Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE AUX OBSIDIENNES OU LA PIÈCE DE LA CALE DU NAVIRE
LA PIÈCE AUX OBSIDIENNES OU LA PIÈCE DE LA CALE DU NAVIRE

LA PIÈCE AUX OBSIDIENNES OU LA PIÈCE DE LA CALE DU NAVIRE

Aifé

La pièce dans laquelle je suis entrée est une cale de navire. Le bois pouri des murs se délabre lentement, au fil des ans. Je fais quelques pas prudents sur le sol. Quelques ras passent entre les tonneaux, et les caisses. Une forte odeur de rhume m’assaillit. La porte claque. Je suis prise au piège. Je scrute chaque recoin de la pièce, à la lueur d’une vieille lanterne. Le verre de celle ci est sale, et brisé par endroit. La bougie à l’intérieur se meurt, lentement. Le fer qui la retient au plafond, encadrant délicatement le verre tandis qu’elle tangue par endroit est rouillé. Aucune sortie visible.
Je m’adosse à la porte fermée. Je ferme les yeux, et murmure, doucement.
-Je suis un traqueur…
Ces mots me calment, apaisent ma détresse. Ils me rappellent le Vatican, mon maître, Théo, et mon ex-mentor, Néo Maryl.
-Je suis un traqueur…
Je calme ma respiration, tente de réfléchir. Il n’y a aucune sortie, et je ne peux pas m’enfoncer dans le mur, à cause de ma phobie. Il est hors de question que je reste ici, ou que je m’aventure dans le sol. J’ai peur.
-Je suis un traqueur…
Ces foutus généticiens qui m’ont crée… Je suis sensée être un varan « femelle », et ils m’ont ajouté le gêne de la peur. Ce gêne, si souvent oublié, pour notre survie. Si nous ressentions une émotion, notre espèce serait morte. Nous ne devons ressentir aucun sentiment. Aucun. C’est un besoin vital. Autrement, nous pourrions nous laisser attendrir par les paroles de nos cibles.
-Je suis un traqueur…
Que faire? Pourquoi ne pas explorer ce qui me tiendra lieu de prison? Je m’agenouille sur le sol vermoulu, et commence à ouvrir les innombrables caisses qui recouvrent le sol. Elle sont de bois qui a du être clair, un temps. Le cadenas qui protège le contenus des caisses se brise aisément, rongé par le temps. Je pousse le couvercle de la première caisse. Un parfum de femme chatouille mes narines. Des tissus précieux, colorés. De la soie, du riche velours, du taffetas, de la fine dentelle… Je laisse le tissu soyeux tomber de mes mains, et retomber sans un bruit d’où il vient. Ces choses encombrantes ne me serviront à rien.
J’ouvre une deuxième caisse. Des épices me font éternuer. Du cumin, du safran, du cacao… Cette cale est certainement celle d’un navire de contrebandier. Même chose. Les bocaux dans lesquels sont contenues les épices sont lourds et je risquerais de les briser.
Je pousse le couvercle de troisième coffre. Mes mains inquisitrices se figent. Des obsidiennes.
Ces pierres si belles, et si rares. Ces pierres de feu noir, ces pierres sorties des volcans, tout droit des entrailles de la terre. Ces pierres, si belles, et pourtant si maléfiques, qui reflètent les plus noires pensées de l’âme. J’en saisis une poignée. Les pierres précieuses finement ciselées étincellent à la lueur mourante de la chandelle. Elles ruissellent, et tombent dans un bruit cristalin. Je décide d’en prendre une poignée et la glisse dans une bourse de cuir noir. Soudain, je sens un courant d’air sous mes pieds. Un souffle d’air! Il y a une ouverture. Je pousse la lourde caisse. En dessous une trape. Elle s’ouvre en grinçant.
Je murmure, pour me donner du courage.
-Je suis un traqueur…
Je saute.

Autrice : Jécrivaine, sous le pseudo « Jécrivaine »

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