Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE OÙ JE ME SUIS ALICE-ISẾE
LA PIÈCE OÙ JE ME SUIS ALICE-ISẾE

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LA PIÈCE OÙ JE ME SUIS ALICE-ISẾE

leoliu as leoliu

Au milieu du couloir, j’aperçois tout à coup un petit flacon posé devant une minuscule porte.
J’ai failli passer devant sans le voir, tiens !

Sur l’étiquette, est écrit en lettres à volutes : « BOIS-MOI »

Encore un piège, j’imagine… Mais, bon, autant boire la coupe de l’aventure jusqu’à la lie.
Je débouche la bouteille, bouche mon nez et porte le tout à ma bouche !

Tiens, ça a le goût du jus de framboise… Un drôle de vertige me prend…

Et voilà que…

Mes cheveux se mettent à pousser tout jaune et épais, une robe bleue vient se substituer à ma tenue de combat ultra perfectionnée, des petits escarpins en lieu et place de mes rangers à crampons…

Et puis je rétrécis, rétrécis… je suis juste à la bonne taille pour passer la petite porte !

Petite porte miroir qui me renvoie l’image d’une toute jeune fille aux grands yeux et aux longs cheveux blonds retenus par un serre-tête, vêtue d’une robe bleue serrée à la taille avec un tablier et des bas blancs.

Moi l’aventurière hirsute, massive et farouche : je suis ri-di-cu-le !!! (et morte de honte)

Pas de doute, c’était bien un piège : je me suis alice-isé ! Je suis sûre qu’elle n’est même pas fichu de tuer dix gobelins cette potiche avec son tablier blanc immaculé.
Quelle poisse !

Bon, je pousse la porte. De toute façon, je n’ai plus trop le choix vu ma nouvelle taille…

“Ah ! Enfin ! Vous voilà ! Nous n’attendions plus que vous pour le thé !”

J’ai devant mes yeux la scène la plus cocasse qui soit : deux zombies des profondeurs sont assis face à face vêtus l’un d’un costume trois pièces rayés et l’autre d’une robe pervenche à crinoline. Ils font des manières et se lèvent pour m’accueillir avec force révérences.
“Venez ma chère Alice ! Asseyez vous là et joignez-vous à nous. Désirez-vous des scones au beurre pour accompagner votre five o clock tea ?”

Que faire ? Jouer le jeu ? Faire comme si tout était normal… Ou les embrocher direct ?

J’opte pour la voie diplomatique et prend ma voix la plus mielleuse pour répondre :
“Mais bien sûr, très chers. Un scone et une tasse de darjeeling avec un voile de lait. Merci !”

Les zombis sont sous le charme. Ils me gratifient d’éblouissants sourires édentés et me demandent si j’ai vu passer le lapin de Pâques.
“Non, non. Point encore. Mais je suis sûre qu’il ne saurait tarder.”

A ce moment, une voix stridente hurle dans mon dos :
“Saisissez-vous de cette imposteuse qui se fait passer pour Alice et coupez-lui la tête !”

Il ne manquait plus qu’elle : la reine de coeur, bien sûr !

J’attrape la théière et je lui balance un coup bien senti sur le crâne, juste avant de faire mes prises de karaté préférées aux deux gardes qui se retrouvent aplatis comme des crêpes à mes pieds.

Le zombie à crinoline se rue sur moi et se retrouve la tête arrachée et le corps valdinguant sous la table.
Finalement, elle a du muscle la petiote…

Je m’apprête à empaler le zombie élégant lorsqu’il me sussurre dans l’oreille :
“Je ne suis pas celui que vous croyez. Passez-moi la fiole cachée dans le sucrier et vous allez voir…”

Prise d’un doute, je m’exécute. Il avale d’un trait le contenu de la fiole et se transforme dans un grand “POUF” en un beau jeune homme, très style “prince Philippe de la Belle au Bois Dormant”.

“Merci mon héroïne de m’avoir délivré du sort qui me retenait prisonnier avec ces affreux zombies !, me balance-t-il des étoiles pleins les yeux, Voulez-vous m’épouser ? Nous coulerons des jours heureux dans ce château avec notre nombreuse descendance.
-Je voudrais pas vous casser vos plans, mais il y a encore pas mal de bestiasses à dézinguer avant que le château soit pacifié et accueillant. Et puis, votre soupe là, on me l’a déjà fait. C’est pas trop mon truc. Je suis plutôt du genre intrépide et sanguinaire. Je ne suis pas sûre que je sois votre type, en fait…
– Ah. Bon. Passez-moi la petite bouteille cachée sous le napperon alors.”

Il arrache le bouchon avec les dents, boit au goulot le contenu et dans un fracas se transforme en ogre velu aux dents aiguisées comme des sabres :
“ Mon vrai physique vous convient mieux ?
-Wouah ! Vous alors, on peut dire que vous ne manquez pas de ressources. Ca vous dirait qu’on continue l’aventure ensemble un bout de chemin ?
– J’allais vous le proposer. Tenez, buvez la dernière goutte. Vous devriez retrouver votre physique d’origine.”

Enfin, parfaitement assortis, nous partîmes, haches à la main et pilosités au vent, vers de nouvelles et folles aventures !

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