Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE DE LA SALLE D’ATTENTE
LA PIÈCE DE LA SALLE D’ATTENTE

LA PIÈCE DE LA SALLE D’ATTENTE

Pendant que Livian se remettait de sa quasi-noyade au bord de la rivière, Ahna, Yann et moi nous éloignâmes un peu dans l’espèce de forêt (mais qui dit que c’est une forêt ? Avec le Château, on est jamais sûr de rien) qui bordait la rive. Après à peine trois minutes, nous nous retrouvâmes bloqués par un mur entièrement gris et extrêmement haut uniquement troué par une porte.
-Et bien je pense que nous allons aller chercher l’autre et partir par là ? Commença Ahna, à qui on ne peut nier un grand esprit d’initiative.
-Et bien je pense que j’approuve, fis-je.
-Et bien je pense que de toute façon si j’émets un autre avis je ne serais pas écouté ? Demanda Yann.
Ahna et moi hochâmes la tête.
-Alors allons y.
Quelques instants plus tard, Livian était réveillé sans douceur, nos gourdes réapprovisionnées en eau et notre équipement de nouveau sur notre dos. Le carnet à dessin de Yann, qu’il avait mis à sécher, en avait à peine eu le temps, bien qu’il ne sembla pas trop abîmé car celui-ci avait eu la précaution de le mettre dans un endroit plutôt étanche.
De retour devant la porte, Ahna se chargea de la marquer d’une croix avant que nous ne la franchissions.
Sans avertissement, le décor changea du tout au tout. De la forêt, nous passâmes dans une confortable salle d’attente. En face de nous, une autre porte. A droite et à gauche, symétriquement disposés de chaque côtés d’une table basse en verre recouverte de deux piles de magazines, six fauteuils rouges, profonds et visiblement moelleux. Par terre, de la moquette, au mur des lambris et au plafond un lustre lumineux. Notre moyen d’entrée claqua et se verrouilla dans mon dos.
-Wouha, fit Yann.
-Classe, ajoutai-je.
-Putain, conclut Ahna.
Nous sourîmes. Lorsqu’elle apprit notre langue (Ahna, de son vrai nom Ahna’ïlemthyvaplenftsam, est une guerrière à la peau d’ébène et au dents d’ivoire issu d’une tribu cannibale résidant sur île du Pacifique), Ahna a tout de suite apprécié les injures.
Livian s’assit immédiatement dans un fauteuil en respirant bruyamment. Depuis qu’il était sorti de l’eau, chaque bouffée d’air qu’il inspirait semblait être une renaissance. Je m’assis à côté de lui, attrapant au passage un journal périmé. Ahna alla tester l’autre porte. Verrouillée.
Yann avait étalé son grand corps maigre dans le siège en face du mien, un sourire dévoilant ses canines de buveur de sang et Ahna s’installa à sa droite.
-Il n’y a que moi que ça inquiète qu’on soit enfermé ? Questionna Livian, visiblement remis.
-Ceci est une salle s’attente, dit Ahna.
-Et alors ?
-N’est-ce pas le lieu dédié dans vos pays à l’attente ?
Yann et moi hochâmes la tête par dessus nos revues.
-Alors nous allons attendre.
-D’ailleurs c’est écrit là, fit remarquer Yann en désignant un écriteau au dessus de la porte indiquant « Prière de patienter dans le calme ».
Ahna lorgna dessus.
-Il vous faut tant de symbole pour simplement dire « Attendre » ?
-Un jour, tu comprendras les subtilités de la diplomatie, lui répondis-je.
Elle me dévisagea.
-La diplomatie, c’est bien la technique qu’emploie Yann pour éviter les combats ?
J’approuvais d’un mouvement de tête.
-Et tu remarqueras qu’il y excelle.
-Merci Lætitia, fit ce dernier en se penchant vers moi.
-Beaucoup de gens croient qu’il faut apprendre à se battre avant de pouvoir se jeter dans un combat. Mais c’est faux. C’est tant que l’on ne sait pas se battre qu’il faut résolument aller à la guerre, et c’est seulement une fois que l’on a appris que l’on peut refuser un affrontement, énonça sentencieusement Ahna.
Yann se tourna vers elle, mais sans intention de défi.
-Ce regard signifie que je ne sais pas me battre ?
-T’es tu déjà retrouvé dans un combat, un vrai ?
-Non.
-Alors tu ne sais pas te battre. Je t’ai peut-être appris à te défendre, mais les combats ça ne s’apprend pas. Ça se vit.
-Et bien c’est son jour de chance, le Château le jettera certainement dans une splendide baston bien sanglante dès qu’il en aura l’occasion, intervint Livian. Mais, puisqu’on parle du Château, vous allez réellement suivre ses instructions et attendre là ?
-Dis celui qui voulait nous tuer sur ordre de ce même Château, fis-je discrètement remarquer.
Il grinça des dents.
-C’était pas pareil.
-Et de toute façon, est-ce que tu vois d’autre solution, petit génie ? Ce n’est pas parce que tu es censé être notre prisonnier qu’on est tes nounous et que tu dois attendre passivement qu’on te sorte de tous les problèmes. Je te rappelle qu’on t’a quand même sauvé deux fois la vie et que tu pourrais montrer un peu de reconnaissance, conclus Yann, à qui sa « vampirisation » avait visiblement donné du cran.
Livian grogna un peu mais se résigna à attendre en silence.

Nous avions attendu pendant environ une heure. Tout le monde était passé au moins deux fois aux toilettes (une pièce plutôt spacieuse dont la porte était soigneusement dissimulé parmi les lambris) dont une pour prendre une douche sommaire grâce à un des deux lavabos. Nous avions emporté un savon, un peigne et un tube de dentifrice au milieu d’affaires principalement constitués de nourriture, d’eau et d’armes. Le stock de nourriture commençait d’ailleurs a baisser, même si nous nous réapprovisionnons dès que possible. Par contre, nous n’avions pas de serviette (il y a des limites) et nous étions séché principalement grâce au sèche-main (ce qui c’était révélé d’un malcommode…). Nos affaires étaient posées à nos pieds, et au fond de mon sac, j’avais rangé le journal en papier déchiré avec application, car on a jamais assez de combustible, comme vous le diront tous les bons pyromanes. En face Ahna aiguisait sa hache préférée, une petite merveille, il faut le reconnaître : un manche de bois et d’acier légèrement recourbé, peu épais mais extrêmement résistant, une lame d’un alliage de métal inédit, d’une dureté incroyable bien que plutôt fine, coupante comme un rasoir. Le tranchant a une forme courbe et se termine en une pointe en haut. Légère, maniable, solide et précise ont peut aussi bien la lancer que s’en servir au corps-à-corps. Ahna est gauchère, même s’il faut reconnaître que l’adversaire ne le ressent pas tellement lorsqu’elle se bat, elle porte donc sa hache à sa ceinture, à droite. À gauche, elle garde un sabre court. Dans son dos, même si il était à cet instant posé à ses pieds, l’arc fabriqué par les fées, un carquois remplis de flèche, en cuir, peu encombrant qui peut heureusement se refermer, ce qui nous a permis de ne pas perdre tous nos projectiles lors de nos… deux chutes dans de l’eau. Elle possède aussi quantité de couteaux qu’elle dissimule un peu partout sur elle, à ses chevilles, poignets, genoux, coudes… Je suis à peu près sûre qu’elle en met normalement un dans ses et épais cheveux noirs. Normalement car, pendant qu’elle aiguisait, Yann avait pris le peigne et démêlait lesdits cheveux pour en faire une longue tresse serrée. Je le regardai avec amusement s’appliquer dans son nouveau job de coiffeur, l’arbalète qu’il avait fini d’entretenir sur les genoux. Car si Yann a lui aussi reçu un arc de la part des fées, et qu’il sait plutôt bien s’en servir, il a préféré le modifier, lors des moments de lucidité de sa convalescence de vampire (rassurez vous, on ne lui avait pas laissé de flèches), pour l’intégrer à une petite arbalète, plate et légère, qu’il porte lui aussi dans son dos avec un carquois de flèche, par dessus son sac. En arme de combat rapproché, Ahna lui a trouvé une épée, possédant une lame de la taille d’un avant bras, effilée, étroite et particulièrement pointue. Jusqu’ici rien de très ébouriffant, mais de l’autre côté de la poignée part une autre lame, de mêmes proportions que la première mais moitié moins longue. Selon Ahna, « Yann aura besoin d’un maximum d’effet de surprise » et cette épée permet deux ou trois mouvements inédits. En plus de ça, il possède bien entendu un poignard qu’il porte lui aussi à sa ceinture avec son épée.
Quant à moi, je coupais mes cheveux bruns, déjà très courts, avec une de mes dagues en m’aidant du reflet que me renvoyait une flaque d’eau sur la moquette. Le résultat serait sans doute laid mais bon, les explorateurs seront certainement conciliants. Moi mon truc, c’est les dagues. J’en ai tout le long de ma ceinture ainsi que de deux autres qui se croisent dans mon dos. J’avais abandonné, à regret, mon arc, étant bien meilleure en lancer de couteaux. Je possédai aussi une magnifique paire de griffes à la Wolverine, en plus court, des genres de poings américains qui m’ont demandé pas mal d’heures d’entraînement. Livian, assis à côté de moi, était endormi et enfin débarrassé de tous les relents de l’immonde odeur de pourriture du cachot qu’il avait traîné jusqu’ici. Il ne possédait pas d’armes étant, quand même au départ un ennemi.

Autrice : lolo, sous le pseudo « lolo »

Partager...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *