titelilou as titelilou
Lorsque j’ouvris les yeux ce matin-là, il faisait grand jour. Je n’aurais su dire combien de temps avait duré ma sieste, ni ce qui avait déclenché cette fatigue morne et engourdie qui m’envahissait encore.
Mais bien que les brumes du sommeil n’aient pas encore tout à fait disparues de mon esprit, j’étais certaine d’une chose.
Je m’appelais Titelilou, j’étais la plus grande Princesse que le monde ait jamais connu, et je me trouvais toujours dans le Château des Cent Mille Pièces. Depuis quand ? Je l’ignorais totalement. Mais cela n’avait au fond pas d’importance : il était temps de continuer l’exploration de ce lieu sans fin.
Je m’étirai lentement, époussetai ma robe de satin bleu, controlai la présence de ma dague d’or et de diamant à ma ceinture, et me relevai.
-Ah, tu te réveilles enfin ! Ca fait des heures que j’attends ! , s’exclama une voix familière sur ma droite.
Je souris en apercevant la jeune fille qui me faisait face. Aqua, ma coéquipière de toujours, semblait elle aussi prête à repartir à l’assaut !
– Bonjour Aqua ! Moi aussi ça me fait plaisir de te revoir ! , répondis-je en riant. Alors, quelle est cette nouvelle pièce dans laquelle nous sommes tombées ?
– Je te laisse le plaisir de la découvrir, répondit la jeune fille. Je ne vois absolument pas comment on va sortir d’ ici !
Je commençai enfin l’observation de notre environnement.
Sous nos pieds, du sable fin, d’une pâleur lisse et douce.
Au dessus de nos têtes, un plafond bleu azur d’ou semblaient sortir de grands rayons de soleil. Dans l’air dansait une brise légère et salée.
Et devant nous se dressait l’océan. Pas un petit étang, ni même un lac, non. Un océan, un vrai, éclatant d’écume et d’eau bleu nuit, tumultueux, infini.
– Effectivement, c’est problématique, déclarai-je en scrutant l’horizon. « Tu vois une porte, toi, quelque part ? »
-Rien, répondit-elle sombrement.
Voilà une pièce qui nous semblait bien morne : pas d’ennemis à combattre, pas d’énigmes à résoudre. Simplement cette étendue d’eau sans fin et pas d’échappatoire. Certes, il y faisait bon et l’endroit était propice à la sieste, mais pour deux jeunes filles en quête d’aventures exaltantes, cela ressemblait plutôt à une jolie prison.
Soudain, Aqua eut un mouvement de surprise.
– Si ! J’ai trouvé !
Elle pointait du doigt un point invisible au milieu de la mer. Froncant les sourcils, je tentai de comprendre ce qu’elle avait aperçu, sans succès. Je l’interrogeai du regard.
-Tu ne vois pas ? Ce petit bout de bois qui flotte sur les vagues, à quelques centaines de mètres ?
Enfin, je l’aperçut. Effectivement, au loin, une planche de bois semblait danser avec les vagues, s’éloignât toujours un peu plus de la cote. Mais en quoi une planche de bois aurait bien pu nous aider à sortir de cette immense pièce ? Je faillis détourner mon regard lorsque j’aperçut soudain sur la planche un détail qui m’avait échappé : une poignée, une poignée de porte en métal forgé ! Cette fois, il n’y avait plus de doute : c’était là la porte que nous devions atteindre. Mais comment faire ?
Je souris. En temps que princesse, il me semblait qu’une solution toute simple s’offrait à moi … Je fouillais dans mes poches jusqu’à trouver ce que je cherchais : un beau sifflet en argent ciselé.
Je le portai à ma bouche et sifflai un grand coup, sous les yeux troublés d’Aqua.
-Euh… Tu peux m’expliquer ce que tu fais, Titelilou ? , demanda-t-elle.
-Oh, rien de très extraordinaire. C’est un truc qu’on apprend quand on devient princesse. Ne t’inquiètes pas, notre sauveuse ne devrait pas tarder à arriver … Tu vas voir.
Aussitôt dit, aussitôt fait : quelques minutes seulement après mon coup de sifflet, l’océan sembla s’agiter vers la plage. Puis une forme immense émergea des vagues en sifflant.
Une baleine.
-Quoi ? m’exclamai-je devant l’air abasourdi de ma compagnonne. « Tu ne savais pas que les princesses étaient capables de parler aux cétacés ? C’est pourtant la moindre des choses pour pouvoir se déclarer de sang royal ! Allez, dépêche toi, elle ne va pas nous attendre pendant des heures… »
Nous courumes donc vers l’océan, grimpâmes tant bien que mal sur le dos de notre guide, et laissâmes celle-ci bouger lentement son énorme carcasse jusqu’à la porte tant attendue. Celle-ci était trempée, rouillée et couverte d’algues.
D’un bond, Aqua sauta sur la porte-radeau, débloqua le verrou rongé par le sel, et ouvrit le battant. De l’autre coté, pas d’eau de mer, mais un gouffre obscur qui ne laissait rien voir de la salle suivante.
-Prête ?, me cria-t-elle par dessus le fracas des vagues et du vent.
-Prête !, répondis-je en sautant à mon tour du dos de la baleine, qui retourna joyeusement dans les profondeurs abyssales de l’océan.
Et, ensemble, nous plongeames de l’autre coté de la porte.