Aifé
Contact glacial avec l’eau. Choc thermique. Évanouissement.
J’ouvre les yeux, lentement. Je regarde autour de moi. Allongée au sol, mon regard fixe le plafond. Des poutres de bois vieilli par le temps. Mes vêtements trempés collent à ma peau. Déjà serrés, ils me tailladent presque. Mes cheveux mouillés forment une pointe sur le sol, derrière ma tête.
J’établis la liste des blessures. Lésion sur la joue droite. Gravité: 3/10. Profonde, mais j’estime que l’eau de mer a désinfecté la plaie.
Ecchymoses le long de la jambe gauche. Douloureux, mais j’ai connu pire. Degré de douleur 7/10.
Je bouge doucement, serrant les dents, pour avoir la sensation de maitriser un semblant de douleur. Je m’assois, prudemment. Aussitôt, la tête me tourne. La douleur m’envahit, mettant un point d’honneur à se centraliser sur l’arrière du crane. Je gémis. Traumatisme crânien. Probablement ma chute de la falaise. J’en regrette d’avantage de ne pas être morte. Je sombre dans une semi-transe, demi-mort, aussi appelée coma.
Quelques minutes, des heures, des jours?
Combien de temps suis je restée dans l’inconscience? Je n’en sais rien. Je n’ai pas envie de savoir.
Cette fois si, je ne ressens rien, et peux me relever. Mes bleus ont disparus, ma lésion a cicatrisé. Plusieurs jours, donc.
Je relève la tête.
La pièce est sombre, éclairée uniquement par des fenêtres poussiéreuses. Dehors, je vois des amandiers en fleur, et des moineaux. Mais dans ce château où tout n’est qu’illusion, je ne peux croire en rien de ce que je vois. Je peux voire la poussière danser, virevolter, en contact avec l’air frais de cette pièce. Une légère odeur de renfermée, mais aucune chaleur. Des feuilles couvertes d’écriture fine, serrée, d’un noir intense jonchent le sol. Un bureau, quelques feuilles blanches, un stylo. Tout ce qu’il faut pour écrire, même un siège. Je m’assois doucement, et saisis le stylo. Ma main tremble un peu. Je murmure, bien que je sois seule. Mauvaise habitude dont il faudra que je me débarrasse.
-J’ai tout ce qu’il faut, sauf l’inspiration.
L’INSPIRATION. Aussitôt, le stylo frétille dans ma main. Je sursaute, et le repose précipitamment, mais me ravise. Je le reprend de nouveau, et écrit de cette écriture noire, serrée.
« Je suis arrivée dans le château car…
Je m’arrête là, en proie à un vide, un manque. Je ne sais plus quoi écrire. Je m’apprêtais à reposer l’instrument d’écriture, lorsque une intense chaleur m’envahit. Elle venait du bout de mes doigts, et en quelques secondes atteint mon coeur. J’écris, écris, et écris toujours, jusqu’à ce que ma main s’arrête, épuisée. Alors, je comprends. Tout.
Cette écriture, c’est la mienne. Ces feuilles sur le sol, éparpillées, sont mes écrits, inachevés, jusqu’à aujourd’hui.
Je me lève, saisis les feuilles, encore sur le bureau, en tas, et les lance sur le sol. Elles toment en un doux bruissement.
-Il faut qu’elles rejoignent les autres…
Je regarde autour de moi,à la recherche d’une quelconque sortie. Une porte, de bois foncé m’attire. Elle s’ouvre, silencieusement, d’un silence qui me met mal à l’aise. Devant moi, du noir. J’entre, dans la pièce, à la recherche d’un quelconque interrupteur. La porte claque. Ma main ne rencontre aucun mur, juste du vide. Je suis prise au piège, encore.
Autrice : Jécrivaine, sous le pseudo « Jécrivaine »