Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE DE MON ANIMAL DE COMPAGNIE
LA PIÈCE DE MON ANIMAL DE COMPAGNIE

LA PIÈCE DE MON ANIMAL DE COMPAGNIE

Je levais la tête pour regarder le plafond grisâtre. Comme cette pièce était ennuyante. Je n’avais absolument rien à faire et cela ne me plaisait guère. J’étais un homme d’action et rester ainsi immobile était contraire à ma nature. Pourquoi avait-il fallu que mon manteau disparaisse ? Au moins aurais-je pu jouer avec le ver pour me distraire. Mais non, ce dernier avait disparu à la mort de Grands-Yeux. Heureusement, j’avais pu conserver mon épée, Mecelsen. Seulement, je m’étais lassé de la contempler et ne souhaitait désormais qu’une chose : l’utiliser de nouveau. Je voulais ressentir de nouveau sa présence, me confronter à cette volonté propre qu’elle semblait posséder et dont je n’avais eu qu’un bref aperçu dans la pièce précédente.
Ce qui me fait penser que je ne vous ai toujours pas dit où j’étais. Je me trouvais actuellement enfermé dans ce qui semblait être une prison. Enfin, prison est un bien grand mot au vu de la sécurité de cette dernière. Des barreaux ! Quel est l’idiot qui avait pu penser un seul instant que des barreaux me retiendraient contre mon gré ? Et pourtant, plusieurs minutes après mon arrivée ici, j’étais toujours assis dans ce coin, au plus près de la lumière du jour qui filtrait par une fenêtre loin, très loin au-dessus de ma tête.
Non pas que je ne pouvais pas sortir, entendons-nous bien. Seulement, je ne voulais pas sortir. Pourquoi ? Mais la raison est très simple : avez-vous déjà eu un animal de compagnie ? Oui, oui, je sais, répondre à une question par une autre question est assez déplacé mais si vous avez le moindre problème avec cela, je vous invite à venir me rencontrer. Nous pourrions alors trouver une solution.
Mais revenons là où nous en étions. Pour ma part, je n’avais jamais connu cette joie. Enfant, j’avais ramené un dinosaure à la maison pour lui apprendre quelques tours. Mais, comme il refusait de m’obéir, je l’avais tué une demi-journée plus tard. Depuis, j’évitais de me lier aux animaux et autres créatures sauvages.
Cependant, j’étais jeune à l’époque et j’ai beaucoup changé depuis. Désormais, je sais rester maître de mes nerfs en toute circonstances et la patience et l’une de mes nombreuses vertus. Je crois que je suis prêt à renouveler l’expérience. Et vous savez quoi ? Le gardien de cette prison était justement un animal avec qui j’étais certain de nouer des liens forts.
Je l’avais vu dévorer un autre prisonnier d’une seule bouchée alors que j’avais brisé les barreaux de ma cellule pour m’échapper d’ici et j’étais tombé sous le charme de cette agressivité. C’est pourquoi j’avais pris la décision de retourner dans mon cachot et d’attendre mon tour pour créer un contact avec cette admirable créature.
Cependant, cela allait bientôt faire 5 minutes qu’elle me faisait patienter et mon envie de transformer mon nouvel animal de compagnie en steak saignant me titillait de plus en plus. Toutefois, j’avais eu tort de me montrer si pressé. Quelques secondes plus tard, tandis que je m’étais levé pour m’échapper une nouvelle fois, il se présenta devant moi.
Sa tête était celle d’un lion à qui on aurait greffé une corne de licorne tandis que son corps, sur lequel se tortillait des centaines de serpents aux couleurs hypnotiques, appartenait à un grizzly. De grandes ailes rouge de dragons se déployaient majestueusement de part et d’autre de son corps. Sa queue, en réalité une dague reliée à un fil d’acier, se balançait d’avant en arrière en émettant un bruit métallique à chaque contact avec le sol. Quant à ses pattes, j’avoue être assez sceptique sur leur appartenance mais, si je ne me trompais pas, il s’agissait là d’un Jalus, une race de créature aujourd’hui éteinte dans les bonds pouvaient atteindre plusieurs centaines de mètre de hauteur. D’ailleurs, on raconte qu’ils se nourrissaient presque exclusivement de créatures volantes qui avaient le malheur de se croire intouchable dans leur terrain de jeu qu’était le ciel.
Je saluais cet être merveilleux comme il se devait avant de lui faire une proposition
– Joins-toi à moi durant mon périple et je promets de bien de traiter. Tu seras connu et reconnu dans l’univers tout entier. Rien ne te sera inaccessible. Désirer reviendra à obtenir. Quand dis-tu ? Partant ?
Mais seul un rugissement féroce me répondit. Soit mon animal était dépourvu d’intelligence et de parole soit il n’avait pas apprécié le fait que je veuille lui passer une laisse autour du cou. Dans un cas comme dans l’autre le résultat était le même : il ne méritait nullement mon intention. Légèrement déçu, je me dirigeais vers lui en le défiant du regard. Sa queue remua dans son dos tandis que ses griffes s’accrochaient à mes barreaux. Il se hissa sur ses pattes arrière et ouvrit grand sa gueule, me défiant ainsi de toute sa hauteur. Mais il avait choisi le mauvais adversaire. Et s’il pensait que son petit numéro allait suffire à m’impressionner, il se trompait lourdement.
Dans ma main, Mecelsen, qui avait senti l’imminence du combat, se mit à vibrer, d’abord légèrement puis de plus en plus rapidement. Une chaleur irradia alors mon bras et je pris conscience de perdre peu à peu le contrôle de mon membre.
Un dernier pas m’emmena à quelques centimètres de la créature. Je pouvais sentir son haleine fétide, mélange de chair humaine et d’essence (ne me demandez pas pourquoi, je n’en ai aucune idée. Peut-être cache-t-elle un moteur à combustion sous sa crinière ?) sur mon visage.
D’un geste rapide de la main, j’ouvris en grand les portes de ma cellule, laissant le passage libre à mon ex animal de compagnie. Je reculais alors en arrière afin de me laisser une marge de manœuvre et d’étudier les mouvements de mon adversaire mais Mecelsen n’était pas de cet avis. Avant même que ne puisse réagir, mon bras fût projeté en avant et ma lame atteignit sa cible en pleine poitrine en répandant une mare de sang sur le sol et en coupant plusieurs têtes de serpent au passage. Furieuse, la créature hurla sa colère et se jeta sur moi à une vitesse surprenante par rapport à son gabarit. Mais ses grandes ailes étaient assez handicapantes dans cet espace clos et elles râpèrent contre les murs en y laissant une trace éternelle de leur passage tout en me laissant suffisamment de temps pour me mettre en garde. J’esquivais assez facilement le coup de corne que me lança la créature mais me laissa surprendre par un serpent qui planta ses crocs dans mon bras. Crocs qui se brisèrent aussitôt au contact de ma peau.
Je dois avouer que j’étais quelque peu rassuré. Avec toute la magie dont j’avais été témoin ses dernières heures, je craignais que mon adversaire ne possède un quelconque buffer ou une autre compétence magique qui lui aurait permis de me causer de sérieuses blessures. Il n’en n’était apparemment rien et cela confirmait ma décision de ne pas en faire l’un de mes compagnons. Me défier sans atout dans sa manche révélait de la folie et je voulais un animal sur qui compter à mes côtés, pas un vulgaire boulet à qui j’aurais dû apprendre les bases du combat.
Mais, tandis que je me concentrais pour esquiver les griffes de mon opposant et contre attaquer, je vis un léger éclat dans mon champ de vision. Comprenant aussitôt de quoi il s’agissait, je me baissais pour éviter d’être embroché par la dague qui servait de queue à la monstruosité qui me faisait face. De son côté, Mecelsen frappait toujours. J’avais depuis longtemps oublié l’idée de reprendre le contrôle de mon bras droit et préférait plutôt apprécier la qualité de ces feintes et de ses assauts. Ses techniques étaient loin de rivaliser avec les miennes mais son niveau était plus que suffisant pour m’arracher un sifflement d’admiration. Sans même que je n’aie l’impression de bouger, mon bras fendait l’air en tous sens tandis que des larmes de sang s’échappaient des yeux de Skelinox.
Bientôt, la créature ralentit, affaiblie par de multiples blessures. Sur le sol de pierre de la prison, le sang des différentes parties du corps de cette dernière se mélangeait avec les cadavres de serpents. Je notais mentalement qu’ils étaient maintenant plus nombreux à gésir à terre que sur le ventre de la créature. Ce n’était peut-être qu’une impression mais j’aurais tendance à penser que Mecelsen prenait un malin plaisir à découper une à une les têtes des reptiles.
Avec un grognement plaintif, je vis alors mon adversaire esquisser quelques pas en arrière. Pensait-il vraiment que j’allais le laisser fuir ? Je me ruais en avant, réduisant en un battement de cils la distance qui nous séparait et, d’un coup sec lui tranchait la gorge. La tête se sépara du reste du corps avant de tomber dans un bruit assez jouissif contre le sol.
C’était fini. J’avais gagné. Mecelsen bourdonna alors dans ma main pour me signifier que je n’avais pas tout à fait raison. Esquissant un sourire, je décidais de céder sur ce coup et corrigeais ma pensée. Nous avions gagné. Satisfaite, la lame cessa toute vibration avant de redevenir une arme inanimée entre mes mains. Je la rangeais dans son fourreau et, libre de me promener où je le voulais dans cette pièce géante, je quittais ma cellule.
Seulement, il n’y avait rien de bien intéressant là dehors. A peine quelques aventuriers dans un piteux état qui attendait, résignés, l’heure de leur mort. Les regarder me dégoûta. Un instant, je songeais à leur donner le sort qu’il méritait mais je me rétractais devant la quantité impressionnante de travail que cela représenterait.
A la place je fis une rapide inspection de la pièce, à la recherche d’un je ne sais quoi qui pourrait m’être utile durant ma quête mais, n’y trouvant que de la poussière et des rats, je pris la direction d’une immense porte de bois que j’avais aperçu tantôt. Nul doute qu’elle me mènerait dans la pièce suivante. A quoi ressemblait-elle ? Quels nouveaux dangers m’y attendaient ? Non, ce n’était pas important. Quelle que soit la situation, je saurais y faire face et continuerais mon chemin vers l’avant.
J’étais Yubi al-Deus, Az Eros l’immortel, Babès le Grand et je venais de franchir une étape supplémentaire de mon périple. Il ne restait désormais plus que 999 993 chances au château pour me battre. Il ne restait plus que 999 993 chances au château avant que je ne devienne Altixor le conquérant.

Auteur : Altixor, sous le pseudo « Altixor »

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