Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
L’ANCIEN BAR, MAIN TENDUE ET VERRES BRISÉS
L’ANCIEN BAR, MAIN TENDUE ET VERRES BRISÉS

L’ANCIEN BAR, MAIN TENDUE ET VERRES BRISÉS

Carnet de Devhinn
Pièce perdue n°8 (soit la 52ème pièce)

Pas de lumière. Mon pied dérape à peine la porte passée, m’entraînant dans ce trou dans le sol qui devait à l’origine être une grande trappe. Tout cela dure une seconde, mais j’ai le temps alors que je pars droit au fond de déceler quelqu’un de l’autre côté du sol éventré. Personne qui, par réflexe sans doute, élance son bras et parvient à m’agripper par cette veste ample que je possède depuis moins d’une heure. Je suis stoppé dans ma chute. Mon sac et l’arc glissent sur mon épaule, et tombent dans le noir en dessous. En revanche tout frappe très rapidement la couche inférieure. Et je pends à cette seule main salvatrice.
Je lève la tête après avoir repris mes esprits, mais je ne peux voir le visage dans l’obscurité. La personne est haletante. Sa poigne tremblante.
« Si vous faites un geste brusque je vous lâche. »
Voix féminine sur la défensive, ce que je comprends dans cette situation. Or ce son me dis quelque chose. Qui que ce soit, elle n’est pas non plus à l’aise dans sa position, un genou à terre, le sol sur lequel elle tient ne faisant que vingt ou trente centimètres. Loin de vouloir faire le malin dans cette situation, je réponds le plus calmement possible.
« Pas de souci, qui que tu sois je te veux aucun mal. » L’espace d’une seconde sa poigne semble changer. « Je pense que le vrai sol n’est qu’à deux ou trois mètres dessous. Tu peux me laisser tomber. Et après tu fais ce que tu veux. »
Je reste suspendu là.
Quelques secondes.
Et elle lâche.

Ma chute est absolument courte, mais je roule sur le côté et ait la désagréable sensation de sentir du verre m’égratigner la joue. Des lampes à détection de mouvement répondent à ma descente et illuminent les lieux. Je découvre avoir atterri sur une fine couche de verre, que je relie vite à toute la verrerie tombée dans le bar juste au-dessus. Cela couvre de la même façon les quelques tables empilées les unes sur les autres et le bar fendu en deux au fond de la pièce.

Je reviens d’un mètre sur ma roulade arrière en effaçant d’un doigt le sang de mon visage et retombe sur le sac et l’arc, constatant alors que le plancher – grinçant – ne semble pas très solide. C’est sans doute à nouveau vide en dessous, toujours plus profond dans le Château. Et j’ai aucune foutue idée de l’étage où je pourrais déjà bien me trouver. Je lève alors la tête.
La lumière à mon étage me permet vaguement de distinguer la fille à nouveau debout sur le fin rebord au-dessus. Mais cela suffit pour voir luire des yeux violets que je n’ai pas oubliés.
« Analayann ? »

Elle m’a forcément reconnu elle aussi. Je ne saurais mesurer de quand date la dernière fois que je l’ai vue, mais même si cela fait peu de temps elle n’était pas seule, et c’est en vision que je l’ai observée. Et pour ce que vaut le « temps » dans le Château… Il a pu se passer bien des choses. Et après de longues secondes à se dévisager, elle s’assoit sur le rebord du trou.
« Un gars ? »

Mes épaules s’affaissent de soulagement en entendant ce pseudonyme sans invention que j’avais donné. Je ne peux m’empêcher d’esquisser un sourire.
« Oui, oui c’est ça, ou Devhinn, ou peu importe en fait. T’imagines pas à quel point ça fait du bien de voir une vraie personne. »

C’est la pure vérité. C’est un coup à devenir dingue la solitude qu’on peut vivre ici.

Sans un mot, elle se laisse glisser pour tomber à mes côtés deux mètres plus bas.

Crac.

Non. Plutôt crrrrrac. Le sol en dessous, qui fissure quand Analayann l’atteint. La goutte d’eau qui fait déborder le vase. Nous avons juste le temps de nous regarder avant qu’à rebours le sol se déchire et nous avale une nouvelle fois, encore plus bas, nous, mes affaires, et une pluie de bris de verre.

Encore plus bas.

Auteur : un gars… sous le pseudo « un gars… »

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