Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
TOUJOURS CHEZ LA MAMIE
TOUJOURS CHEZ LA MAMIE

TOUJOURS CHEZ LA MAMIE

Elle me raconte des petits potins en me tendant un bol fumant de café au lait. Je peine à suivre ses histoires, mais elle ne semble pas vouloir m’en tenir rigueur. Au dessus du plan de travail sur lequel elle s’affaire à me couper des tartines, une large fenêtre inonde la pièce de lumière.
Le café est brûlant et il réchauffe agréablement le creux de mon ventre. Sans réfléchir, je pose ma tête sur la nappe cirée et ferme les yeux. Je me sens bien. Je suis au chaud, et l’air sent les tartines grillées et le chocolat. À côté de moi, une radio crachote un air d’accordéon sur lequel la vieille fredonne. Bercé, je finis par m’assoupir.

Je me réveille sur un canapé fleuri, blotti sous une centaines de couvertures. Je me redresse en sursaut. La vieille tricote, juchée sur un tabouret dans un fond de la pièce. Sans trop savoir pourquoi, je panique. Les rideaux sont tirés et la vieille a allumé une bougie pour éclairer son ouvrage : j’ai cette sensation étrange d’avoir dormi un siècle ou deux, et je me passe la main sur le visage pour vérifier qu’il est toujours le même.


“Bien dormi ?” me demande-t-elle sans lever la tête.

“Oui. Merci. Mais je vais y aller, je pense. J’ai rendez-vous.”


Elle hoche la tête, l’air entendu, et s’éclipse dans la pièce voisine avant que je ne puisse ajouter un autre mot. Elle revient une poignée de minutes plus tard avec mon sac et mon manteau — lavé et repassé.

“Je t’ai ajouté quelques en-cas dans la première poche,” m’indique-t-elle en me tendant mes affaires.

J’enfile mon manteau, me confondant en remerciements, et elle me guide vers la porte. Je me sens coupable de partir si précipitamment alors qu’elle m’a traité avec toute la douceur du monde. Coupable, et puis l’idée que je ne la reverrais plus jamais me fend le coeur. Ça fait moins d’une journée que je la connais, mais j’y tiens, à cette mamie.

Elle s’arrête sur le pas de la porte.

Je tourne la poignée. La porte s’ouvre sur une salle bondée de monde. Je tremble de soulagement — j’étais persuadé que quelque chose allait mal tourner au dernier moment ; que la vieille allait m’empêcher de partir, se déboîter la mâchoire pour révéler une bouche énorme hérissée de dents, me dévorer, etc. Presque en larmes, je la remercie une dernière fois avant de m’engouffrer dans la pièce suivante.

 Auteur : Épervier sous le pseudo « Épervier »

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