Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE VOLCANIQUE
LA PIÈCE VOLCANIQUE

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LA PIÈCE VOLCANIQUE

La Chatte qui Pêche as Poussière d’Étoile

Je parvins à faire entrer Om et Esprit dans la pièce au prix d’un grand effort, en les tirant de toutes mes forces et aidée par Ara. Ils étaient totalement paralysés, incapables même de parler! Une fois entrés, je refermai rapidement la porte, qui disparut un instant après. A présent, il s’agissait de trouver un moyen de les soulager, mais je n’avais pas la moindre idée de ce qu’il fallait faire. Je me mordis la lèvre pour ne pas paniquer. Heureusement, ils ne semblaient pas souffrir atrocement. Ils étaient juste immobiles, des véritables statues fantômes. Je balayai du regard la pièce, espérant de trouver quelque chose qui leur serait utile.
Ce fut tout le contraire. J’avais senti qu’il faisait beaucoup plus chaud ici que dans la pièce précédente, mais je m’aperçus seulement dans cet instant que nous étions sur une haute falaise de roche noire, que j’avais initialement prise pour un plancher. A ses pieds, une étendue de lave rouge braise, qui semblait en ébullition. Le ciel était couvert de nuages noirs, menaçants, transpercés par des éclairs de lumière. Ce paysage cauchemardesque me rappelait une illustration que j’avais vue dans un livre. La légende disait « La Terre il y a quatre milliards d’années ».
« Encore un truc du Dominateur » pensai-je agacée. Et ce fut à ce moment que j’eus un déclic. Comment se faisait-il que cette créature dont l’influence se faisait sentir à des pièces à la ronde, se fût laissée déstabiliser par un minuscule poignard planté dans son pied ? Il est vrai que j’avais recouvert la lame d’un liquide anesthétique avant de le blesser, mais pour un des éléments les plus puissants du Château, il n’aurait du s’agir que d’une petite pichenette. Alors que la créature était tombée raide sous l’effet de la potion. De plus, pourquoi s’était-il dérangé à combattre avec nous, comme un normal magicien ? Et pourquoi je n’avais senti aucun pouvoir particulier se dégager de lui, s’il m’avait été impossible seulement de regarder dans les yeux Celui-qui-sait, pourtant cent fois moins fort que lui? Trop d’éléments qui ne collaient pas. Je commençai à redouter le pire, et le pire arriva. Une voix que je connaissais, mais cette fois tellement forte que je sentais le sol vibrer sous mes pieds, s’éleva derrière moi.

« Ne me dites pas que vous pensiez réellement m’avoir échappé » dit le Dominateur d’un ton narquois. Je me tournai lentement. Ses trois têtes me regardaient, peut être avec un sourire amusé, mais je ne saurais le dire avec certitude car à chaque fois que j’essayais de lever le regard sur lui, je me sentais brûler le visage à cause de l’incroyable aura de puissance qu’il dégageait. Instinctivement, je me protégeai de mes mains. Le Dominateur rit, et ce son résonna dans mes oreilles pour un temps qui me sembla infini, ce qui n’était peut être pas qu’une impression. Lorsqu’enfin il se tut, je ne pus m’empêcher de lui jeter un regard furieux, ce qui eut deux conséquences. J’eus la sensation que mes orbites prenaient feu, mais je me rendis compte qu’il portait une armure. Une armure grise, comme faite de fils entrelacés. « Les fils des Tisseurs ! Les fils du Temps ! » je murmurai, impressionnée.

« Exact, petite fille, répondit le Dominateur. Mais tes…amis les Tisseurs ne sont qu’un maillon de la chaîne de travail de ces fils. »

C’était donc cette armure, faite du Temps lui-même, qui lui donnait sa puissance ! Cela expliquait tout. Lorsque nous l’avions affronté dans la pièce précédente, il ne la portait pas.

« Maintenant, donne-moi les perles. Ou préfères-tu que je te réduise comme tes compagnons ? » me demanda-t-il en indiquant les formes d’Esprit et d’Om étendues au sol.

Du bout des doigts, je touchai les fameuses perles au fond de ma poche. Je n’avais pas le choix. Je m’apprêtai à les sortir, quand un idée se présenta à mon esprit. Finalement, j’avais une opportunité à ne pas gâcher.

En trois bonds, je fus au bord de la falaise. Je tendis mon poing au-dessus de la lave bouillonnante. « Faisons un pacte. Vous guérissez mes amis, et je vous donne les perles. Sinon, je les laisse tomber, et vous pouvez leur dire adieu. »

Après un instant de stupéfaction, le Dominateur se reprit. « Petite humaine, ne sais-tu pas que je contrôle le temps ? Je suis invincible! » Cependant, malgré ses mots méprisants, une vive anxiété perçait de sa voix.

« Peut-être, répliquai-je, mais je vous jure que même si je devais y mettre cent ans, je lâcherai ces perles. Et vous ne prendriez pas le risque, non ? »

Le Dominateur resta silencieux. Il fixa mon visage, puis mes doigts serrés, puis encore mon visage. Enfin, il s’approcha de mes compagnons.

Je jugeai nécessaire de l’avertir. « Attention, si vous leur faites du mal… » Mais le colosse m’ignora. Il s’accroupit à côté d’Om et d’Esprit et leur fit avaler quelque chose. Aussitôt, mes amis se redressèrent, l’air beaucoup plus en forme qu’avant.

Je me concédai un moment de soulagement, mais n’abaissai pas la garde. « Très bien. Vous aurez vos perles. Mais d’abord, j’aimerais savoir à quoi elles servent exactement. » dis-je, le bras toujours tendu au-dessus du vide.

On sentait que notre antagoniste aurait bien aimé me jeter dans la lave. Comme il semblait étouffer d’indignation et ne répondait pas, je relâchai légèrement la pression de mes doigts, ce qui le fit parler très rapidement. « Ce sont des perles de vie. Les uniques qu’on peut trouver dans le Château. Elles sont entourées de poudre de diamant. A l’intérieur, il y a la Vie. »

« La Vie ? » intervint Esprit étonné.

« La Vie. L’arme la plus dangereuse, la beauté plus aveuglante, le pouvoir plus immense de tous. »
Tout à coup, ce fut comme si leur poids dans ma main s’était décuplé. Dire que nous nous baladions tranquillement avec une chose aussi précieuse !

« Je les garde depuis des siècles. Elles me permettent de tenir en respect le Château. Il les désire lui aussi, mais si jamais elles tombaient entre ses mains, personne ici n’aurait plus la moindre liberté. Vous comprenez que je ne peux pas vous les laisser emmener partout dans le château, c’est de la folie. Surtout vu votre destination. Ne me prenez pas pour une créature bonne, je tiens juste à garder un certain équilibre ici. C’est pourquoi le Château ne doit absolument pas s’approprier des perles. »

« Si vous n’êtes pas avec le Château, et si vous savez que nous allons le combattre bientôt, pourquoi ne pas venir avec nous ? Vous seriez un précieux allié » dit Om.

La réponse du Dominateur tomba comme un couperet. « Parce que j’ai vu le futur. Votre projet est voué à l’échec. Vous n’avez exploré qu’un centième de cette infinité de pièces, et vous pensez de pouvoir vaincre un être qui comparé à vous est un dieu tout-puissant ! »

« Je crois que je viens de démontrer comment battre un soi-disant tout-puissant » dis-je en affectant un air sarcastique. Mais en réalité, j’étais bouleversée. Notre projet voué à l’échec… que devions-nous faire ? Tous nos espoirs, toute notre énergie perdus! Om et Esprit avaient aussi chancelé, et partageaient sans doute mes pensées. Le Dominateur, lui, semblait plutôt satisfait. Les rôles avaient changé : peu importe ce que nous pouvions dire, il avait maintenant repris sa position supérieure.

« Donne-moi les perles, petite fille, pour la dernière fois. »

Je refusai de céder du terrain. « Promettez que vous ne ferez rien contre nous à l’avenir, et que vous nous laisserez partir d’ici indemnes. »

Il nous concéda un large sourire. « Mais bien sûr. De toute façon, même si je voulais vous voir morts, je n’aurais pas à attendre longtemps… »

Vaincue, je lançai les perles dans sa direction. Le Dominateur les attrapa d’une seule main, les scruta pendant quelques secondes et nous fit une courbette ironique.

« A ne plus vous revoir, aventuriers… » L’aura qui entourait son armure se fit de plus en plus intense. Je me tournai pour ne pas être aveuglée. Il y eut comme un grondement de tonnerre, et lorsque je refis face à mes compagnons, le Dominateur avait disparu.

Pendant un moment, personne ne parla.
« Nous…nous ne devons pas renoncer, commençai-je assez maladroitement pour rompre ce lourd silence. Peut-être que le Dominateur se trompe… peut-être qu’il n’a pas dit la vérité… »

« Non, m’interrompit Om. Il ne mentait pas. » Mon compagnon avait une expression douloureuse et pétrifiée. De nous tous, c’était lui qui s’était dédié le plus à combattre notre ennemi. Et tout à coup, comme ça, on lui avait appris que ces années d’efforts étaient vaines.

« Il a dit qu’on sera bientôt morts », ajouta Esprit d’une voix blanche.

« Écoutez, le Dominateur a probablement des milliers d’années derrière soi. C’est normal que pour lui, on vive très peu de temps, même si on aura la chance d’une longue vieillesse ! » je m’exclamai, essayant de refouler mes pensées les plus négatives. « En plus, on ne va pas laisser Emérence et les autres explorateurs se battre seuls ! On ne sait pas, peut-être qu’on ne vaincra pas le Château cette fois-ci, mais on aura perdu une bataille et pas la guerre ! »

Mes compagnons me sourirent, plus pour me rassurer moi que parce qu’ils croyaient à mes mots. Esprit fit mine de se ressaisir, et elle sortit le miroir d’Amélie. Om essaya de paraître confiant. Je sentis un subit élan d’affection m’envahir.
« Esprit, que nous dit Amélie ? J’ai hâte de sortir de ce four ! »

Mon ami regarda le miroir, perplexe. « Elle tient les yeux baissés, c’est étrange » dit-il. Je m’approchai et il baissa l’objet pour me faire voir.
« C’est vrai. Tu lui as demandé s’il y a une porte ? »

Esprit s’éclaircit la gorge. « Amélie, y a-t-il une issue ? » La jeune fille hocha la tête. « Bon, par où faut-il aller alors ? A droite ? A gauche ? » Mais elle avait de nouveau baissé le regard et ne répondait pas.

« Et si elle se trouvait dans cette pièce? » suggéra Om. Esprit répéta la question, mais Amélie fit signe de non. « Où doit-on aller alors ? » s’impatienta Esprit. Aucune réponse, juste ce regard baissé, comme à désigner quelque chose par terre. Prise d’un pressentiment, je baissai la tête à mon tour juste au moment où une trappe s’ouvrait sous nos pieds. Nous dégringolâmes tous les quatre avec un cri de surprise.

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