Au vu de mes précédentes pièces, je m’attendais à passer cette journée dans un musée d’histoire naturelle… quelle ne fut donc pas ma surprise de découvrir que j’avais pénétré dans une crypte ! D’emblée, la petitesse de cette pièce me rassura : elle avait presque la taille de ma chambre d’enfant. Enfin un espace qui me permettait d’oublier l’immensité de ce Château, dans lequel j’étais perdue depuis… combien de temps, déjà ?
L’air fleurait bon l’humidité, le lichen et les bleuets du printemps. Le côté lugubre de l’autel mis de côté, je me sentais à deux doigts de repasser ma première communion.
Je m’assis sur un banc de bois, qui ne grinça même pas, et je relâchais mon dos contre le mur de pierre. Dans un moment de délassement que je n’espérais plus, je me permis même de fermer les yeux. Ne pas compter le temps. Ne pas se préoccuper de trouver la sortie. Oublier la protestation de mon estomac vide. Détendre mes paupières endolories. S’autoriser même… un tout petit somme… tout petit…
Un courant d’air parcourut mon échine. J’ouvris un œil. Je ne remarquais pas plus d’ouverture qu’à mon arrivée – comme souvent dans le Château, la porte qui m’avait conduite dans cette pièce s’était effacée. Les murs semblaient parfaitement réglementaires. Un crucifix me rassura même quant à l’idée que ce n’était pas encore aujourd’hui que je croiserai le Diable.
Je m’approchai de l’autel. De facture sobre, il me sembla ancien. Il était émaillé de rameaux et pétales séchés… comme si on avait multiplié les offices sans rien nettoyer. Après tout, je n’avais pas vu de balai.
Un objet attira mon attention. Une sorte de vase refermé, une… une urne ? Refermé, non : son couvercle était légèrement décalé. D’ailleurs, je pensais à présent au fait que l’incinération n’avait rien de chrétien… et que l’urne était couverte d’arabesques luisantes. Pernicieuse, une nouvelle brise le déplaça. On aurait dit qu’elle m’invitait. Que je pouvais-je faire d’autre, dans cette crypte sans porte ni fenêtre ?
Une inspiration pour se donner du courage et je soulevai le couvercle, me penchant pour voir ce qui m’y attendait.
Deux yeux.
Deux yeux pâles
infiniment tristes et décidés
qui m’espéraient.
Deux yeux et une bouche bleutée, ouverte
et derrière, rien que le noir.
Je me mis à hurler.
Je hurlai face à ses yeux qui criaient devant moi et, bientôt, je dus reprendre mon souffle, la mâchoire toujours pendante face à cette vision.
J’inspirai et je vis les yeux, la bouche se déformer, attirées vers moi… avant de disparaître dans ma trachée.
Je me remis à hurler.
Je voulus plonger ma main dans l’urne pour trouver ces yeux, les tâter, ils ne pouvaient pas être en train de disparaître en moi…
Mais le sens de la brise changea. Je me sentis aspirée à l’intérieur.
🙂