Arthus
Je ne vois du lieu où je viens d’entrer qu’une table de bois et un grand tableau sur le mur, puis le noir se fait. J’entends murmurer. Demander à voix haute qui vient de parler m’est douloureusement insupportable. La voix se fait entendre à nouveau, toujours incompréhensible, mais de plus en plus forte. Cette litanie a l’apparence d’une incantation, d’une magie noire à vous dévorer votre âme, mais la douceur avec laquelle elle est prononcée m’enveloppe comme un cocon. Je ne peux plus bouger.
Devant mes yeux ébahis une silhouette lumineuse se dessine. Celle d’une femme dotée d’un charme fou. Elle me dévore des yeux, comme s’il n’y a que moi qui existe pour elle. Comme si elle peut lire au fond de moi. Elle tend la main dans ma direction, enjôleuse. Mon bras se lève tout seul. Hypnotisé, je ne suis plus maître de mon corps. Nos doigts se touchent. Aussitôt une douleur me déchire en deux. Non. Je me déchire en deux. Je me sens quitter mon corps, aspiré par l’apparition dont le visage n’a plus rien d’attirant. Ses yeux sont désormais deus grands trous noirs dénués de pupilles. A travers sa lueur, je distingue une porte. Par un effort inconscient, je me projette vers l’avant. A ma douleur s’ajoute un froid brûlant lorsque je traverse le corps de l’apparition. Sous mes doigts, le panneau de bois. De mes dernières forces, j’appuie sur la poignée et titube en avant.