Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.

LA PIÈCE

Il ne restait que le silence.
Mourir n’arrive pas tous les jours, et Nour était morte. Revivre, ça n’arrive jamais. Nour était née à nouveau.
Revivre n’arrive jamais aux autres, mais les autres ne pourchassent pas des yeux, mais les autres n’ont pas d’espoir, mais les autres vivent. En vérité, Nour n’avait jamais vécu. Elle était.
Elle emplissait l’espace comme un feu brûlant, sans s’en rendre compte. Elle était habitée.
Nour avait goûté à la mort, et elle toucha ainsi du doigt la vie. Elle crut alors que vivre, c’était s’abandonner, et elle prit peur. Elle crut qu’être entouré de soi, qu’expérimenter le silence à travers sa propre cacophonie, c’était cela, vivre. Nour ne pouvait comprendre qu’elle s’était évanouie. Nour ne pouvait comprendre que, pour elle, mourir c’était s’envoler en poussière et se mêler au ciel. Nour ne pouvait comprendre qu’elle était désormais autre, que le corps qu’elle portait n’était plus tout à fait elle, mais pas vraiment une autre.
Nour croyait qu’elle avait peur, et elle était terrifiée.
Elle avait été dans une pièce où tout n’avait été qu’elle, où elle n’était plus corporellement parlant, car elle était la pièce, car elle était morte, car elle était en elle. Et elle se trouvait désormais dans un néant qui la séduisait.
Cette pièce n’était qu’une pièce, et elle était toute les pièces, mais surtout elle n’était pas Nour. Cette pièce était multitude, elle était unique, elle était origine et aboutissement, création et altération. Cette pièce était l’océan où seule compte l’individualité des vagues, cette pièce était le désert où il y a autant de grains de sable que d’étoiles, autant d’oasis que de nations. Elle était éternelle comme tout ce qui n’a jamais débuté.
Cette pièce était ce qui est.
Et Nour s’y tenait droite, riant comme un défi, David devant Goliath.
Et Nour était une terre fertile, les graines d’espérance avaient germé, et elle savait qu’elle ne pourrait plus s’abandonner. Il était trop tard, le combat était engagé, une promesse avait lié sa destinée aux tourments des Étoiles.
Et Nour pleurait. Nour s’était laissée tomber sur le sol, poupée de chiffon recroquevillée, et elle sanglotait. Ses larmes étaient autant de cris qui résonnaient en silence, dans la lourde atmosphère que rien ne pouvait troubler. Sa peine était une fleur gorgée de pleurs trop longtemps tus.
Ce soir-là, car si la pièce était lueur immuable, elle était aussi obscure qu’un ciel de nuages, ce soir-là donc, Nour s’autorisa à espérer.
Nour se donna le droit de croire au lendemain, même si elle ne savait pas si demain serait radieux, même si elle craignait une désillusion. Nour abandonna ses vieilles murailles, lassée de ne plus attendre à rien, lassée de ne plus désirer.
Nour était sans défense, mais elle n’en voulait plus. Elle voulait être phénix renaissant de ses cendres éternelles, elle voulait être fugace, éphémère et fulgurante, Nour voulait soudainement changer ce monde.
Elle ne voulait plus mourir en vain.

  Autrice : Shvimwa sous le pseudo « shvimwa »

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