Tout au bout du bord de l’extrême, derrière les dernières montagnes du Monde, s’élève le Château des 100 000 pièces Les murailles, et les tours et les étages de ce palais s’élèvent, à ce qu’il vous paraît, bien au-delà des nuages, au-dessus des cimes.
LA SALLE DE LA RAISON
LA SALLE DE LA RAISON

LA SALLE DE LA RAISON

L’aventure. Voilà la raison pour laquelle j’étais devant cette porte. Voilà pourquoi j’ignorais complètement où j’étais géographiquement. Mais je me trouvais là pour changer ma vie. J’étais ici pour éliminer l’ennui qui avait commencé à ronger ma vie depuis si longtemps. Et c’est sur ces intentions que je passai d’un pas décidé le seuil d’une porte de rez-de-chaussée on ne peut plus normale.
La pièce était immense. L’atmosphère était lourde et poussiéreuse. Il n’y avait rien dans cette salle, ni meuble ni quoi que ce soit d’autre. Les fenêtres étaient si sales qu’aucune lumière ne passait et je ne pouvais pas distinguer les traits de ma main.
« Téléphone… Mon téléphone…marmonnai-je. »
Ma main plongea dans le sac à main en tissu brun-beige. Deux doigts frôlèrent le téléphone. Je le sortis mais il m’échappa des mains et tomba sur le parquet crasseux dans un bruit étouffé. Je grognai frustrée. J’aurai pu activer le mode lampe torche et y voir un peu plus clair. Tâtonnant la surface duveteuse, je finis par m’avouer vaincue et restai accroupie dans l’obscurité.
Un petit rire cristallin résonna. Sans sourciller, je dis d’une voix forte:
« Qui est là ?
– Personne.
– C’est très amusant.
– J’aime l’humour.
– Votre blague est de très mauvais goût.
– Dommage… »
Dans les secondes qui suivirent, rien ne se passa. Accroupie, je fixai mes pieds; ou du moins, ce qui me semblait être mes pieds. Malgré la touche de dégoût que me provoquait la poussière, je m’allongeai et m’étirai.
« Si je disais que tu étais vraiment misérable, tu saurais pourquoi ?interrogea la petite voix.
– Probablement pas. Je ne vois pas en quoi je serai plus misérable qu’un autre.
– Ça te dis si je t’expliquais ?
– Vas-y. Le temps passera plus vite.
– Tu as abandonné ta famille. »
Je tressaillis et me releva brusquement.
« C’est amusant comme le déclic se fait vite !ria la voix.
– Qui es-tu ?
– Je suis… Hum… C’est assez dur à exprimer mais je dirai que je suis ta… Raison.
– C’est ça. Je les ai laissé pour un temps limité. Je reviendrai. Et puis, ma famille sait que je l’aime et que je ne l’abandonnerai pas.
– Ton cœur est aussi sombre et poussiéreux que cette pièce !!critiqua l’autre avec un soupçon de moquerie. Laisse moi t’éclairer ! »
La pièce s’illumina brutalement. Mes yeux se fermèrent d’éblouissement et mes mains se plaquèrent sur mon visage tant la luminosité de la pièce était forte. Dans un trou entre mes doigts, je parvins à ouvrir légèrement l’œil. La salle avait complètement disparu. Tous ce qui était présent, la crasse, la poussière, le parquet, les fenêtres d’où la lumière extérieure n’était pas parvenue à passer, avait disparu. A la place, il n’y avait rien. Un vide infini, plein de lumière.
Mes yeux s’habituèrent un peu à la blancheur immaculée qui m’entourait. C’est alors que je remarquai de petites formes rondes se détacher du reste. Encore de la lumière…pensai-je exaspérée. Mais celle-ci était sous forme de petites boules, comme des poussières lumineuses.
« C’est beau n’est-ce pas ?dit la Raison.
– Peut-être mais je ne vois absolument rien.
– Dommage…
– D’ailleurs, j’aimerai savoir si tu as une forme… Physique?
– Non je suis un esprit. Je suis la Raison. »
La lumière semblait se ternir. Je pus enfin retirer mes mains de ma figure et ouvrir mes yeux normalement. Mais il n’y avait rien de spécial à voir. Toujours la même chose. Des lueurs, encore des lueurs. La voix reprit:
« C’est mon rêve. Que l’esprit des hommes soit comme ça. Si pur et raisonnable.
– Ton rêve est absurde, raillai-je. »
La lumière s’intensifia. Mais je ne bronchai pas.
« – Pourquoi donc ?!rugit la Raison.
– Pourquoi ? Parce que tous les hommes sont différents ! Personne ne peut penser exactement pareil qu’un autre !
– Tu n’es pas en droit de briser mon idéal ! Tu as agi sans réfléchir et a laissé ta famille derrière toi et tu viens me dicter ta loi ?! Pour qui te prends-tu ?
– Je m’appelle Lyra, j’ai 14 ans et je te dis que ton idéal est absurde ! »
Il eut un énorme cri. Guttural. Il résonna si fort que je crus que mes tympans allaient exploser. Les poussières de lumières commencèrent à crépiter et à provoquer des étincelles partout.
« Nom de… !
– Tu as peur hein ? Je vais te réduire en cendre ! »
Trois explosions s’enchaînèrent autour de moi. L’une d’elle m’atteint à l’épaule. Je gémis doucement. Mais il n’y avait pas de temps pour souffler. D’autres explosions s’ensuivirent. J’esquivai les deux premières, trébuchai et roulai sur un sol que je ne voyais pas.
Soudain, je sentis sous mon dos une forme rectangulaire et plutôt petite.
« Mon téléphone !songeai-je. »
Je passai ma main dans mon dos. Lorsque j’eus l’objet entre les doigts, je tentai de le lever mais il resta comme scotché au sol invisible. Je tirai aussi fort que possible. Le téléphone se détacha d’un coup de son support. Avec lui, la lumière s’ôta comme un tapis s’enlevait du sol et disparut. La Raison lança un juron résonnant. Je rangeai l’objet dans mon sac et vit les explosions prendre fin.
Je distinguais désormais les poussières lumineuses plus précisément. Elles étaient toutes de la même taille et il y en avait partout.
Et derrière cette masse éclairée, j’aperçus…une porte ! Je me précipitais vers elle. Mais à peine deux pas plus loin, je me percutai à un mur invisible. Et affreusement brûlant.
« Saleté.
– Tu es plutôt inexpressive…Lyra, c’est ça ?
– Ça ne change rien.
– Si. Ça gâche mon plaisir de te voir souffrir ! »
Je dis volte-face.
« Je t’ai vue !hurlai-je. »
Une poussière faisait le quadruple de la taille des autres. Elle se cachait dans la masse. Je piquai un sprint effréné. Les poussières recommencèrent à exploser, mais de moins grande envergure. Je pris mon save et le mit devant mon visage. Il commençait à sentir le tissu brûlé. L’adrénaline bouillonnait dans mon sang.
Je tendis mon bras aussi loin que possible. Ma main se referma sur la grosse poussière qui resta solide et dure. Mes muscles commencèrent à me lancer. Mes forces me quittaient. Ma main me brûlait.
Je jetai mon sac au sol et m’emparai de la grosse lueur. La Raison gémit.
« Comment ! Comment as-tu su que j’étais là ?
– Tu dégages quelque chose de mauvais. Tu es mauvaise. »
Je serrai plus fort.
« Tu crois me tuer ? Je suis immortelle ! Je suis un esprit !
– Tuer, non. Étouffer ton pouvoir quelques instants… OUI ! »
La boule de lumière se brisa comme un biscuit sec. Oh non… Si j’ai bien compris sa façon de penser, me dis-je, il doit y avoir…une explosion !

Lorsque j’ouvris mes yeux, la poussière, le sol crasseux était toujours là. J’étais allongée. Je n’avais plus mal. Nul part. Il y avait quelque chose de changé. Le poids de l’atmosphère avait disparu. Et les fenêtres étaient plus propres. Il régnait une ambiance calme et apaisante.
Mon sac était par terre. Il était complètement cramé sur un côté. Je le pris et me mis en tailleur. Je soufflai sur le petit baluchon. La cendre noire partit complètement. Au creux de mes jambes, le tissu brun-beige avait foncé. Une teinte café au lait que je trouvais assez poétique. Mais c’était mon délire. Je vis alors dans l’une des poches de ma sacoche, l’une des lueurs, brillant fébrilement.
Je lâchai un petit rire. Je me levai et me tournai vers la porte. Ma main se posa sur la poignée ronde en bronze. Elle y resta un instant, puis sortit un crayon et une feuille.

Lorsque je fermai la porte, j’eus un soupir de soulagement. Je me reposai quelques minutes au dos de la porte.
« Moi qui voulais faire disparaître mon ennui, je suis servie, soupirai-je. Finalement, on ignorait toutes les deux à quoi ressemblait l’autre. Physiquement et moralement… »
Je me détachai de la surface en bois avec un léger sourire en songeant à la carte que j’avais laissée dans la pièce.
Il y avait écrit:  » Parce qu’elle est remplie de mauvaises intentions, elle est bien plus grande que les autres. »

Autrice : l’étoile bleue d’un matin brumeux…, sous le pseudo « L’étoile bleue d’un matin brumeux… »

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