Carnet de Devhinn
Pièce perdue n°6. (soit la 50ème pièce)
Inutile de vous dire que la porte en acier blindé, comme la grande majorité des portes de ce Château qui ne sont pas détruites avant, s’est refermée toute seule comme une grande dans mon dos. Ça pose toujours cette ambiance un peu tendue, mystérieuse. Bon, je ne vais pas vous mentir, après des mois à entendre les battants claquer dans leurs encadrements, j’avoue que l’effet de surprise devient plus lassant qu’autre chose.
Ce qui n’est pas lassant, et que malgré toutes ses atrocités je suis obligé d’accorder au Château, c’est les pièces que l’on découvre derrière chacune de ces portes. Il faut avouer que cela reste bluffant. Après je n’y connais rien en architecture ni en ameublement d’intérieur, mais enfin bref.
Le lit est fait au centre de la pièce. De bois, il est recouvert de draps bleus coupés d’un liserai blanc comme ses oreillers. D’où je viens, des rideaux fins cachant une peinture diablement réaliste d’un balcon avec vue sur un paysage méditerranéen. Encore une illusion vous noterez. Si l’on prête attention, l’encadrement de la porte est encore légèrement visible, mais impossible de faire demi-tour.
J’entends vaguement des voix dans l’autre direction. Quelques rires, bruits de verre, et peut-être un rythme jazz entraînant. Tout cela vient de la porte en face, fermée, mais elle bien ouvrable. Entre elle et moi le lit donc, mais aussi une armoire et un piano droit du même acabit. J’avance lentement, et en me frayant un chemin entre les meubles j’effleure les touches du piano, en enfonce deux plus aiguës sans le vouloir.
Ça n’allait pas ensemble. Un son criard, désagréable. Tant pis. Je ne sais pas en jouer de toute façon.
Je continue d’avancer, jusqu’à cette deuxième porte. Des gens applaudissent, quelqu’un siffle. J’avoue ne pas être très convaincu. La pièce précédente était presque aussi silencieuse qu’un trou noir, alors j’ai bien peur qu’il n’y aie rien de réel dans la suivante, si hospitalière puisse-t-elle être. Ne nous méprenons pas, j’aimerais beaucoup rencontrer une quelconque vérité, mais il y a depuis longtemps le Château entre elle et moi, qui campe presque infatigable ses positions. Tout en réfléchissant à tout cela, j’atteins la porte et appose ma main sur la poignée.
Et puis merde, de toute façon ai-je jamais fait demi-tour ? L’espace d’un instant la question me paraît saugrenue.
Comme si ce n’était pas quelque chose que je devrais penser ici.
Mais évidemment j’y pense quand c’est impossible, et je vous parie que l’idée n’émergera même pas dans la pièce suivante. Un peu manipulé ce cercle vicieux…
J’abaisse la poignée. Il y a un escalier ouvert, qui mène un peu plus bas à une grande salle de bar années 50. Essayons cela.
Auteur : un gars… sous le pseudo « un gars… »