Enfin, je la retrouvais. Mine de rien, en plus d’être attachée à ses pas, je m’étais fortement lié d’amitié avec l’Oublieuse et les quelques heures passées loin d’elle, trimballée dans un vieux sac sentant la moisissure, ne m’avaient pas fait du bien. Avait-on enfin décidé de nous réunir ? Une main pénétra brutalement dans le sac. Elle m’arracha mon poignard et me lia les mains dans le dos avec l’ombre d’une cordelette. Cordelette qui, je le devinais, liait les mains de mon accompagnatrice. Je me pris à haleter de terreur, quand d’un coup on renversa le sac. Je tombai tête la première sur un sol humide et lourd. Marécageux. Je levai la tête.
La pièce dans laquelle on nous avait conduites était immense. Nous semblions être en pleine nature et non au cœur d’un château démoniaque. On avait même pris soin d’ajouter un faux soleil dans un faux ciel bleuté. Aden était debout, traînant au sol la pauvre Analayann dont les yeux dégoulinaient de sang. Maintenant (presque) libre de mes mouvements, je me précipitais vers elle.
—Analayann ! C’est moi, c’est ton Ombre.
—Je ne te vois pas…Je ne vois plus rien…Je…Suis-je aveugle ? Répond moi, Ombre, je t’en prie…
—Je ne crois pas. Je peux te guérir je vais te guérir
Je me coulai sur son corps glacé et posai mes mains sur ses yeux, tentant de les réchauffer, de les cajoler, de les guérir.
—C’est une blessure magique… Seul le magicien aurait pu te guérir mais j’ignore où il est… Attends un peu. Je vais rattacher tes pas aux miens, ainsi tu pourras voir un schéma de ton environnement par mes yeux.
Aden, que nous avions presque oublié, se mit à ricanner.
—Ah, votre cher magicien… Il était très amusant, il hurlait comme une mouette lorsqu’on s’est occupé de lui…
—Menteur ! Je sais que vous dites ça pour nous faire craquer ! Vous ne lui avez rien fait du tout ! J’espère qu’à l’heure qu’il est, il est sorti du château.
—On ne sort pas du château. Du moins pas dans cette vie là.
Pendant qu’Analayann et Aden s’affrontaient, je regardai autour de moi. Comme déjà dit, nous semblions être sur un chemin serpentant au beau milieu d’un marécage putride. Derrière nous, une porte se tenait absurdement plantée là, au milieu du passage. Des ossements jonchaient les côtés de la route. Humains ? Animaux ? Je n’étais pas capable de le dire.
Aden ricana de nouveau, et je me remis à écouter la conversation.
—Où que vos…Amis soient, vous n’allez pas tarder à les rejoindre. Nous n’avons que cette pièce à traverser puis…
Levant Analayann de force, il la poussa, et moi avec, devant lui.
C’était un véritable labyrinthe, un dédale sans fin et fétide où nos pas ne se détachaient qu’à contrecœur du sol. De ci de là, des fenêtres ou des portes étaient installées au beau milieu du vide.
Au loin, j’aperçus soudain une fenêtre ouverte. Nous marchions depuis quelques heures, et la surveillance d’Aden s’était relâchée. Par la fenêtre, j’apercevais d’épais flocons de neige dont certains venaient se déposer sur le chemin. C’était l’occasion ou jamais. Je ralentis très légèrement la marche.
Mes mains étaient liées, mais il ne faut jamais sous-estimer la puissance d’une Ombre. J’arrimais solidement mes pieds à ceux d’Analayann et, au dernier moment, sautais par la fenêtre. J’entendis un éclat de rire, et la fenêtre se referma sur mes doigts. Fiévreusement, Analayann cherchait une prise où se raccrocher. Je ne compris d’abord pas la réaction d’Aden, puis soudain tout s’éclaira
La neige ne tombait pas dans une pièce du château mais à l’extérieur. Nous étions sorties.
Mitigée, je pesais le pour et le contre entre descendre pour quitter cet endroit maudit et retrouver une fenêtre d’accès, mais le château décida pour nous. La pierre devint aussi molle que de la gelée, et nous fûmes aspirée de nouveau dans les tréfonds de cet enfer. Je rouvris les yeux, permettant ainsi à Analayann de voir un petit peu. Nous étions encore dans une nouvelle pièce