voulais pas me gâcher mon repas, quand même !
Je m’apprêtai à mordre dans la pâtisserie chaude, lorsque une voix dans mon dos m’interpella :
-Arrête !
Je me retournai. Une fillette de sept ans au moins me regardait de ses grands yeux gris complètement opaques. Impossible d’y lire ce qu’elle pensait.
Elle était encore plus petite que moi, avait des cheveux noirs en bataille, la peau crasseuse et tuméfiée, des habits sales qui partaient en lambeaux et pourtant, elle dégageait une impression de pureté et de grandeur.
-Pourquoi je ne devrai pas manger ? Lui demandai-je, légèrement énervée. « Je n’ai rien avalé depuis deux jours ! »
-Parce que… elle hésita. « parce que si tu manges ça, tu risque de devenir comme eux », finit-elle en me montrant les « zombies » du doigt. Je jetai rapidement le pain au chocolat dans la poubelle la plus proche. Je ne savais pas pourquoi, mais j’étais sûre que tout ce qui sortirait de la bouche de cet enfant serait vrai.
-Mais comment sais-tu ça ? Qu’est-ce que tu fais ici ? Et qu’est-ce que tu manges, alors ?
Elle ne répondit pas tout de suite. Je ne m’énervai pas, j’avais l’impression d’avoir tout mon temps avec cette fille.
-C’est que… certains gens disent que je suis différente, répondit-elle, avant de s’enfuit plus loin.
J’essayais de la retenir, mais elle était déjà partie. Je me résolus alors à attendre. Quoi ? Je ne le savais pas.
Soudain, un autre train déboula dans la gare. Il était vieux, faisaient plusieurs grincement et possédait une locomotive à vapeur. Les gens ne réagirent pas. Aucun ne s’engouffra dedans, comme certains l’avaient fait la dernière fois.
« Ils ne peuvent pas le vois », pensai-je. Je sursautai. Comment le savais-je ?
Un jeune homme, environ dix-huit ans et qui avait l’air sympa glissa sa tête hors de la fenêtre et me fit signe de venir.
« Moi ? » pensai-je, et je lui fis savoir en me montrant du doigt. Il hocha la tête.
Je me levai d’un bonde et courus vers le train. Lorsque je fus parvenue à l’entrée, je remarquais que Bastien et Minouchka s’y trouvaient aussi. Sans hésiter, je grimpai à l’intérieur.