Je passe les quelques marches du seuil et ma première impression de cette nouvelle pièce est la température. Je me gèle. Cet endroit est remplie de neige et de glace, avec un vent qui pénètre mes légers vêtements et me glace les os. Le soleil, même bas sur l’horizon, est agressif pour mes yeux à cause de la réverbération. Je ne suis pas étrangère au froid mais je n’avais jamais vécu ce climat. On dirait un peu le grand Nord canadien. “The True North strong and free”, eh?
Il doit faire aux alentours de -40°C et je sais que si je ne trouve pas de manteau et de bottes rapidement je risque l’hypothermie. Je cherche à ressortir mais la porte c’est refermée. Cela ne m’étonne pas vraiment au vu de son état, je me maudis d’avoir eu cette pensée après coup. J’ai encore beaucoup à apprendre de ce Château…
J’observe le paysage de plaines, parsemées de congères de neige. Je sens par mon esprit une présence floue au Nord, et décide de tenter ma chance. Un endroit pour m’abriter du vent au minimum serait bienvenu. En marchant, je remarque que cette pièce ne semble pas avoir de murs, l’horizon est blanc à perte de vue. Même la porte d’où je suis sortie a disparue, et je me sens mal, perdue au milieu de cette immensité gelée. Je m’arrête pour reprendre ma respiration et me calmer. En recherchant de nouveau l’espace machinalement, je me rend compte que la conscience que j’avais aperçue est un être humain. Je n’ai pas encore rencontré d’habitants ni d’explorateurs du Château et je reste indécise. Je continue pourtant à marcher en direction de la conscience, bien forcée par la température de me dépêcher. Je commence à ne plus avoir des sensations dans mes orteils, seulement portées de la neige profonde par mes légères bottes de cuir.
Au milieu de la neige, abrité par une colline, se trouve un igloo que je ne peux m’empêcher de trouver cliché. Il est vide, à part pour quelques chiens qui dorment à proximité. L’esprit que j’avais vu semble s’éloigner de moi, et je décide de rentrer dans l’habitation pour me réchauffer. Je trouve des lampes et je les utilise pour allumer un feu dans le foyer. Je trouve des pièces de viande séchée dans un coin et les mange sans hésiter. Avant, cela aurait été considéré comme du vol, mais je ne suis pas dans la situation pour faire la difficile. Je tombe rapidement endormie sur des fourrures au sol, épuisée par mon voyage dans les plaines glacées.
Au matin je me réveille sous une couverture, devant le feu toujours chaud. Le temps de me souvenir de ma situation, je me lève, étonnée. Je me retourne face à face avec un homme. J’ai un mouvement de recul instinctif, mais mon hôte me paraît bienveillant. L’homme, assez petit, a la peau assez brune, quasiment de la même couleur que ces cheveux mi-longs. Je ne comprends pas sa langue mais il me donne un bol de bouillie, me rassurant sur ces intentions pacifiques. De la façon universelle de donner son nom à un étranger, je désigne ma poitrine en annonçant lentement : “Am-bre. Ambre.”. Je le pointe du doigt et il dit : “Inuksuk”. Je connais ce mot des cultures Inuit que j’avais découvert dans des livres. Les Inuksuk sont des structures de pierres en forme humaine qui servent de cairns dans l’arctique, si je me souviens bien. Apparemment, c’est aussi un prénom. Je ne connais pas grand chose de ces peuples, rien de plus que des histoires dans des livres pour enfants. Des petites anecdotes comme le fait qu’ils ont des traineaux avec des chiens, ou qu’ils ne sont pas sensibles au scorbut. Je me sens bête de ne rien savoir de ces gens aux manières aussi gentilles and accueillantes.
Je mange et je lui explique par signes que je suis un explorateur, nouvelle au Château. Je ne suis pas sure qu’il comprenne, mais je ne veux pas observer son esprit. Regarder les esprits d’autres personnes me rend aussi très inconfortable, comme si je les voyais nus ou si je découvrais leurs secrets. Je peux voir les émotions en un mélange flou que je ne comprend pas vraiment, mais qui révèle déjà trop.
Inuksuk me donne des botes de neige et une parka en fourrure, me faisant signe de sortir. J’attend quelques instants et il me rejoint avec un traîneau de 2 chiens. Je monte comme il me l’indique et il me conduit en silence à travers la neige. Je ne reconnait pas les légers reliefs mais il semble réussir à s’orienter avec les plus petits détails. Inukshuk ne doit pas avoir l’habitude de la compagnie d’étrangers, et je le laisse tranquille. Je sors de mes pensées quand le traineau s’arrête devant une porte de bois. Les chiens sont agités et remplissent mon esprit de leur peur en plus de mes oreilles d’aboiements. Mon nouvel ami me fait signe de descendre et s’éloigne rapidement, avec un dernier signe de la main. Cette porte est-elle dangereuse ou la peur de mes hôtes vient juste de superstition ? Je n’ai d’autre choix que de l’ouvrir et traverser dans l’inconnu.
Auteur : Sintara sous le pseudo « Sintara »