Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA PIÈCE DE PASSAGE
LA PIÈCE DE PASSAGE

LA PIÈCE DE PASSAGE

J’avais froid, si froid, si froid, si froid…
Repartons de la base.
Je m’appelle…Ah non c’est vrai je n’ai pas de nom.
Je suis une Ombre
Je me suis détachée de ma propriétaire.
En fait c’est elle qui s’est détachée de moi
Je l’ai suivie jusqu’à un grand Château
Je m’y suis rattachée au pas d’une autre personne
La suite est floue. Si floue. Quelques souvenirs me traversent rapidement. Je me sens nauséeuse. On a traversé des pièces et des pièces et des pièces et des pièces et…Encore des pièces.
Froid. C’est tout ce dont je me souvenais
En un éclair, je me souvins d’un cercle de flammes glaciales.
Voilà, c’est ça, je tenais le bon bout. Je ne devais surtout pas lâcher. Le froid. Tout se résumait à ça
On était entrée dans un cercle fermé par des flammes glacées.
Les Ombres ne supportent pas le froid car…
Car…
J’y étais. On ne supporte pas le froid qui nous plonge dans un état semi-comatique pour plusieurs semaines
On fonctionne en mode automatique, sans plus de conscience qu’une chaise.
Voilà. J’avais disparue, je venais de revenir. Mais que s’était-il passé depuis ?
Et comment avais-je récupéré ma conscience ? Un autre choc glacé ?
Je rouvris les yeux. L’Oublieuse était inconsciente, traînée sur le sol par des gardes. La salle que nous traversions était tout ce qu’il y a de plus insignifiant. Le sol de linoléum blanc crème était parfaitement uni, de même que les murs de béton. C’était de tout évidence une pièce de passage. J’étais recroquevillée dans sa paume. Devant la méchante mine des gardes, je pris le parti de feindre l’inconscience et ne me transforma pas.
Soudain une ombre minuscule bondit sur son corps. Aden (d’où savais-je son nom ?), d’un air agacé, la repoussa. Elle revint aussitôt au même endroit.
« Chef, la gamine a sauvé ce chaton pendant sa chute. Le torturer devant elle pourrait être amusant, non ? intervint un garde
—Excellente idée, ricana Aden. Tu as toujours eu d’excellentes idées.
Je ne comprenais pas. Ce n’était pas un chaton, tout juste une ombre de chaton…Je compris : certaines Ombres avaient la capacité d’être vue comme leur propriétaire

Sauf, bien sûr par les autres Ombres. J’engageai la discussion.

« Hey
—Hey. Ravie de croiser enfin une Ombre consciente d’elle-même. D’ailleurs tu ne ressembles pas à ta propriétaire.
—Ce n’est pas ma propriétaire. On est alliées, c’est tout. Je me suis attachée à ses pas librement. Toi tu ressembles à ton chaton, même si tu en es détaché
—Ce n’est pas un chaton. C’est un chat noir aux yeux vairons. Son âme est telle ses yeux : doubles. Soit elle est sous forme de chaton innocent et mignon, soit…
—Soit quoi ?
—Tu vas voir, me répondit l’Ombre-chat avec un sourire en coin. Elle se tapie avant de bondir au visage d’Aden
Sauf que ce n’était plus un chaton mais l’Ombre d’une gigantesque panthère.
J’en profitai pour sauter au visage d’Aden.

Quoi que d’une force surhumaine, il n’en était pas plus habitué au combat d’Ombre. Armé de l’Ombre du poignard de l’Oublieuse, j’esquivais, sautais, attaquais, parais, sans que la moindre fatigue ne vienne alourdir mon bras. Je savais que le combat pouvait continuer longtemps : ni lui, plus qu’homme, ni moi, moins qu’homme, ne nous fatiguions. Ce fut l’Ombre de panthère qui me sauva la face, me criant de les suivre.
D’un coup bien placé, j’ouvris la joue d’Aden, dessinant un semi sourire d’ange sur son terrible visage. Il lâcha son arme en hurlant, pour se tenir le visage à deux mains.
Je me retournai et me mis à sprinter à la suite de l’Ombre la panthère, qui avait pris l’Oublieuse toujours inconsciente sur son dos. AU fond du couloir que nous suivions, une porte, celle de l’espoir, se dessinait.

Soudain, devant nous, Aden se matérialisa, furieux. D’un coup de poing il agrandit la bosse sur la tête de l’Oublieuse et nous enferma, l’Ombre de la panthère et moi, dans un sac à Ombre

Je paniquai. Impossible de supporter ça. Le froid, et maintenant la séparation…
Je sentis un léger temps d’arrêt. On venait de franchir une porte

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