Aifé
-Vous me faites mal!
Voilà plusieurs minutes que nous marchons dans ce couloir de pierre fine. Ayant vécu dans le sol durant plusieurs années, je connais la plupart des minéraux. Ce couloir, est composé dans son intégralité d’hématite. C’est impressionnant. Enfin, je dirais ça, si je n’avais pas aussi mal.
A quand remonte la dernière fois où Néo m’a tabassée? Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est que mon corps est couvert de coupures et d’hématomes, et mon épaule est lacérée. Cette même épaule tenue par le Château depuis plusieurs minutes.
Tentant fermement mon bras, il me mène, ou plutôt me traîne dans une pièce quelconque. La douleur, la fatigue et la peur ressenties sont trop importantes pour que je puisse émettre la moindre tentative de fuite.
D’un geste méprisant, il me lâche, et je m’effondre contre le mur. D’un regard, il me jauge, telle que je suis, devant lui.
-Pitoyable.
Sa voix me fait frissonner. Un homme, dans son ombre derrière lui. D’un signe de tête, le Château lui ordonne de disparaître. Dvango, je crois…
-Où est Lià?
-Nous avons bien le temps d’en discuter.
Sa voix menaçante ne me dit rien de bon. Je présage le pire pour la petite.
-Elle est morte? Où est Néo? Et qu’allez vous faire de moi?
-Chaque chose en son temps. Suis moi.
J’ai peur. C’est normal, en sa présence? Ses pas rapides résonnent dans le couloir. Je le suis, boitillante, en tentant de ne plus penser à la douleur qui me retient, aux traces de sang sur mes mains, ma gorge, ma poitrine, mon épaule, mon dos. Je baisse la tête, regardant le sol d’hématite. L’odeur presque insignifiante de métal qui s’en dégage me permet seule de tenir debout. Ça et la peur. Le Château, ne se retourne pas. Il marche, c’est tout.
Je relève la tête, lorsque le silence revient, lorsque le bruit de ses pas réguliers s’interrompt. Il me regarde, expression indéfinissable sur le visage. Un sourire froid l’éclaire, un moment.
-Il est temps pour toi d’apprendre à me servir, mon enfant…
-Je ne suis pas votre «enfant»!
Il disparaît. Je sursaute. Une voix douce, menaçante, susurre à mon oreille.
-Premiers signes de révolte? Tu m’appartiens, jeune Saanp… Que tu le veuilles ou non…
Je me retourne. Rien. Une main me touche, je ne l’éloigne pas, en apnée. Un sourire carnassier éclaire son visage quelques secondes. La douleur disparaît, d’un seul coup. Il s’approche de quelques pas d’une porte que je n’avais pas vu auparavant. De l’hématite, évidemment.
-Tu ne me seras d’aucune utilité, morte.
Je baisse la tête, tandis qu’il m’ordonne d’un bref signe de passer la porte. Sa main est sur mon épaule. Protection? Avertissement?
-Il est temps que tu prêtes serment.
Autrice : Jécrivaine, sous le pseudo « Jécrivaine »